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Pathé’O : « oser inventer un nouveau type d’africain »

Pathé Ouédraogo voit officiellement le jour en 1950. Mais l’intéressé lui-même avoue être né en 1954 à Guibaré à 87 Km de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. En 1964, son père agriculteur, l’inscrit à l’école rurale du village. Il y fait trois ans avant d’entrer au centre de perfectionnement agricole de Kongoussi. Le rôle principal de ce centre était d’apprendre les rouages des métiers de l’agriculture. A la différence de ceux du village, Pathé était destiné à être un agriculteur moderne à la fin de son apprentissage. Mais le manque de suivi après la formation fait que l’élève est livré à lui-même. Face à cette situation d’incertitude, Pathé songe à aller chercher un mieux-être ailleurs. A l’époque, la destination indiquée était bien sûr la Côte d’Ivoire. Le jeune homme fait de menus travaux (ramassage de tiges dans les champs, vente de bois de chauffe…) pour le transport. En mai 1969, il part pour la Côte d’Ivoire. En ce temps-là le ticket Ouaga-Abidjan coûtait 1500FCFA (non dévalués). Mais Pathé accompagné d’un ami de fortune, n’avait pas cette somme et se voit contraint d’embarquer de Ouaga pour Ferkessédougou.

En s’engageant à aller contre le cours de sa vie, c’est-à-dire en refusant d’être cultivateur, Pathé s’exposait à de nombreuses difficultés. Tout commence par Ferké. C’est dans cette ville du nord de la Côte d’Ivoire, que l’office de la main-d’œuvre venait chercher les travailleurs pour les plantations de café et de cacao qu’on acheminait à Bouaké au centre du pays. Ils étaient environ trois cents par jour à être déversés à cet office. A Bouaké, chaque planteur venait choisir les hommes qui l’intéressaient et le nombre qu’il voulait pour sa plantation. En terme clair, c’est là-bas que se faisait la vente. Très jeunes et un peu faibles, Pathé et son frère n’ont pu trouver preneur. C’est seulement au troisième jour de leur séjour à l’office de la main-d’œuvre qu’un paysan viendra les choisir par défaut pour les amener à Sinfra. On leur propose de travailler pour 36000FCFA l’ année. Le pire est qu’ils sont en pleine brousse avec toujours le même menu aux repas. Pathé qui comprenait le français a refusé la proposition de son acheteur. De vives discutions éclatent entre le propriétaire de la plantation et ses nouvelles recrues. Constatant l’esprit de revolte mais éveillé de Pathé, il l’écarta du groupe car il risquait de provoquer une révolte générale. L’homme sortit Pathé et son frère du groupe et leur lança ses mots si pleins de sens : « La pierre qui roule dans l’eau n’amasse pas mousse. » Après sa réflexion, il remis 1500FCFA aux jeunes aventuriers qui partent pour Bouaflé. Dans cette ville, ils travaillent pour une vieille qui prenait soin d’eux. Mais ils vont tout de même là pour Divo où ils sont conduit chez le chef des Mossi, le groupe ethnique de Pathé bien que ce prénom soit d’origine Peulh. Les deux amis vont encore faire face à la proposition de 36000FCFA par an qu’ils avaient refusé à Sinfra. Inutile de préciser que Pathé n’adhère pas à cette idée. Mais c’est à partir de ce moment que la situation a commencé à se décanter. Une lueur d’espoir se fait sentir. L’oncle de M. Konian Kouadio, alors maire de Divo vint les chercher pour sa plantation. Une fois sur les lieux, les jeunes travailleurs reçoivent un jour la visite du Maire. Il éprouva de la pitié pour eux vu le jeune âge avec lequel ils devraient travailler dans la forêt. Et dit ceci à son oncle : « ils sont si jeunes ! ». M. Konian décida de les amener dans sa rizière où le travail est moins dur que dans une plantation normale de café ou de cacao avec une paie mensuelle de 4000FCFA. Bonne proposition que Pathé et son compagnon acceptent. Dans le champ de riz, Pathé fait intervenir son expérience du centre de perfectionnement agricole de Kongoussi dans son pays natal. Son travail satisfait le patron. Mais dès qu’il perçoit son premier salaire, le jeune voyageur se résout à poursuivre son chemin : objectif Abidjan. Malgré les supplications de M. Konian, Pathé Ouédraogo part pour la capitale.
« Je fais la mode par nécessité !» a l’habitude de dire Pathé. Cela est d’autant plus vrai qu’il arrive à Abidjan sans grand moyen financier. Il loge chez un parent et suit un apprentissage en couture chez M. Gaoussou Bakayoko à Treichville, un quartier d’Abidjan. Au fil du temps il va dormir à l’atelier de couture. « Je dormais dans l’atelier. C’était un besoin pour moi », souligne-t-il. Et plus il y est, plus l’envie d’apprendre et de rattraper ses devanciers lui monte à la tête. Il s’adonne donc corps et âme à la couture. De 1969 à 1973, il apprend la coupe homme chez M.Bakayoko. De 1974 à 1977, il s’initie à la couture dame chez Cheick N’Diaye à Treichville Avenue 7. En ce temps-là, pour payer la formation, il fallait travailler gratuitement pour le patron. Pour bien comprendre quelques détails techniques de la couture, Pathé prend des cours par correspondance. En 1977, Pathé décide de voler de ses propres ailes. La vie professionnelle commence. Il sait coudre mais il n’a pas les moyens pour s’acheter une machine à coudre, encore moins se prendre un atelier de couture en location. On lui loue une machine à coudre à 1500FCFA par mois et se prend avec un ami un atelier qu’ils paient le loyer mensuel à 3500FCFA à Treichville Avenue 6 Rue 17. C’est là qu’il est découvert par l’animatrice Odette Sauyet qui lui donne l’occasion de faire sa première télé en 1985. Ce passage à la télévision permet à beaucoup de gens de connaître le jeune couturier. Le déclic arrive le 14 mars 1987 lors de la première édition des Ciseaux d’Or organisée par UNIWAX, une firme de textile. Pendant le concours, étaient notées l’harmonie de la tenue, l’élégance et la créativité. Pathé qui a bossé sur le pagne « L’oiseau rare » d’Uniwax sort un modèle exceptionnelle mais simple qu’il fait porter au mannequin Angèle Zaka. Au résultat final, Pathé remporte le Ciseau D’Or. Il entrait par la même occasion dans l’univers des grands créateurs d’Abidjan. Après cette victoire, va suivre le succès du jeune styliste auprès des clients. Mais ce n’est pas sans difficultés. Car le très grand nombre de sollicitations dépassent les capacités de production de Pathé qui fausse tous ses rendez-vous. Il va donc ouvrir un second atelier. A la fin de l’année 1987, il s’installe à Treichville Avenue 19 Rue 22 Barrée. Ce coin est aujourd’hui l’atelier de production de la maison Pathé’O. C’est à partir de ce moment que naît la griffe Pathé’O en référence à Pathé Ouédraogo. Une griffe qui naît, une nouvelle vie qui commence. Pathé’O équipe son atelier de quelques machines à coudre et embauche à son tour des employés. Il s’organise et devient plus professionnel. Son atelier ne désemplit plus, ses sollicitations à l’étranger se multiplient. La griffe Pathé’O devient une référence. La particularité chez lui, c’est qu’il travaille en grande partie sur les matières africaines notamment le pagne imprimé, les tissés ( le Kita baoulé, le pagne korhogolais, le Faso Dan Fani….), le voile de Mauritanie, le bazin, l’indigo… Ses habits se remarquent par leurs finitions nettes et le réalisme dans la création. Aujourd’hui, on peut dire que Pathé’O a beaucoup apporté à la mode africaine. Ce qu’il dit lui-même : « Modestement, je peux dire que j’ai réellement contribué à amener la femme africaine à sortir avec un vêtement africain fait par un Africain. Avant, c’était très difficile. De nos jours, les hommes et les femmes portent sans gêne les tenues faites dans de lamatière africaine. » Avec l’aide de quelques dirigeants et personnalités du continent comme Mandela, Konaré et autres chefs d’Etats en activité, Cheick Modibo Kéita…et des stars de la chanson africaine, il a réussi à faire admettre les tenues faites par les créateurs du continent comme tenue de sortie.
Pour diffuser sa griffe, il ouvre des boutiques dans plusieurs grandes villes africaines : Yamoussoukro, Bamako, Ouagadougou, Libreville, Yaoundé, Douala, Brazzaville, Luanda. En Occident il en existe à Pointe-À-Pitre et au Québec. « On se bat pour aller vers la clientèle. Il n’est plus nécessaire de penser que Pathé’O, c’est pour la classe supérieure.» dit le couturier. Son atelier compte aujourd’hui plus d’une cinquantaine de machines à coudre et c’est de là que partent toutes les créations signées Pathé’O.

Source : www.patheo.fr

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