Musique – Grand Nord : En attendant que les femmes ne donnent le La !

Amina Poulloh, Amina Ouwalé, Mimi Diaba, Yand Mad, Fâ-anta Bourne, Princesse Kadija Oumar, Saouda, Fati Salma, Princesse Kadidja, etc… elles sont nombreuses les talents féminins dont regorge le Grand Nord dans le domaine de l’art musical, mais qui restent malheureusement pour la grande majorité dans l’ombre, faute de visibilité au-delà de leurs frontières locales. Elles, ses amazones, qui entretiennent une tradition d’excellence, de dignité et d’expressivité vocale. Elles, ses héritières de Oumou Sangaré, elles proposent une musique ancrée dans le patrimoine et réceptive aux vents du monde. Dans leur chanson elles militent en faveur de l’émancipation des femmes car elles subissent l’inégalité entre homme et femme qui sévit également dans le domaine de l’art musical.

Si Amina Poulloh a pu s’imposer à l’échelle nationale au point de faire fredonner « mémanam, mémanam » (touche moi ça. Ndlr) aux mélomanes du Sud, difficile d’en dire de même pour Amina Ouwalé, une diva auto proclamer qui a pour principal théâtre d’expression son sahel natal. Pendant que la popularité de Princesse Kadidja Oumar lui a offert un ticket d’ambassadrice pour projet Malaria No More, Yand Mad elle doit se contenter de caresser une telle opportunité comme un rêve. Afin de donner un coup d’accélérateur à leur carrière respective, Mimi Diabba et Fanta Bourne ont dû aller chercher fortune ailleurs. A Douala pour la première citer, Ndjamena pour la seconde.

Même si elles existent les amazones de la musique sahélienne, leur faible nombre au sein de cette corporation inquiète cependant. Il y a un peu plus de vingt-cinq ans, lorsque l’on parlait de la musique du Septentrion, un nom sortait du lot: Ali Baba de regrettée mémoire. Quelques années plus tard, le petit écran aidant, celui d’Abdou Bénito, par le biais du feuilleton « l’orphelin « , a commencé à retentir. Il a fallu attendre le début des années 2000 pour voir émerger une nouvelle caste d’artistes animé par des femmes en majorité. Celles-ci possèdent par ailleurs de grandes qualités. Professionnelles ou semi-professionnelles, « si elles sont bien encadrées elles vont aller très loin » pensent d’ailleurs Adala Gildo, ancien directeur du festival des musiques sahéliennes Festimusa. Cela passe par l’organisation des ateliers de formation avec des artistes professionnels. Pour leurs albums Il faudra également que ces artistes féminins s’attachent les services d’arrangeurs de qualité, d’instrumentistes qui vont travailler pour elles et éviter qu’elles ne tombent dans le piège du playback qui les guette. « Il faut que les artistes du Nord participent à des ateliers. Ici il y a beaucoup de chanteurs mais très peu d’instrumentistes. On ne se forme pas au conservatoire. S’il n’y a que des chanteurs on aura un déséquilibre car tous les chanteurs n’ont pas toujours la parfaite maîtrise de l’art vocal », estime Dj Kader, producteur réputé basé à Garoua.

Difficile donc d’être un artiste dans le Septentrion. Le cauchemar que vivent ses amazones de la musique est aussi le lot quotidien de leurs homologues hommes. Car à la vérité la diversité artistique et culturelle dans le Grand- Nord, aussi immense soit-elle, est victime de beaucoup de préjugés. Aussi, en dehors des quelques radios publiques et des radios communautaires, il n’existe pas de structures médiatiques réelles (TV et radios privées) ou d’infrastructure (salle de spectacles) pour permettre une vraie expression aux artistes.

Aujourd’hui, le travail accompli par la vingtaine d’artistes féminins versées dans la recherche de nouvelles sonorités musicales identifiées dans le Septentrion national est certes intéressant et prometteur, mais il gagnerait à être poursuivi, approfondi, perfectionné et revitalisé.

Ebah Essongue Shabba