CinémaClin d'oeil

Rasmané Ouedraogo : « Nos instances devraient comprendre l’urgence d’investir dans le cinéma…»

Comédien, réalisateur, producteur burkinabé de renom, Rasmané Ouedraogo  est l’ex-Président du Conseil d’Administration du FESPACO, et capitalise une trentaine de réalisations en terme de longs et courts métrages. Président du Jury Documentaire et Court métrage International du festival ECRANS NOIRS 2015, cette grande figure du cinéma africain est bel et bien à Yaoundé, et culturebene vous l’offre dans le cadre d’un petit entretien…

Rasmané Ouedraogo au Cameroun  à l’occasion de la 19ème édition des Ecrans Noirs et sous la casquette de Président du Jury Documentaire et Court Métrage ; forcement, une petite fierté depuis que vous avez foulé le sol camerounais, un pays frère et ami du Burkina Faso…

Peut-être pas une fierté, mais beaucoup plus un DEVOIR. Parce que j’appartiens aujourd’hui à une génération qu’il convient d’appeler « Les doyens du cinéma africain » ; donc partout où il est question de l’image, du cinéma ou de la promotion de l’audiovisuel, et bien je serai toujours disponible. Je me dois de soutenir aussi cette nouvelle génération qui arrive.

Vous êtes un mastodonte du cinéma africain capitalisant près d’une trentaine d’années… On imagine le parcours sinueux…

Disons que nous sommes dans un domaine qui d’apparence semble facile et fait rêver, mais dont la réalité est toute autre ; le cinéma devrait être une véritable industrie, sauf que nos pays n’ont pas su développer une véritable politique culturelle, et quand bien même on s’y essaye, il n’y a pas assez d’audace pour impulser une réelle dynamique. Or nos pays sont signataires de beaucoup de conventions, des textes etc, mais dans la réalité rien n’est fait, et la culture n’a toujours pas une place prépondérante. C’est dommage, quand on pense que la culture est un moteur pour l’économie d’un pays. L’image, si on ne la fait pas, c’est elle qui nous fera demain. L’image a envahi tous les espaces, mais qu’elle est la contribution africaine dans ce concert ? La question reste posée.

Le grand public camerounais vous a véritablement adopté en 1999 avec la série « Kadi Jolie » or votre tout premier long métrage remonte aux années ’86 ; on aimerait bien percer le secret qui vous a permis de résister autant ? D’aucuns pourraient penser que vous crouliez sous des millions, or il n’en est rien…

C’est vrai que c’est très compliqué de gagner des millions en tant qu’acteur de cinéma en Afrique, mais vous savez, quand on se lançait dans ce métier, l’argent ne comptait pas. Le cinéma africain est né dans le cadre de sa contribution à la lutte pour les indépendances. Nous menions un combat pour la décolonisation de nos pays, mais un combat pacifique qui passait par l’image, un combat qui passait aussi par la sensibilisation de nos populations. Avec les acteurs et réalisateurs d’autres pays africains, nous avons avancé de concert et nous sommes tous indépendants. Une fois l’indépendance acquise, il était question que le cinéma, tout comme ailleurs, devienne un outil de développement, c’est-à-dire, la contribution du cinéma dans le processus de développement économique de nos pays. C’est à ce moment qu’on a évoqué l’industrie culturelle. D’où le changement urgent de la vision de ceux qui le (cinéma) pratiquent ; mais malheureusement dans nos pays cette vision n’est pas à l’ordre du jour, si bien que le comédien africain est obligé de revoir ses ambitions à la baisse. Et là, nous sommes obligés de chercher des financements ailleurs, nous sommes obligés de nous aligner en Europe pour espérer le financement de nos projets. Ce n’est pas évident, vu qu’ils ont eux aussi des préoccupations et que leurs réalisateurs ont besoin d’eux également. Nos gouvernements devraient comprendre l’urgence de la chose. Le cinéma a, au-delà du financement, besoin d’un cadre juridique précis, puisque les acteurs du secteur doivent travailler à définir les conditions réelles d’exercice.

Que dire du débat sur les aspects qualitatif et la quantitatif sur lesquels devrait peut-être s’adosser ladite industrie ?

Ce qui est certain, c’est « faire les films » qui créera l’industrie ; je ne veux pas me limiter au débat qualitatif ou quantitatif. Faisons des films, car l’africain veut consommer local, il a envie de voir son image. Oui, la qualité pourra ramener l’argent qui fera la quantité, sauf que si vous faites Un film tous les 10 ans, croyez-moi vous risquez ne jamais participer à l’émergence de l’industrie. Vous aurez beau faire le meilleur des films, si vous n’avez pas de salles où le projeter, c’est peine perdue. Tout doit aller ensemble, c’est un ensemble d’actes à poser, sinon on prendra toujours un petit bout et on jugera au lieu de voir le problème dans son entièreté. D’où ces préjugés caricaturaux. Pourtant ailleurs on ne plaisante pas avec l’industrie du film ; aujourd’hui encore le cinéma est le troisième pilier de l’économie des Etats-Unis. Les américains sont-ils si naïfs d’avoir donné tant de force à leur industrie cinématographique ? Je ne pense pas. De toutes les manières, nos instances vont s’y inscrire, tôt ou tard, qu’ils le veuillent ou pas, parce que demain c’est le monde de l’image et personne n’échappera à cette réalité.

 

Commentaires

0 commentaires

Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux:

📸 INSTAGRAM: https://instagram.com/culturebeneofficiel
🌐 FACEBOOK: https://www.facebook.com/culturebene
🐤 TWITTER: https://twitter.com/culturebene
📩 EMAIL: culturebene@declikgroup.com
Afficher plus

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Bouton retour en haut de la page