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« Survivante », la victime du violeur de Stanford élue Femme de l’Année

Le magazine «Glamour» a décidé de désigner la victime du violeur de Stanford, femme de l’année. Son témoignage est rapidement devenu la voix des femmes violées à travers le monde.

En juin dernier, le procès de Brock Turner s’est tenu aux Etats-Unis. Le jeune homme, étudiant de l’Université de Stanford et star de l’équipe de natation, était accusé du viol d’une camarade au cours d’une soirée alcoolisée. Parce qu’il avait tout de l’élève modèle et représentait l’élite de son établissement, Brock Turner n’a été condamné qu’à six mois de prison et a été remis en liberté conditionnelle après seulement trois mois passés derrière les barreaux. A l’époque, la décision de justice avait indigné le monde entier. Et ce sont les mots de la victime qui à l’époque ont mis en lumière cette injustice flagrante. «Les dégâts sur toi sont concrets – on t’a retiré tes titres, tes diplômes, tes inscriptions. Les dégâts sur moi sont internes, ils ne se voient pas, je les porte avec moi. Tu m’as volé ma valeur, mon intimité, mon énergie, mon temps, ma sécurité, ma vie privée, ma confiance, ma propre voix… jusqu’à aujourd’hui», avait-elle écrit.

La longue lettre avait alors été reprise par le site Buzzfeed et était très vite devenue virale. Mardi, le magazine «Glamour» a décidé de rendre hommage au courage de celle qui préfère rester anonyme et se fait appeler «Emily Doe» en la désignant «Femme de l’année». «En quelques jours, son témoignage a été vu près de 11 millions de fois, il a été lu sur CNN et devant le Congrès. Les centres d’appels pour les victimes de viols ont été pris d’assaut et de nombreuses personnes ont proposé leur aide. Plus important encore, la Californie a supprimé la clause qui allégeait les peines en cas de viol sur une personne inconsciente ou intoxiquée. Doe a envoyé ce message : Je suis avec vous», écrit le magazine féminin.

« Embarrassée d’avoir voulu y croire »

Dans «Glamour», Emily Doe a accepté de revenir sur cet événement traumatisant et les jours qui ont suivi la publication de sa lettre. «Depuis le début, on m’a dit que j’étais le meilleur scénario. J’avais des preuves scientifiques, des témoins non alcoolisés, des policiers sur les lieux de l’agression. J’avais tout et pourtant, ce ne fut pas une simple formalité pour moi. Je pensais que si c’était ça, avoir le meilleur scénario, alors mon dieu, quel enfer les autres victimes peuvent-elles vivre ?», écrit-elle. Elle se rappelle du moment où elle a appris que son agresseur n’allait être condamné qu’à six mois de prison, de son «embarras d’avoir essayé et d’avoir voulu y croire et croire (qu’elle) pourrait influencer la décision. (…) Cela ne pouvait pas être le meilleur scénario». Lorsque sa lettre a été révélée par Buzzfeed, avec son autorisation, elle s’est alors demandée pourquoi elle avait fait ça, «se rendre à nouveau vulnérable et exposée aux autres». Mais les réactions ont été positives. Elle a reçu des milliers de mails «du Botswana à l’Irlande en passant par l’Inde». Emily Doe a même reçu une lettre de Joe Biden, vice-président des Etats-Unis, la qualifiant de «combattante».
Quelques personnes mal intentionnées ont toutefois réagi violemment à cette lettre, insultant la jeune femme et critiquant son physique. «C’est triste, j’espère que ma fille ne finira jamais comme elle», a même écrit une mère. «Comme si ce qui m’était arrivé marquait la fin de mon histoire. Comme si au lieu d’être un modèle pour les autres, j’étais un triste exemple dont il faut tirer la leçon», déplore Emily Doe. «Si vous pensez que la réponse à tout ça est que les femmes doivent être plus sobres, plus discrètes, plus droites, qu’elles doivent apprendre de leurs peurs, alors nous n’allons aller nulle part, écrit-elle encore. Quand le juge Aaron Persky tait le mot justice, quant Brock Turner n’écope que de quelques mois, alors nous n’allons nulle part. Mais lorsque nous faisons de la lutte contre la violence envers un autre être humain une priorité, et quand nous condamnons les responsables, quand nous faisons campagne pour rappeler à ce juge que les victimes méritent mieux, alors là, nous allons enfin quelque part».

A cette fille dont la mère espère qu’elle ne finira pas comme elle, Emily Doe répond : «En fait, j’espère que tu vas finir comme moi, j’espère que tu vas devenir forte. J’espère que tu seras comme moi fière de ce que tu deviendras. J’espère que tu « ne finiras » pas mais que tu vivras encore. Et j’espère que tu grandiras en sachant que le monde n’aura plus à se battre pour tout ça». En conclusion, la jeune femme rappelle que les «victimes ne sont pas des victimes et ne sont pas des petites choses fragiles. Les victimes sont des survivantes, et les survivantes vont faire tellement plus que juste survivre».
L’agression sexuelle de l’étudiante s’est produite sur le campus de Stanford, en janvier 2015. Ce sont deux étudiants suédois qui ont sauvé la jeune femme, inconsciente, qui se trouvait derrière la benne à ordures d’une maison occupée par les membres d’une fraternité. Au moment du procès, les avocats et parents de Brock Turner avaient appelé à la clémence, qualifiant le viol «d’erreur» et de «mauvais choix». L’étudiant de 20 ans n’avait de son côté montré que peu de considérations à l’encontre de sa victime de 23 ans, déplorant d’avoir perdu sa réputation, sa place dans l’équipe de natation et ses chances d’être diplômé. Une pétition en ligne avait en outre été lancée et avait récolté des centaines de milliers de signatures afin de demander la démission du juge en charge de ce dossier. Mais Aaron Persky avait été réélu, quelques semaines plus tard, à son poste pour six ans, en l’absence de candidat contre lui. Le «Los Angeles Times» avait finalement rapporté qu’il avait décidé de se retirer d’une nouvelle affaire de viol quelques semaines plus tard.

Par Clémentine Rebillat

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