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Le prix Femina est revenu à la Camerounaise Léonora Miano

"Ce n’est pas seulement la ministre qui est insultée, mais toutes les personnes noires qui sont animalisées", a lancé avec gravité la romancière camerounaise d’expression française après la proclamation du prix. "Je suis très contente, pour toutes les personnes qui se sentent ainsi un peu vengées aujourd’hui" par ce prix récompensant une Africaine.

"Ce n’est pas mon roman en lui-même qui est symbolique, mais mon visage, qui ressemble au sien", a ajouté la jeune femme qui s’est dite "ravie" et a dédié cette récompense à sa famille et "à tous les gens en Afrique qui se sentent concernés". "Ma mère a pleuré de bonheur!" dit cette belle femme de 40 ans.

"Je travaille dans mes livres sur les blessures, de façon enracinée et universelle, sur le non-dit, sur des questions qu’on peut considérer comme des tabous. Certains, dans la diaspora africaine, ont pu se sentir agressés par ma proposition littéraire mais je ne suis pas là pour caresser quiconque dans le sens du poil".

Les dames du Femina ont par ailleurs attribué le Femina étranger à l’écrivain américain Richard Ford pour "Canada" (L’Olivier), un roman sur la fin de l’innocence et la destinée. "C’est un grand honneur, ce prix compte beaucoup pour moi et c’est important d’avoir des lecteurs en France", a dit à l’AFP le romancier. Le Femina de l’Essai est allé à Jean-Paul et Raphaël Enthoven pour le "Dictionnaire amoureux de Proust" (Plon/Grasset).

Publié chez Grasset, doublement honoré ce mercredi, ce septième roman de Léonora Miano, née à Douala en 1973, et qui vit en France, se glisse dans l’esprit et le coeur de la communauté Mulongo, embarquée malgré elle dans la sombre aventure de la traite négrière. Elle décrit l’effondrement des repères et fait entendre la voix de ceux qui sont restés en Afrique.

‘Les hommes aux pieds de poule’

Dans toute son oeuvre, la romancière interroge l’impact de la grande histoire sur la petite, s’intéresse à l’intimité des populations africaines, mais "je pense toujours à raconter l’humanité dans sa globalité", dit-elle.

"La saison de l’ombre", explique Léonora Miano, "saisit l’instant d’un basculement". Le terme de traite négrière n’est jamais employé dans le livre car il n’a pas de sens pour les principaux protagonistes. C’est pourquoi, aussi, l’histoire se déroule à l’intérieur des terres, plutôt que sur la côte.

Le roman suit la quête du chef Mukano et de trois mères partis sur les traces de douze hommes disparus après l?attaque et l’incendie de leur village. Les habitants les croient morts et pensent que leurs mères et femmes sont frappées de malédiction. Jusqu’à la découverte par certains de la vérité: les douze disparus ont été vendus comme esclaves aux "hommes aux pieds de poule" (les Européens) par un clan voisin belliqueux.

"La majorité des Subsahariens de l’époque n’étaient ni des captifs, ni des trafiquants d’hommes. Il s’agissait de personnes simples, dépourvues du moindre pouvoir sur les événements", remarque la romancière. Avant le choc de la rencontre avec l’Europe, les habitants de l’Afrique précoloniale ne connaissaient du monde qu’eux-mêmes et leurs voisins immédiats.

Et la romancière décrit la douleur de ceux à qui un être cher a été arraché sans savoir ce qui se passe, ni comment réagir. Dans le livre, ce sont les femmes, Eyabe, Ebeise, Ebusi, qui incarnent le chagrin et la nécessité d’agir pour donner un sens aux événements.

"J’ai voulu mettre au premier plan l’humanité des personnages. Leurs émotions, leurs sentiments. Tout ce qui ne nous vient plus à l’esprit, lorsque nous regardons les images de corps entassés à fond de cale ou de captifs entravés", souligne Léonora Miano.

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