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Suite de l’affaire des chiens tueurs: La famille du regretté réclamerait 5 millions FCFA

Gardé à vue suite à la plainte de la famille de la victime, il dit ne pas savoir comment le portail de sa villa a été ouvert pour permettre aux bêtes de s’évader.

Le mercredi 16 octobre 2013, une plainte est déposée à la division régionale de la Police judiciaire (Drpj) du Littoral contre Patrice Jean Claude Biziou, un franco-libanais résidant au quartier Bonabéri à Douala. L’accusé est le propriétaire des deux chiens de race qui ont agressé mortellement Simon Pierre Nansi, son voisin, le vendredi 11 octobre aux environs de 3h30. La plainte a été déposée par Patio Djeokou Barthélémy et Tchaue Joseph, tous deux apparentés au disparu. Ils affirment que «le 11 octobre, au petit matin, alors que Simon Pierre Nansi faisait son sport à environ 50 m de son domicile, il a été surpris, attaqué, déchiqueté et dévoré par deux chiens appartenant à M. Bizou. Il est mort sur le champ».

Jeudi 17 octobre. M. Biziou est mis à la disposition du procureur de la République. Selon nos sources, il a passé la nuit du mercredi 16 octobre à la Police judiciaire. Vêtu d’une chemise à carreaux rouge et d’un pantalon jeans «destroy» de couleur bleue, chaussé de babouches noires, le mis en cause est présent ce mercredi-là à la Police judiciaire où il est entendu au sujet de ses deux chiens tueurs. Il est entouré de son conseil et de quelques membres de sa belle-famille. Des proches du défunt ont également été entendus.

Une source proche de l’enquête indique que les autorités administratives du Wouri jouent la carte de l’apaisement, en essayant, via des intermédiaires, de convaincre la famille de négocier à l’amiable un compromis avec Patrice Jean-Claude Biziou, qui serait «lui-même très gêné». Surtout que l’irréparable a été commis, argue la source. Jusqu’au mercredi 23 octobre 2013, un arrangement n’avait pas été trouvé. Cependant, selon des proches du défunt, sa famille aurait exigé 5 millions de francs CFA en guise de dédommagement, une condition indispensable pour l’abandon des poursuites. C’est dans cette perspective que les différentes parties se sont rencontrées.

La peur de tirer

Les négociations ont vraisemblablement tourné autour des obsèques de Simon Pierre Nansi, dont la date n’a pas encore été arrêtée. Son corps a été déposé à la morgue de l’hôpital de district de santé de Bonassama. Sur la dépouille, on pouvait voir des blessures au niveau du cou, des bras et des jambes. Des proches ayant accompagné le corps à la Morgue affirment que les bras ont été broyés par les bêtes. Ces deux chiens ont été abattus le jour même de l’incident par des policiers des Equipes spéciales d’intervention rapide (Esir), appelés en renfort.

Le 11 octobre, peu avant 4h du matin, Simon Pierre Nansi est tué à environ 50 m de son domicile par deux chiens de race, un mâle et une femelle. Des déclarations recueillies sur le lieu du drame par la police laissent prospérer l’hypothèse selon laquelle cet homme de 50 ans, qui vivait depuis deux ans au rez-de-chaussée d’une villa en chantier appartenant à un «bienfaiteur étranger à sa famille», était en train de faire du jogging dans une aire aménagée pour le footing. Une activité qu’il pratiquait régulièrement, à en croire des témoignages de ses voisins, corroborés par ceux, de ses proches.

Les chiens libérés, mais par qui?

Aux prises avec les deux chiens, Simon Pierre appellera à l’aide, en vain. Il aurait notamment appelé, par leurs noms, deux voisins qui lui sont familiers, afin qu’ils lui viennent au secours. «Il leur criait "je suis mort, sauvez-moi. C’est le boutiquier. Les chiens vont me tuer"», nous ont appris des voisins. Les deux personnes dont il criait le nom à plusieurs reprises connaissaient donc bien Simon. L’un d’eux, un jeune homme, ayant constaté que Simon était en danger, a démarré une voiture et s’est rendu au lieu où il se battait. Mais, il n’est pas parvenu à faire reculer les animaux, même en faisant des manœuvres dissuasives autour d’eux. Au même moment, l’autre voisin de Simon Pierre qui a aperçu l’incident depuis le balcon de l’étage supérieur de sa maison, est prévenu par le premier déjà sur les lieux.

Ainsi avisé, il descend à son tour à bord de sa voiture. «Il avait le numéro de tous les propriétaires de chiens dans le quartier. Il a commencé à les appeler, mais tous disaient que leur chien était dans l’enclos», nous apprend un habitant du quartier. Il aurait par la suite appelé Patrice Jean-Claude. Biziou, qui se serait rendu compte que ses chiens n’étaient pas dans leurs cages. Toutefois, le Français n’est apparu sur le lieu qu’au petit matin, aux environs de 5h. « Il ne s’est pas empressé de s’y rendre, de peur de se faire lyncher par la foule en furie», poursuit la source.

A 5h, des policiers sont déjà sur là. «L’un d’eux, présent sur le lieu, a demandé aux policiers du commissariat de sécurité publique du 5ème arrondissement de Bonassama d’abattre les animaux. Mais, ceux-ci auraient hésité, par peur, car n’ayant pas reçu l’ordre de la très haute hiérarchie», confie un témoin. Un officier de police explique qu’en de telles circonstances, où des animaux sont accrochés à une personne, un minimum de prudence est requis, dans la mesure où les policiers peuvent se tromper de cible en tirant sur l’animal. Toujours est-il que, dépêchées à Bonamikano, les Esir ont abattu les animaux sans sommation, en se servant des fusils Fall.

Le domicile de Patrice Jean-Claude Biziou est cerné par une grande clôture haute de près de quatre mètres. La hauteur de la muraille et de la grande barrière marron fait évacuer de facto l’hypothèse selon laquelle les chiens auraient pu escalader la clôture pour se retrouver dans la nature.

En revanche, il est plus probable qu’une personne ait ouvert le portail pour laisser s’échapper les animaux. Mais qui donc? Dans quel intérêt et dans quel but? La question a été abordée avec Patrice Jean-Claude Biziou, par ailleurs propriétaire et directeur général de la Société de transport forestier (Stf), située à l’entrée Moore Paragon à Bonabéri. Le Franco-libanais a affirmé avoir constaté l’absence des chiens à son réveil. Il a dit aussi avoir trouvé le portail en métal ouvert. Il n’a cependant pas pu préciser qui a posé cet acte.

Quelques hypothèses, cependant. La première qui effleure l’esprit du maître des chiens est qu’une personne mal intentionnée, plus ou moins familiarisée avec les Biziou et détenant le double de la clef du portail, a pu l’ouvrir ou la faire ouvrir par des bandits. Mais, si tel était le cas, pourquoi les chiens n’auraient-ils pas sauté en premier sur cet intrus? Biziou a confié en outre qu’il était à la maison ce soir-là avec son épouse et leur enfant âgé d’à peine sept ans. Le gamin aurait-il pu ouvrir le portail à une heure indue? Pas très sûr! Et si les chiens étaient portés disparus depuis deux jours comme Biziou aurait confié à la police sur le lieu de l’incident, selon certains témoins, pourquoi les animaux ne s’étaient-ils pas attaqués à d’autres personnes avant ? Et pourquoi n’avait-il pas déclaré 12ur disparition ? Question posée par un policier, apprend-on.

«Par le passé, Biziou a été agressé deux fois dans ce domicile. Lors d’une agression, les assaillants lui ont pris son pistolet», confie une source neutre. Une proche de la famille Biziou affirme que c’est depuis lors que ce chef d’entreprise a fortifié le dispositif de sécurité dans sa maison. «Biziou aime les chiens de race comme les Doberman», nous confie-t-on. Les deux chiens abattus après l’incident meurtrier du 11 octobre avaient été achetés en Afrique du Sud il y a quelques mois. Ils appartiendraient à une race de chiens dressés autrefois en Afrique du Sud et utilisés pour réprimer les manifestants antiapartheid. La police a trouvé trois cages de chiens dans le domicile de ce franco-libanais né à Madagascar en 1963 et installé au Cameroun depuis près de 30 ans, apprend-on.

Un homme sans histoire

Selon ses proches, Simon Pierre Nansi, né le 12 mars 1963 à Dschang, vivait seul dans la villa en chantier. «A côté de la maison, il avait sa propre épicerie. Chaque soir, il retirait ses marchandises et les rangeait à la maison. Le matin, après le footing, il les remettait dans la boutique», affirmé maman Jeannette, sa tante. Avant d’emménager dans cette maison, deux ans plus tôt, le boutiquier résidait à Bessekè, un autre quartier de Douala 4ème. Sa tante raconte qu’il était naturel, timide et pas provocateur. «Quand il venait chez moi [à Bonabéri, Ndlr], il allait puiser de l’eau à boire», se souvient-elle.

La dernière rencontre de cette sexagénaire avec son neveu (le fils de son frère aîné) remonte au lundi 07 octobre, soit quatre jours avant le vendredi fatal. «Ce lundi-là, nous nous sommes retrouvés, Simon et moi, à la réunion des femmes Bachingou derrière le garage Wenok à Bonabéri. Ce n’était pourtant pas une réunion d’hommes ! Simon était si content qu’il a promis qu’il nous ramènerait de longs bancs le lundi 14 octobre». Ce lundi 14, le menuisier à ses heures perdues, vendeur d’épices au quotidien, ne le verra jamais.

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