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Greng Boukar : «La musique est la sublimation de la poésie, La poésie elle-même étant la sublimation de la parole et Quand la parole est chantée elle devient un pouvoir…»

Enseignant de profession, Greng Boukar vient de commettre un nouvel album de 10 titres, son 3e d’ailleurs. Il nous parle de ce nouveau bébé « Around The World », de sa carrière et pas mal d’autres sujets ont été évoqués.

Comment parviens-tu à concilier ton métier d’enseignant et ta carrière d’artiste?

Il s’agit de faire des efforts supplémentaires, réduire le temps de distractions. Quand je rentre du boulot à 17heures par exemple, je ne ressort plus pour m’installer au bar, comme beaucoup de gens. Par ailleurs, l’enseignement vous place quotidiennement devant une petite audience que sont les élèves ; un petit public.  Je crois que ça aide à gérer le track. Donc la musique et l’enseignement s’influencent mutuellement, négativement d’un côté et positivement d’un autre.

Tu es connu comme étant un chansonnier, pourquoi avoir opté pour ce registre ?

L’idée selon laquelle la musique à texte, la musique d’écoute car c’est celle que l’on dit du registre des chansonniers, ne marche pas est fausse. Cette musique fait seulement moins de bruit. Mais c’est une musique qui perdure dans le cœur des gens, alors que nous connaissons régulièrement des chansons populaires qui disparaissent définitivement après un an d’écoute. Pour ma part, je fais la musique comme elle m’est inspirée. Depuis le début, les gens m’ont défini comme chansonnier et cela ne me gêne point. Au contraire ! Parfois on dit que je fais de la world music. Car je passe facilement des chansons dépouillées avec une guitare et une voix à des chansons avec orchestre complet. Ça fait plus de vingt ans que je chante mes chansons. Aujourd’hui, les gens qui les appréciaient à l’époque les écoutent avec le même intérêt. Si j’avais choisi de faire la musique à la mode quand je débutais j’aurais disparu comme beaucoup d’autres. Observez-vous même. Eboa Lotin, Abdou Benito,   Baba Maal, Ali Farka Touré, Henri Dikongue, Ismael Lo, Bob Dylan, Tracy Chapman… Ils marchent encore. Et les plus jeunes comme Charlotte Dipanda, karesse Fotso, Rokia Traoré tournent sans arrêt.

Comment définis-tu ta musique ?

La musique est la sublimation de la poésie. La poésie elle-même étant la sublimation de la parole. Quand la parole est chantée elle devient un pouvoir. Je ne veux pas vous dire qu’elle est l’art de combiner le son de façon agréable à l’oreille. Parce-que pour moi, il faut éviter de glisser dans ces agréables sons des messages destructeurs de la personnalité des gens. Je parle des mœurs. Les chanteurs qui le font ne comprennent pas la gravité de ce qu’ils font. Ou alors ils savent ce qu’ils font et leur jeunesse leur permet de résister à leur conscience qui leur parle nécessairement. Car la conscience est la voix de Dieu en nous. Et Dieu nous parle toujours. Dès qu’ils ont un certain âge, ils ont des remords. Ils commencent à embrasser des églises bizarres, à se repentir publiquement… Ce qui est sûr  »ce qui est mal est mal ». Les artistes ont un grand pouvoir sur leurs semblables. Ils doivent éviter d’utiliser cet ascendant pour les dérouter.

Tu viens de sortir il y a quelques semaines ton 3e album, Around the world. Peux-tu le présenter?

Around the world, mon troisième album est un album de 10 titres. Quatre reprises du premier album: Basga, Réchauffe ton lit, Sarah, Souran Sadi. Une reprise de la chanson Tornde de mon grand frère Isnebo. Il y a Maroua qui parle du retour de la paix à l’Extrême Nord, grâce aux efforts de l’état et l’adhésion des populations. Elle invite les gens à recommencer à venir visiter  »la plus belle des régions » sans crainte.  »Bo Bononda » traite de la prise de la drogue. Surtout la prise du Tramadol qui, j’en sûr a déjà fait plus de dégâts que le Boko Haram. Une bonne proportion des jeunes est devenue invalide mentalement et physiquement à cause de cette drogue médicinale. Cette situation est d’autant plus préoccupante que les adultes mêmes en  sont très  friands. Dans cette chanson je m’adresse aux populations du septentrion par ce que le phénomène me semblait propre à cette partie du pays. Je lance un appel vers les pouvoirs publics. » Azbe » une chanson d’amour composée il y a 20 ans que je dédie à Mme Boukar qui partage ma vie depuis 15ans déjà.  »Aimée fatale » est une autre chanson d’amour.   »Tedeuwa » chanson très dansante dans le rythme Dalanga. Le Dalanga est une danse Mousgoum. Elle encourage les jeunes au travail et leur prescrit l’amour de leur culture.

Quel commentaire fais-tu de la situation de l’artiste aujourd’hui au Cameroun ?

La situation de l’artiste est mauvaise. Une gestion collective efficace peut contribuer à améliorer ce secteur. Cette efficacité demande de la perspicacité. Malheureusement les luttes de clans l’emportent sur la volonté de  bien  faire les choses. Quand des gens qui doivent gérer les droits d’auteurs parlent encore de poursuivre les vendeurs de CD dans la rue, c’est inquiétant. La musique aujourd’hui c’est internet. Il y a des jeunes au Cameroun qui ont des connaissances dans ce domaine. Les sociétés de gestion collective doivent les impliquer. Sinon elles ne pourront recouvrer que les taux forfaitaires très désavantageux qu’on a négociés avec les grands usagers. Ce qui est regrettable. L’état doit également aller vers certaines innovations. Que l’état favorise la création d’une agence d’attribution des  ISRC pour les droits voisins dans la vente de nos musiques sur les plateformes légales. Aujourd’hui ces jeunes dont j’ai parlé plus hauts qui ont des connaissances dans le domaine sont obligés de se trouver des partenaires intermédiaires en France par exemple pour monétiser des musiques. Ce qui crée un manque à gagner considérable. Je pense aussi que le fait que la loi prescrive qu’il ne soit créé par catégorie qu’un seul organisme de gestion favorise l’endormissement. Il faut changer la loi. La concurrence apportera la performance.

Par Ebah Essongue Shabba

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