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Alpha Blondy « Human Race », nouvel album dans les bacs

Il est le chanteur de reggae francophone le plus connu, ce qui ne l’empêche pas de s’exprimer également dans la langue de ses origines, le dioula, ainsi que dans la langue de Bob Marley, l’anglais.

Des épices variées qui colorent un art et surtout un message, ça tombe bien, dont le but est de s’adresser au plus grand nombre.

« C’est une chance de parler ces trois langues et d’avoir pu enregistrer avec d’autres artistes, il y a une envie d’universalité et aussi une illustration du titre Human Race. Ce n’est pas parce qu’il existe des différences dans notre façon de nous exprimer, que nous ne sommes pas tous égaux. La race humaine est une très belle race, et au lieu de se laisser distraire par une minorité de fouteurs de merde, on devrait se concentrer sur les autres, la majorité. Parce qu’ils sont porteurs d’espoir et parce que l’être humain n’est pas foncièrement mauvais. Il est beau. C’est le sujet principal dans l’univers d’aujourd’hui. Et si on le glorifie, comme c’est la créature de dieu, on glorifie ce dernier. C’est la race humaine que je chante dans Human Race sans distinction aucune… »

Aux côtés d’Alpha Blondy, on retrouve Youssou N’Dour qui chante en wolof dans « Oté-Fê » « C’est un frère et un modèle de réussite comme musicien. Ce titre est important, il signifie : Ils ne veulent pas. Ils ne veulent pas que les africains s’unissent, car dans ce cas-là il sera bien plus difficile de piller nos matières premières… » Fally Ipupa qui chante en lingala dans « Kanou » « Ça veut dire L’amour, tout simplement, l’histoire raconte que les trop fréquentes querelles entre amoureux tuent la passion… » et Angélique Kidjo en mina dans « Alphaman Redemption » « C’est un extrait de l’ecclésiaste, la bible quoi…. »

Se réunir plutôt que se diviser était déjà un cri poussé dans son huitième album paru en 1993, SOS Guerre Tribale, qui dénonçait la volonté de partager la société en groupes ethniques opposés, aussi sur un disque plus récent, Mystic Power, sorti vingt ans plus tard avec cette chanson au titre symbolique, « Réconcilation ». Le partage est donc depuis de longues années un maître mot de l’œuvre d’Alpha Blondy.

Dans le circuit depuis presque quarante ans, il a commencé à jouer dans la seconde moitié des années 1970 aux Etats-Unis et a enregistré ses premiers tubes dès la décennie suivante en Côte d’Ivoire : « Cocody Rock », « Apartheid Is Nazism », « Jerusalem »… Avec presque une vingtaine d’albums studios à son actif, Alpha Blondy tourne depuis dans le monde entier et surtout défend une certaine vision de la musique. Celle d’une parenthèse enchantée qui permet de pointer du doigt les maux de notre temps pour en construire un meilleur. D’ailleurs, du jour où Alpha Blondy est devenu chanteur il a changé de nom, Seydou Koné a opté pour un nouveau patronyme synonyme d’une nouvelle vie.

Il est le relais d’une chaîne entamée avec Bob Marley et poursuivie avec Burning Spears. « Le déclencheur de mon amour pour le reggae c’est Burning Spear que j’ai eu la chance de voir live. J’avais déjà écouté Marley, mais quand j’ai écouté Burning Spears avec cette voix gutturale qui me rappelait les chansons africaines, j’avais l’impression d’entendre quelqu’un de chez moi chanter accompagné d’une sono moderne. Ça m’a donné envie de transcrire mes émotions, ma révolte, la condition précaire de mon peuple à travers cette musique. Une musique très contestataire, très revendicatrice. Il me fallait un style musical qui puisse au moins réveiller la conscience de mes frères d’Afrique de mes frères de la diaspora dans le ghetto. Et surtout essayer de conscientiser les politiques de chez moi. Voilà ce qui m’a amené à épouser ce genre musical. »

Bob Marley est arrivé avec des textes poignants, qui dénonçaient le système qui exploitait les pauvres, en Jamaïque mais aussi partout ailleurs. Et si son message a été immédiatement partagé, quarante ans avant l’existence des réseaux sociaux, c’est, parce que justement la pauvreté n’a pas de couleur mais une cause unique et récurrente, l’égoïsme des gens de pouvoirs.

Le premier titre de ce nouveau disque d’Alpha Blondy confirme l’engagement perceptible dans son répertoire, « Political Brouhaha » dénonce les politiques et les promesses électorale. « Ils vous empêchent vous et moi de penser. Ils nous gavent de promesses qu’ils ne tiendront jamais comme s’ils avaient juste envie de faire carrière. Je pense que les politiciens ont le mauvais rôle. Le peuple attend des miracles de leur part, mais ces promesses n’engagent que ceux qui y croient. Hélas, il ne semble pas y avoir de solution ! »

Une autre chanson intitulée « Nos hôpitaux » décrit une situation catastrophique, celle de l’équipement médical d’un continent. « C’est un cauchemar et en même temps un réveil de conscience. Il faut que les politiciens africains qui veulent le bien et le bonheur du peuple pensent déjà à leur santé. Nos hôpitaux sont autant des mouroirs que des abattoirs. Il y a énormément de travail et c’est vraiment l’un des points essentiels qui concourra à la bonne marche de l’Afrique. Il y a de l’argent, s’ils voulaient ils pourraient y remédier. »

Ce n’est pas la première fois qu’Alpha Blondy dénonce. Au début des années 1980, le pays était encore régi par un parti unique, celui de Félix Houphouët-Boigny, Président de 1960 à 1993. Il n’y avait alors pas de multipartisme, et sa musique était comme un relais pour l’opposition. Sa chanson « Brigadier Sabari » qui dénonçaient les violences policières est même devenu un hymne.

Et il avait beau modérer ses épithètes car cela dérangeait, il y avait une évidence qui se matérialisait, celle de cette musique devenue contre-pouvoir. « S’exprimer sert toujours à quelque chose. Je ne suis pas politicien, mais j’ai le droit de parler. »

Mais au-delà de tout ce brouhaha et de toutes ces promesses, il existe une langue universelle, celle de la foi, abordée ici dans une chanson appelé « Les Païens ». « Ma mère était musulmane, mon père chrétien mais il n’y a qu’un Dieu. C’est écrit dans le Coran : Ne laissez personne vous diviser. Il s’adresse aussi bien aux juifs, aux chrétiens qu’aux musulmans. Et aujourd’hui on assiste à quoi ? A une division. Je tenais à revenir à ce Dieu unique. On doit se conformer aux prescriptions de ce Dieu qui nous unit. C’est un Dieu d’amour non pas un Dieu de division. La seule chose vraie aujourd’hui c’est l’amour de Dieu. »

Ceux qui connaissant déjà un peu la discographie de l’artiste ne seront pas étonnés de cette confirmation de sa foi, Jah Glory (Gloire à dieu) affirmait le titre de son premier disque, alors que Jérusalem la ville sainte était le nom de son quatrième. La spiritualité a toujours été très présente chez lui.

Les deux reprises qui viennent égayer la liste des chansons n’étonneront pas non plus ceux qui le suivent, cet exercice étant presque devenu un réflexe. Cette fois, au programme, « Whole Lotta Love » de Led Zeppelin et « Je suis venu te dire que je m’en vais » de Serge Gainsbourg. « Led Zep’ c’est vraiment un groupe que l’on écoute dans le tour bus, et on s’est dit pourquoi pas ? Même si on a grandi avec Otis Redding et Johnny Hallyday on adore le rock anglais. Serge Gainsbourg c’est parce que je l’ai toujours aimé et beaucoup apprécié. J’ai la chance de l’avoir rencontré au Printemps de Bourges en 1987, je me souviens de discussions enflammées sur le reggae… »

Commandeur du groove africain comme on le présente souvent, Alpha Blondy n’est qu’amour et paix. Portant ses 65 ans à merveille, il n’est pas prêt de prendre sa retraite. « J’aurais bien voulu chanter des chansons romantiques, mais mes origines ghettoïques me l’interdisaient. Par contre donner de l’amour et en recevoir est mon moteur, dans ma musique mais aussi dans ma vie. Et tant que Dieu me donnera la force je serai là. » On espère que cela ne s’arrête jamais.

Par CHRISTIAN EUDELINE

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