LifeStyleModeTendances

Tout savoir sur l’origine de la SAPE (Société des ambianceurs et des personnes élégantes)

Le souci pour le paraître était très présent chez les Kongos depuis le XVIe siècle. Les Ba-Kongo, habiles en matière de tissage, ont très tôt accordé une grande importance à l’art du vêtement. Le costume varie selon le statut social et selon les circonstances.

L’origine de la SAPE est mal connue. Les sapeurs se revendiquent plus ou moins des dandys européens du XIXe siècle. Il s’agissait alors d’une façon d’imiter le colonisateur en accaparant son style vestimentaire et ses manières, d’une part pour être intégré dans leurs sphères, mais aussi, d’autre part, pour être adulé par sa communauté d’origine. La SAPE se serait réellement popularisée au cours des années 1960 à Brazzaville et Kinshasa, avant de se développer ensuite dans les diasporas congolaises en France et en Belgique.

Elle revêt également une dimension politique; après l’indépendance du Congo belge, Moboutou affiche une volonté de politique d’authenticité, pour s’affranchir des pratiques occidentales. La politique dite « abacost » (à bas le costume) promeut un tissu congolais, sans col et sans cravate, signes de soumission à la culture coloniale. Cette prohibition coloniale n’est levée qu’en 1990. Ainsi l’émergence dans les années 1970 de la SAPE est une réappropriation des codes culturels du colonisateur (vêtements colorés, costume cravate, etc.) afin de contester le pouvoir autoritaire de Mobutu, en particulier chez les membres de la diaspora réfugiés au quartier de Château-Rouge, dans le 18e arrondissement, du nord de Paris.

L’inventeur du mot « SAPE », serait Christian Loubaki, homme à tout faire travaillant dans le quartier huppé du seizième arrondissement à Paris, qui aurait observé ses employeurs s’habiller et profité des vieux vêtements qu’ils lui offraient. En 1978, avec la complicité de Koffino Massamba, Christian Loubaki crée la première boutique : La Saperie à Bacongo (le quartier par excellence de la sape au Congo). Stervos Niarcos est un autre nom de la sapologie. Fondateur de la religion Kitendi (« tissu » ou « matière », en Lingala).

Papa Wemba, issu du mouvement Kitendiste de Niarkos est considéré par les Kinois comme leur dernier chef de file. En 1979, sa chanson Matebo parlait déjà de sape.

Une première étude sociologique fut menée en 1984 par Justin-Danuel Gandoulou. On trouve également, dans le film Black Mic-Mac sorti en 1986, une séquence montrant un concours de Sapeurs à Paris, sur le titre « Proclamation » de Papa Wemba et Stervos Niarcos, avec la participation, entre autres, de Dr Limane et du « Roi de la Sape », Djo Balard.

On distingue deux types de Sapeurs, ceux qui font référence à Christian Loubaki, avec les codes du dandysme bourgeois du XIXe et du début du XXe siècle, et ceux que Ley Mamadou décrivait dans les années 1983-84 et qui appartiennent à la Société des ambianceurs et des personnes élégantes. Cette manière d’être, pour les premiers, se résume à la manière de se vêtir à l’occidentale, quant au second type des sapeurs, ils sont dans l’exhibition, dans le paraître, pouvant porter des couleurs criardes.

La SAPE est une véritable sous-culture, avec ses normes, ses propres valeurs. Tandis que certains voient plus le mouvement comme une religion ou une idéologie à part entière plutôt que comme une simple sous-culture, d’autres, comme l’un des principaux précepteurs et piliers actuels du mouvement, Ben Mukasha, considère la sapologie comme « une science, un art, une culture ».

Les sapeurs sont reconnaissables à leur mode vestimentaire sophistiquée et haute en couleurs, ainsi qu’à leur comportement. Ils portent des vêtements et accessoires de grandes marques de luxe, malgré la potentielle pauvreté du sapeur : il s’agit d’être capable de sacrifier son propre niveau de vie afin de paraître élégant, le but étant d’être le plus visible et reconnu possible. Notons cependant que même certains présidents et hommes politiques africains suivent les codes de la SAPE, sans pour autant le revendiquer. Bien s’habiller est alors un signe ostentatoire de prestige.

La sapologie s’accompagne d’une idéologie de compétition entre ses adeptes. Chacun doit être à même d’argumenter son style vestimentaire et de le défendre face aux concurrents. Ils deviennent littéralement acteurs de leur mouvement en se créant et en devenant des personnages caricaturés. On peut relever par exemple l’existence de pseudonymes, voire de noms de scène. Le jeu d’acteur est une dimension importante du mouvement : des « postures » atypiques, une manière de défiler, une gestuelle et un vocabulaire recherché et maîtrisé.

Les sapeurs sont également très critiqués au sein de la communauté congolaise, dont l’univers jugé déconnecté de la réalité dérange. Le culte du vêtement pratiqué par les sapeurs semble alors totalement inapproprié au vu de leur situation bien souvent précaire. D’autres encore les accusent de faire du spectacle et de dépenser des sommes insolentes à ce dessein dans une société qui a bien d’autres préoccupations d’ordre matériel et alimentaire. Leur sont aussi reprochés leur apparente vanité, orgueil et prétention, mais aussi leur extravagance, qui peut également être une critique interne, de sapeurs plus sobres envers d’autres sapeurs plus colorés.

La culture de la SAPE se fait de plus en plus connaître notamment en France et en Belgique ; pays où la population d’origine congolaise est très présente. Cet engouement autour de ce mouvement est largement véhiculé par les médias occidentaux qui s’emparent de cette culture venue d’ailleurs. Un reportage d’Enquête Exclusive diffusé sur M6 en 2011 contribuera grandement à la diffusion de cette sous-culture auprès du public français. Des personnalités telles qu’Antoine de Caunes ou encore Maître Gims qui a gagné le premier prix aux victoires de la musique avec sa chanson « Sapé comme jamais », ont largement contribué à la promotion de la sapologie dans les années 2015 et 2016. Le chanteur Stromae également se prendra au jeu des sapeurs en se faisant habiller par quelques-uns d’entre eux au Congo Brazzaville durant une de ses tournées. On assistera dans ces années à des émissions de télévision populaires, telles que C’est mon choix qui recevra comme invité Jocelyn Le Bachelor, personnalité phare de la Sape parisienne, ou encore Les Rois du shopping dont le sapeur Norbat de Paris gagnera la première édition.

Une exposition au palais de Tokyo se développa par ailleurs en 2015 dans cet élan de popularité. « La Sape est une religieuse qui veut aussi que le sapeur soit quelqu’un qui pense et qui est engagé. Donc c’est une forme de résistance politique par rapport à sa condition », commentera Rebecca Lamarche, commissaire de l’exposition.

Héctor Mediavilla passera huit ans de sa vie à photographier des personnages-clés de cette scène congolaise dans sa série « SAPE : Society of Ambianceurs and Elegant People ». Alain Mabanckou, écrivain congolais, tirera l’analyse suivante de l’œuvre du photographe :

« Si d’aucuns perçoivent la Sape comme un simple mouvement de jeunes Congolais qui s’habillent avec un luxe ostentatoire, il n’en reste pas moins qu’elle va au-delà d’une extravagance gratuite. Elle est, d’après les Sapeurs, une esthétique corporelle, une autre manière de concevoir le monde – et, dans une certaine mesure, une revendication sociale d’une jeunesse en quête de repères. Le corps devient alors l’expression d’un art de vivre. »»

Commentaires

0 commentaires

Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux:

📸 INSTAGRAM: https://instagram.com/culturebeneofficiel
🌐 FACEBOOK: https://www.facebook.com/culturebene
🐤 TWITTER: https://twitter.com/culturebene
📩 EMAIL: culturebene@declikgroup.com
Afficher plus

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Bouton retour en haut de la page