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Cyrille Masso (réalisateur, producteur de la série Adamu et Goni) : « La mise en place d’un cadre approprié favoriserait le retour des repentis…»

Cyrille Masso, pouvez présenter à nos lecteurs, votre dernière production, Adamu et Goni?

Cette production est l’histoire de ADAMU Musa,  jeune combattant en vue de Boko Haram décide de se rendre aux autorités camerounaises. Avec lui, GONI, une jeune femme retenue captive par la secte.  Après avoir passé quelques semaines  d’observation dans un camp militaire, il retourne dans son village où il peut enfin commencer la  vie ordinaire  dont il rêve depuis longtemps en compagnie de Goni, la femme de sa vie. Afin d’expier ses crimes, il met en place une stratégie de réinsertion des jeunes de son village dans le but de décourager quiconque voudrait  rejoindre le groupe terroriste. Mais son passé n’est jamais loin.

La question du retour des anciens combattants de Boko Haram et leur réinsertion est d’actualité et vous en parler dans la série. Qu’est-ce qui vous a motivé à en faire un sujet de fiction ?

La région de l’Extrême-Nord  du Cameroun est aux prises des attaques récurrentes du groupe terroriste Boko-haram, logé dans le nord du Nigéria. L’extrême violence dont ils font preuve a coûté la vie à des milliers de personnes et obligé beaucoup d’autres à quitter la leur en quête de survie. A ce jour, plus de 80 000 déplacés sont accueillis dans des familles de cette région. Depuis près de deux ans, l’armée camerounaise leur livre une guerre sans merci avec le soutien de la Force Multinationale Mixte et d’autres partenaires internationaux. Dès lors, on assiste à un affaiblissement du groupe terroriste  et des redditions de plusieurs de leurs combattants, reniant le groupe terroriste et son idéologie. Ils veulent retourner à une vie normale. Mais peut-on réellement retourner à une vie normale après avoir vécu dans la barbarie et l’anarchie la plus totale ? Peut-on réellement revenir  auprès des siens après leur avoir infligé beaucoup  de mal ? Telle est la question que nous nous sommes posés en tant qu’auteurs et qui a inspiré notre série intitulée les repentis. Pour moi qui arbore la double casquette d’auteur et producteur, cette histoire m’a d’autant plus séduite qu’elle permet d’explorer de façon à la fois objective et subjective,  les sentiments  des terroristes sincèrement à la recherche de pardon et ceux des personnes auprès de qui ils aspirent retourner vivre. Ces personnes qui gardent une cicatrice indélébile de leur violence et qui crient justice et parfois vengeance.  Dans le cas spécifique du Cameroun, les autorités contrairement aux autres pays de la sous-région n’ont pas mis un cadre approprié pour ces retours volontaires. Du coup, on assiste parfois à une résurgence de la violence de la part de ces ex-combattants. Tel est le cas d’une jeune fille accueillie à bras ouvert par sa famille qui au bout de trois semaines a égorgé ses deux petites sœurs et bu leur sang.

S’agissant du tournage, où, comment s’est-il déroulé et comment avez-vous vécu ce moment ?

Le tournage a duré deux mois et demi. Nous sommes partis en voiture de Yaoundé pour Maroua dans l’extrême-nord puis a  loulou, petit village situé à environ 60 km de Maroua. Deux jours de route exaltant! Le tournage en lui-même était un challenge, car venant du sud et affronté le climat chaud, ce n’était pas évident. L’équipe s’est très vite adaptée. Les populations de loulou nous ont aussi bien accueillis, le projet est devenu le leur. Ils étaient d’une disponibilité sans pareille. Surtout les femmes, elles nous abandonnaient carrément leur domicile pour le tournage. Nous partagions des moments de bonheur le soir,  lors des projections de nos rushes. Les quelques soirées ou nous ne projetions pas, ce sont les enfants du village qui nous demandait en Guiziga, “cuicui, télé ntah?” (Bonjour, il y a plus de projection?). Je reste convaincu qu’un enfant de ce village choisira le cinéma comme métier….

Parlons du casting. Qui retrouve-t-on dans cette série et comment s’est opéré le casting ?

Le casting est un mélange d’acteurs du sud et du septentrion que nous avons sélectionné sur une base objective en fonction des rôles à incarner. On y retrouve : Amadou Kalkaissa (Petit Gougou), Vanessa Tibet, Saint père Abiassi, Massan A Biroko, Bertrand Baleguel, Epee Mbongue, Bandiram bamba, Esther zouyane etc…

Comment appréciez-vous la prestation de Kalkaissa Amadou, un des personnages de la série?

Magnifique!!! On avait déjà fait un court-métrage trois ans auparavant sur l’hygiène et assainissement et surtout le lavage des mains dans les villages, mais il est resté constant. C’est une perle de notre cinéma. Très peu de réalisateurs ont eu recours à ses services. J’espère que cette série montrera au monde entier, l’immensité de son talent.

D’après vous, comment rendre possible la cohabitation entre victimes et repentis alors même les populations victimes ont du mal à pardonner à ces anciens Boko Haram?

C’est à travers la sensibilisation des populations. Le cinéma est un bon outil pédagogique et de communication sociale. En regardant l’exemple  de pardon des autres, on devient tolérant naturellement…

La diffusion de la série est effective depuis ce 3 juin sur Canal 2, quel écho avez-vous de l’accueil par les téléspectateurs ?

Nous avons un favorable au niveau du public, beaucoup regrettent qu’un épisode ne dure que 26 minutes car ils en redemandent plus. L’interaction de notre page facebook officielle le témoigne.

Quelle est la suite pour Malo Picture après Adamu et Goni?

La campagne de diffusion des 26 épisodes de la série « Adamu et Goni » en cours dans le cadre du projet de lutte contre la violence et l’extrémisme dans les régions du Cameroun les plus touchées par les exactions de la secte terroriste Boko Haram. Elle se fera sur les médias classiques que sont la télévision et les radios communautaires dans les régions ciblées qui ont permis de produire la série. Egalement la tournée effectuée par le Cinéma Numérique Ambulant qui diffuse dans des villages éloignés qui n’ont pas accès au réseau TV ou radiophonique.

Interview réalisée par Ebah Essongue Shabba

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