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Portrait : Mounira Mitchala

Rare voix féminine tchadienne à avoir fait irruption sur la scène internationale, Mounira a eu un parcours semé d’embûches, et il lui a fallu combattre pour se faire accepter dans un pays très conservateur, en proie à des turbulences politiques permanentes et qui a connu plusieurs guerres civiles.  Être femme, chanteuse au Tchad où « l’artiste est  considéré comme quelqu’un qui ne vaut rien » et où le poids de la religion et des traditions n’arrange pas les choses. Il lui a fallu un courage et une détermination hors du commun. Mounira a pu heureusement s’appuyer sur sa famille, sa mère, sa grand-mère, elle-même chanteuse de cérémonie pour briser les tabous.

Née à N’Djamena, Mounira, aînée d’une nombreuse fratrie, a passé une partie de son enfance en Allemagne, puis au Nigéria où elle a suivi son père, exilé durant la dictature de Hissène Habré, jusqu’au début des années 90, date de son retour au pays. Ce père enseignant en linguistique, lui a fait découvrir dans son enfance les musiques des différentes ethnies du Tchad, ainsi que le blues et le jazz américain dont il était amateur.

Elle fait des études de droit, devient greffière au tribunal de N’Djamena tout en commençant à faire du théâtre pour vaincre sa timidité puis à chanter : « d’abord en playback, puis, petit à petit, j’ai pris confiance en moi et j’ai utilisé ma vraie voix. Jusqu’en 2000 où j’ai composé ma première chanson et commencé à donner quelques concerts ».  Dans un premier temps, elle intègre différents groupes locaux pour acquérir de l’expérience.  Elle côtoie alors les artistes internationaux de passage à N’Djamena (Ismaël Lô, Tiken Jah Fakoly, Alpha Blondy, Oumou Sangaré). Elle participe au projet African Divas, projet du DJ electro-world Fred Galliano. « Cela m’a permis de connaître d’autres styles, la musique électronique, le rap. Mais je préfère la tradition avec un peu de modernisme », note-t’elle. « Je chante en arabe tchadien qui est compris du Nord au Sud. Et je mélange les musiques traditionnelles et modernes en prenant des rythmes de tout le pays. Il existe 200 ethnies au Tchad et des richesses culturelles extraordinaires. Dans mes chansons, je parle de la mise en valeur de ces cultures, car la musique éduque et peut contribuer à faire évoluer les mentalités. Il faut penser à l’avenir des générations futures et leur préparer un terrain de paix ».

Elle se forge ainsi un répertoire et se trouve une identité. Une amie française, professeur de chant, tombe sous le charme de sa voix, de son chant, mélodieux et lancinant qui la rapproche davantage des voix arabes que de celles du Sahel. Elle lui fait enregistrer une maquette qu’elle envoie au festival "Musiques Métisses" d’Angoulême. Elle y est invitée et, dans la foulée, elle enregistre son premier album Talou Lena qui lui ouvre les portes de l’international. Elle y chante des ballades claires sur l’unité de son pays, la paix au Darfour. Elle chante aussi l’amour« celui d’une femme qui a réussi à épouser l’homme qu’elle aime, parce que chez nous, les mariages restent le plus souvent forcés ».

En décembre 2007, lors d’un concert mémorable dans le stade de Conakry, elle remporte le Prix Découvertes RFI, à l’unanimité d’un jury présidé par Salif Keita. Une reconnaissance qui a permis à Mounira de se faire connaître en Afrique, avant d’entamer une série de concerts en France et en Europe.

Mounira Mitchala envisage dès lors l’avenir avec deux mots d’ordre : détermination et plaisir. Au printemps 2011, elle enregistre à Paris, pour le label Lusafrica, son second album Chili Houritki, (Prends ton indépendance), en compagnie de Camel Zekri à la réalisation et à la production artistique.

Entourée des musiciens qui l’accompagnent  habituellement sur scène, et avec le concours du bassiste Guy N’Sangué, la voix puissante au timbre granuleux et sensuel de la jeune femme fait merveille dans des titres inspirés par la vie quotidienne des Tchadiens. Dans cette partie du Sahel, entre Afrique noire et monde arabe, les problèmes liés à la sécheresse, à la désertification, à l’accès à l’eau, à la malnutrition sont aggravés par une mauvaise gouvernance et une corruption endémique. Sans être, à proprement parler, une chanteuse engagée Mounira témoigne et dénonce. La situation faite aux femmes est l’un de ses sujets de prédilection. Indignée mais résolument combative elle met le même talent et la même conviction  dans ce combat pour la dignité que sa consoeur malienne Oumou Sangaré.

Ses mélodies s’inspirent des rythmes et des couleurs des musiques traditionnelles, mais sont résolument contemporaines. Dans les ballades chargées d’émotion, la voix de Mounira se fait plus douce, plus fluide. Les arrangements de Camel Zekri qui privilégient les sonorités acoustiques mettent en valeur ce timbre si particulier, ce folk blues du désert dont Mounira Mitchala est une des pierres précieuses.

Source : maitemusic.com

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