A la uneInterviewMusiqueSénégal

Fou Malade : « le rap est allergique à la police »

Big up Fou Malade ! Peux-tu te présenter à nos internautes ?

Je m’appelle Malal Almany Talla mais je suis plus connu sous le nom de Fou Malade, mon nom d’artiste, et je suis membre d’un groupe de rap sénégalais qui s’appelle Bat’haillons Blin-d.

Pourquoi Fou Malade comme nom d’artiste ?

Yes ! Déjà le nom de mon groupe « bataillon blindé» mais il s’écrit autrement, Bat’haillons Blin-d. C’est pour dire que Bat’haillon c’est le verbe battre conjugué à la troisième personne du singulier dont « bat » qu’on a associé à haillon. Les haillons ce sont ces loques que portent ces hommes dans leurs tenues déchiquetées. Le fou est quelqu’un de la société marginale et mon groupe a pour mission de représenter cette société. Et j’ai pour rôle d’incarner le personnage du fou qui pour caractéristique principale la liberté de dire les choses telles qu’elles s’offrent à lui. Comprenez dans liberté, la vérité. Vous savez qu’en Afrique il y’a beaucoup de malades mentaux qui sont laissés à eux même, et j’essaye de représenter cette couche de la société.

Qu’est ce qui t’a motivé à faire du rap ?

J’ai commencé à faire du rap parce que j’avais déjà constaté qu’il y avait beaucoup de choses qui n’allaient pas dans mon quartier et que le député du quartier ne nous représentait pas valablement à l’assemblé. Je me suis dis qu’il fallait que je parle pour ceux qui ne parlent pas, qu’il fallait que je sois la voix de ceux qui n’ont point de bouche. Et en 1994, je commencé à écrire des petits textes qui aujourd’hui sont devenus de grands textes que j’ai ensuite enregistré en studio. En 2003 avec mon groupe nous avons sorti notre premier album qui s’appelle « Deguen taan » qui signifie en Woloof « La vérité ». Par la suite nous avons fait des collaborations avec des grands noms de la musique tels que Youssou Ndour à Bercy, Viviane Ndour, Mokobé, Amadou et Mariam, Manu Chao, ou encore Tiken Jah Fakoly qui a participé dans mon album solo « On va tout dire » qui est sorti en France. Bat’haillon Blindé occupe bien sa place parce que nous venons de sortir un nouvel album qui s’intitule « Résistants ».

Tu utilises le rap comme arme de dénonciation et de contestation, à tel point que beaucoup disent que c’est ta vocation. Et cela peut se vérifier à travers votre travail. D’où t’es venu cette vocation ?

Je suis venu au rap en m’inspirant du rap sénégalais. Certes il ya eu nos rappeurs locaux qui sont parmi les précurseurs de ce mouvement en Afrique à l’instar de Awadi, Xuman ou encore Pee frois. Mais avant cela on écoutait beaucoup de rappeurs occidentaux comme Suprême NTM ou Public Enemy, beaucoup de rap engagé en quelque sorte. Et on se disait « pourquoi pas nous ? ». Nous sommes jeunes comme ces gens et nous avons les mêmes problèmes dans nos quartiers. Pourquoi faire de la musique uniquement pour danser si la musique peut servir à éveiller, être un outil au service du peuple et mener au changement positivement? Pourquoi pas l’utiliser pour ça ?

Parlant de l’utilisation que tu fais de la musique, tu es le leader d’un mouvement baptisé « Y’en a Marre », quel est l’objectif de ce mouvement qui a fait parler de lui notamment lors de la période électorale au Sénégal ?

Le mouvement Y’en a Marre est né le 18 janvier 2011 à Dakar. C’est un mouvement qui regroupe des artistes hip hop, des journalistes et des personnes de toutes les couches de la société civile sénégalaise qui combattent l’injustice, l’enrichissement illicite, la mauvaise gestion, la corruption, etc… En créant ce mouvement, on s’est dit que nous n’allions pas être la société civile classique, encore moins un parti politique, mais que nous allions être un mouvement d’utilité sociale, qui est là pour le peuple et qui mène des actions dans l’intérêt du peuple. Globalement, si on résumait  la définition du mouvement, on peut dire que « Y’en Marre » c’est un état d’esprit, un vécu quotidien dans l’autonomie de la pensée et de l’action.

Quelles sont les actions qui ont été menées par le mouvement?

Premièrement nous avons commencé par informer les populations de la création du mouvement et de ses objectifs par le biais de conférences et de concerts. Après cela, nous avons lancé les « 1000 plaintes » contre le gouvernement. Nous avons été arrêtés et emprisonnés quelques jours. Après cela, nous avons lancés « One million votes » afin d’inscrire le maximum de jeunes sur les listes électorales, car nous avons constaté que les jeunes ne s’intéressaient pas au vote. Donc nous sommes  allés intéresser ces jeunes au vote, et nous avons inscrits plus de 400.000 jeunes sur les listes électorales. Après cette action, nous nous sommes opposés à la violation de la constitution par Abdoulaye Wade à travers le ticket présidentiel. Nous avons été mis aux arrêts mais le ticket n’est finalement pas passé à l’Assemblée. Après ça nous avons organisé beaucoup de campagnes de sensibilisation visant vraiment à dénoncer l’injustice. Pour beaucoup d’entre nous, s’en sont suivis des emprisonnements successifs. Et nous avons travaillé à la mobilisation des masses en faisant tout pour que même les populations analphabètes comprennent ce qui se passe, et qu’elles prennent leurs responsabilités par rapport à la gestion du bien public. Nous avons organisé des journées d’investissement qui consistaient à nettoyer les quartiers, pour inciter les jeunes à s’engager pour leur pays.

Aujourd’hui Abdoulaye Wade n’est plus à la tête du Sénégal, est-ce que le mouvement va également disparaître, ou vous avez d’autres chantiers ?

Nous sommes un mouvement de veille et un mouvement d’alerte. En ce moment nous avons lancé  les chantiers du Nouveau Type de Sénégalais « NTS », qui a pour objectif de s’ériger en remède, en travaillant dans les chantiers de l’environnement, de la formation citoyenne, de la surveillance électorale, etc…

Ton actualité, c’est également la sortie de l’album de ton groupe Bat’haillon Blin-d. Peux-tu le décortiquer pour nous ?

L’album du groupe Bat’haillon Blin-d s’appelle « Résistants ». C’est un album de 18 titres qui donne la parole au peuple sénégalais, et qui est aussi un avertissement à l’endroit du nouveau président pour lui passer le message suivant : « tu seras surveillé pour le programme pour lequel tu as été élu ». L’album s’est inspiré des évènements de la vie politique sénégalaise de la période allant de 2011 à 2012, et c’est aussi un album qui ressuscite les personnalités historiques tels que Nkwamé Nkrumah, Thomas Sankara, ou encore Patrice Lumumba. D’ailleurs sur la pochette de l’album, nous sommes à l’effigie de ces héros. C’est un bijou que je recommande à vos lecteurs.

Terminons cette interview en évoquant tes frasques. Il y a quelques mois tu as eu des démêlées avec la justice sénégalaise suite à une affaire dans laquelle tu étais accusé de vol en réunion, de violation de domicile et de destruction de la propriété d’autrui. Comment s’est terminée cette affaire ?

C’était une histoire avec un rappeur avec qui j’avais un beef. Je suis allé chez lui tard dans la nuit et je me suis battu avec lui. Par la suite j’ai été arrêté par les flics qui ont gonflé l’affaire en chargeant le procès verbal en mettant violation de domicile, destruction de biens appartenant à autrui, association de malfaiteurs, etc … Ils ont voulut politiser le problème, parce qu’à l’époque c’était encore le régime d’Abdoulaye Wade. Ils ont voulu politiser le problème dans le but de me salir, alors que c’était une histoire de rappeurs qui ne devait même pas arriver à la police, car le rap est allergique à la police. J’ai été emprisonné pendant quelques jours, j’ai par la suite été jugé et j’ai pris trois moi de sursis.

Commentaires

0 commentaires

Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux:

📸 INSTAGRAM: https://instagram.com/culturebeneofficiel
🌐 FACEBOOK: https://www.facebook.com/culturebene
🐤 TWITTER: https://twitter.com/culturebene
📩 EMAIL: culturebene@declikgroup.com
Afficher plus

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Bouton retour en haut de la page