Krotal : « C’est curieux que Kery James dise qu’il ne connaisse aucun rappeur camerounais… »

Kery James est au Cameroun et c’est une grande première ; vous faites partie des guests devant l’accompagner sur la scène. Comment appréciez-vous sa présence au pays ?

Ecoutez, ça me fait plaisir de l’accueillir chez nous, et ça permet aux gens de voir autre chose. Il y a déjà eu Youssoupha qui était là dernièrement, mais Kery James, c’est important. Peut-être qu’on aura bientôt Médine, mais Kery c’est important, surtout qu’il est exactement comme on l’imaginait.

Et avez-vous eu l’occasion d’échanger avec cet artiste hors du commun, du milieu rap ?

Oui, nous avons un peu échangé, même bien avant son arrivée ici, c’est d’ailleurs ce que je lui ai rappelé à l’aéroport, on a parlé du groupe OAN (Originaire d’Afrique Noire) des frères Nellè, Sam et Fullaw. Déjà Fullaw, la dernière fois qu’il était au pays, avait pris des instrus à moi et est remonté en France les proposer à Kery (avec qui il a de bons rapports), alors il m’a passé ce dernier au téléphone et à un moment il a même voulu qu’on fasse un truc avec Kery, mais ça n’a pas pu se faire…

C’était quels instrus ?

Surtout l’instru sur lequel je fais Miroir ; cet instru avait bien plu à Kery James… Mais aujourd’hui j’apprends qu’il aurait dit qu’il ne connaissait aucun rappeur camerounais… Bref, je ne veux pas m’attarder dessus ; mais il a quand-même fait feat avec des rappeurs comme Pit Baccardi, peut-être que Baccardi n’est pas camerounais… Vous m’en direz tant.

Les deux se connaissent même plutôt bien…

Bien sûr, puisque Kery James apparait sur le premier album de Pit Baccardi. En tout cas c’est pas ça le plus important ; l’important c’est que le « Dernier MC » soit là, c’est cool de voir que l’homme est très simple, pas de starmania, pas de strass, pas de paillettes, pas de bling bling, rien que du rap conscient et c’est un plaisir de partager les mêmes planches avec lui. Si ça peut faire avancer les choses et faire grandir, tant mieux.

On a noté un engouement peu commun dès l’arrivée de cet MC qui pourtant fait du Hardcore ; qu’est-ce qui explique alors le fait que les gens disent du rap, en perte de vitesse ?

Ecoutez, il n’y a rien qui soit en perte de vitesse ; Si les médias locaux ne jouent pas leur rôle… Tenez, avec Kery on va donner un bon coup de pied dans la fourmilière sur les fameux 70-30% (quotas de diffusion d’œuvres locales et étrangères), il est tant que nos médias diffusent « nos » musiques, car le public camerounais ne connait que ce que lui servent les médias. Si nous peinons à passer nos clips sur les seuls vitrines internationales que nous pouvons avoir, si au niveau de la jeune génération on ne communique que sur facebook ou encore soundcloud et youtube, dites-moi, à quel moment saura-t-on qu’on nous connait véritablement ? Il y a tout ça ; alors, la faute à qui ? A l’artiste ? Qui pourtant a déjà payé un studio, composé des chansons, fait des pressages, des clips, c’est encore lui qui doit s’occuper de sa promo, de ses spectacles… Après on dira, le rap est en perte de vitesse !

Krotal, on a cru entendre que les guests du concert de Kery James auraient perçu des cachets allant de 200 à 500 000 francs ; le confirmez-vous ?

Ça dépend, chacun deale par le biais de ses moyens, moi ce que je sais c’est que j’ai un manager qui s’en occupe, et qui en général s’en occupe bien. Euh, j’ai été titillé par un petit frère sur le net il y a quelques heures, qui me disait : « Ouais, vous n’avez jamais sensibilisez les petits-frères sur la nécessité d’avoir un manager », etc. Alors je dis, « manager » c’est un métier, et non pour le fun ou le buzz. C’est pas le fait d’arriver et de crier partout « on est le label ceci ou cela » sur facebook ou on ne met même pas des images. Là on est en plein dans la virtualité ; tenez par exemple, quand on parle de culturebene.com, je vois les posts de Darysh Nehdi, et je peux dire qu’au-delà du net, je le connais physiquement ; c’est pareil quand tu mets en face de moi un Tatla Félix, Idrissou Arabo, je sais à quoi ils ressemblent. On vit dans les deux mondes (le réel et le virtuel). Tu ne peux pas vivre dans un seul des deux et revendiquer qu’on te connaisse dans les deux. Démerdes-toi à exister dans les deux, voilà. Kery est là, pourtant il n’est diffusé nulle part ; mais ses billets s’arrachent. Alors, si aujourd’hui on ne diffuse pas « volontairement » Boudor ou Killa Mel sous prétexte que la ligne éditoriale ne s’oriente que vers l’Azonto et le Coupé-décale, faut assumer.