Quelle est la situation du théâtre dans le Grand-Nord Cameroun ?
Le théâtre dans le Grand Nord existe. Vous en avez la preuve à travers l’Alliance française de Garoua où le doyen Esperance Fouhoul forme des jeunes depuis des années. Et ils ont une programmation annuelle via leur troupe «Le Mirador». A Ngaoundéré, vous avez des troupes telles que Danata théâtre, Ashuadam, Maturité, Alkawal ou encore Djala Djalna, qui se battent pour que le théâtre vive en proposant notamment des créations au public, malgré les difficultés de diffusion et l’exode du milieu culturel. Cependant, dans notre région, pour beaucoup de personnes, faire du théâtre n’est pas un métier. Les gens n’y voient aucune perspective d’avenir. A ce jour, aucun festival de théâtre n’existe dans tout le Grand-Nord. Nous avons essayé avec le festival des canaris, mais au bout de deux éditions, il était très difficile de continuer sans soutien. Cependant, même étant loin de cette belle région qu’est le Nord, le «Zouria Théâtre», dont je suis président fondateur, propose aussi des spectacles à Garoua et dans d’autres régions du Septentrion.
Localement, comment faire pour développer le théâtre dans le Grand-Nord ?
Pour vraiment développer le théâtre dans le Grand-Nord, tous les acteurs doivent se mettre ensemble afin de créer une synergie, et surtout, parler le même langage ; c’est-à-dire faire du théâtre notre métier, notre travail, impliquer toutes les parties prenantes, impliquer les autorités traditionnelles et administratives, la population, les medias et sponsors. Il faut ramener le public dans les salles. Ce qui veut dire qu’il faut se battre pour mieux faire connaitre le théâtre auprès du public en allant vers ce dernier dans les quartiers ou les écoles, avec une programmation de bons spectacles sans relâche. Il faut surtout créer un festival de théâtre qui réunira tous les acteurs et qui fera venir des hommes de théâtre d’ailleurs pour animer des ateliers de formation sur l’écriture, la mise en scène et le jeu d’acteur.
A votre niveau, qu’avez-vous fait concrètement pour rehausser l’image du théâtre du Septentrion et reconquérir le public ?
A travers les créations du «Zouria Théâtre», le natif du Septentrion que je suis, est vu sur les scènes du pays. Parallèlement, je me bats pour faire venir des petits projets s’agissant notamment du théâtre classique, en montant des pièces écrites par des auteurs camerounais et d’ailleurs, des adaptations de romans. Dans le cadre du théâtre de développement, nous écrivons des sketches de sensibilisation sur plusieurs thèmes comme la paix, la lutte contre le braconnage, la préservation de l’environnement, le paludisme, les IST/Sida, l’hépatite, la lutte contre la corruption, etc. Par ailleurs, le «Zouria Théâtre» a créé une plateforme de rencontres entre les comédiens du Nord et du Grand-Sud. Pour ceux qui regardent les télévisions camerounaises, on rencontre de plus en plus des visages d’acteurs du Septentrion dans certains spectacles et publicités. Enfin, à chaque projet que nous montons, nous tenons au moins qu’un comédien du Nord soit invité pour y participer.
En tant que professionnel, comment expliquez-vous cet exode des comédiens du Grand Nord vers les grandes métropoles telles que Yaoundé et Douala ?
L’exode culturel est une maladie dont souffre le théâtre camerounais en général. Les acteurs vont chercher ailleurs, ce qui est tout à fait légitime. A Yaoundé ou à Douala, on a la chance de faire des rencontres avec des professionnels du métier, d’assister aux stages afin d’améliorer nos compétences ; il y a plusieurs festivals de théâtre, des castings, des spectacles. Bref, les projets artistiques sont centralisés entre Yaoundé et Douala, puisque c’est là où sont basés les bailleurs de fonds. Pour autant, moi personnellement, je n’oublie pas d’où je viens. C’est pourquoi à chaque fois que je peux, je permets au Septentrion de tirer profit de mon expérience ou de mon carnet d’adresses. Dans un contexte où le public n’a pas une éducation théâtrale, comment populariser le théâtre et le rendre accessible à tous ? Nous devons nous adapter, monter des petites séries, des films ou des spectacles comiques; utiliser les voies de communication qui sont en vogue pour les ventiler. Je veux parler ici des téléphones portables, des cybers café, des chaines de télévision locales et nationales. Nous devons réfléchir sur ce que le public aime. Il faut également monter des spectacles jeunes publics et faire des tournées dans les établissements scolaires pour y recruter un public futur.
Après votre départ de la Compagnie «Albatros», vous revenez avec le «Zouria Théâtre». Quelle est sa particularité ?
Le «Zouria Théâtre» a été créé en 2009. Ses principales activités sont la production des spectacles, l’encadrement des jeunes à la pratique théâtrale et littéraire, et la recherche sur le texte dramatique. Grâce aux séries d’ateliers de formations, aux programmes de lectures de textes, à ses productions théâtrales, le «Zouria Théâtre» a réussi à s’imposer en très peu de temps et compte parmi les compagnies les plus représentatives du paysage théâtral camerounais. En cinq années d’existence, le «Zouria théâtre» s’est produit sur plusieurs scènes au Cameroun, dans la sousrégion africaine et en France. Nous collaborons avec l’Institut Goethe de Yaoundé, les Instituts français du Cameroun de Yaoundé et Douala, l’Alliance française de Garoua, l’espace Othni à Yaoundé et le centre culturel Fiaa. Le «Zouria Théâtre» œuvre également pour un théâtre de développement et collabore régulièrement avec certaines structures au Cameroun, telles que la coopération allemande au Cameroun, l’ambassade de Grande Bretagne, la commission de l’union européenne, l’ONG Asseja, etc.
Quels sont vos chantiers avec le «Zouria Théâtre» en 2016?
Pour le moment, nous sommes à la recherche des bailleurs de fonds, des mécènes, et sponsors pour nous aider à réaliser nos projets. Cette année, nous axons notre travail sur le théâtre classique et le théâtre de développement. S’agissant du théâtre classique, nous allons monter une ou deux pièces avant la fin de l’année 2016. Pour le théâtre de développement, nous avons un projet «paix et vivre ensemble» qui a plusieurs volets, notamment un concours d’écriture des sketches sur la paix et le bien-être de la population, le renforcement des capacités des écrivains retenus, la production des sketches retenus et des représentations du spectacle dans les établissements scolaires de toute la région du Nord et peut-être aussi de l’Extrême-Nord.
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