Les stylistes modélistes du Grand Nord sortent de l’ornière, la mode sahélienne émerge.
Garoua, quartier Ngalbidjé. C’est ici que Didier a choisi d’installer son atelier « Les Ciseaux d’Or », loin à l’abri de l’ambiance bruyante du centre-ville. Pourtant, l’atelier de ce dernier ne désemplit pas. Les clients, en majorité féminines, vont et viennent et semble tous conquis par le travail de ce jeune couturier qu’on croirait être venu au monde avec dans ses mains une paire de ciseau et un morceau de tissu. Didier est styliste modéliste, c’est l’une des fonctions les plus emblématiques de l’univers de la mode. Son travail consiste à détecter les tendances et les nouvelles modes de façon à en imprégner les vêtements, les accessoires qu’il conçoit. Cela fait presque dix ans que Didier joue ainsi avec les lignes, les tissus, les formes et les couleurs et dessine des modèles qui constitueront les collections de prêt-à-porter qu’il revend à prix d’or à une clientèle désireuse de consommer local.
Malgré le succès de Didier, tout n’est cependant pas rose chez les acteurs de ce corps de métier de la mode dans cette partie du pays. « Le quotidien d’un styliste ne ressemble pas à celui d’une célébrité parcourant le monde pour présenter ses créations. Le secteur est plus que fermé, et il est très difficile de percer dans cette profession au Cameroun en général » nous confie Didier avant d’ajouter que « la réalité dans le grand nord est d’ailleurs très amère.» En effet, d’après les chiffres officiels, en 2014 au Cameroun à peine 1 % du segment de l’habillement et de la confection était contrôlé par des opérateurs locaux. La quasi-totalité du marché étant la chasse gardée des importateurs de vêtements neufs ou de la friperie en provenance d’Europe et de Chine.
Pourtant, de plus en plus de jeunes aimeraient se lancer dans une filière des métiers de la mode. Très peu comme Didier à Garoua, Fanta Labaï, Fany Fashion ou encore AKB fashion à Ngaoundéré y arrivent ; nombreux échouent. « C’est selon moi l’un des métiers les plus difficiles, il faut se surpasser malgré la fatigue, le stress, le temps et le manque d’inspiration qui peut arriver à tout moment. Il faut se positionner en leader d’idée », affirme Tonis Lambo Priso, organisateur de défilé de mode qui fait remarquer d’ailleurs que « la mode est un secteur important ailleurs à partir du moment où elle permet de mettre en exergue la liberté créative de la jeunesse et génère de la richesse. »
Si les créateurs locaux ont su séduire le public du Grand Nord à travers les différents modèles qu’ils proposent à leur clientèle, l’on déplore cependant l’absence d’écoles de formation aux métiers de la mode pour se perfectionner, l’inexistence d’évènement pouvant offrir aux créateurs du Grand Nord, une plateforme de niveau international permettant de promouvoir les métiers de la mode et les créateurs locaux. Par ailleurs, les stylistes en activité et qui travaillent pour leur compte ou en free-lance, ne disposent malheureusement pas de qualités entrepreneuriales et de gestion très poussées. Mais, plus que le manque de formation ou encore absence d’évènement dédiés à la mode, c’est le défaut de structuration qui plombe la filière dans la Septentrion où les acteurs ont du mal à travailler ensemble.
Bien que l’industrie de la mode reste donc embryonnaire dans le pays, les jeunes stylistes du Grand Nord doivent tout de même rattraper leur retard et s’affirmer face à leurs collègues des villes telles que Douala ou encore Yaoundé où la filière connait un certain essor. C’est dans cette optique de valorisation du travail des stylistes locaux que le groupe Fad’Art a lancé en 2015 la première édition du festival Sahel Fashion Night. Une grande messe de la mode a pour but de « faire découvrir, promouvoir et revaloriser la diversité du patrimoine vestimentaire de la partie Septentrionale du Cameroun », explique Elmody Mamoudou, responsable de l’organisation. Au menu de cet évènement, une foire exposition des richesses de la mode sahéliennes, des conférences-débats, visites guidées des sites touristiques et la grande soirée de gala au cours de laquelle les meilleurs créateurs reçoivent des prix.
Après le succès de la première édition, le groupe Fad’Art s’apprete à offrir du 02 au 05 novembre prochain un second rendez-vous aux professionnels du secteur et au public. Les pays invités sont le Nigéria, le Mali, le Sénégal et le Tchad dont les acteurs affutent déjà leurs collections pour cet évènement international qui permet à la ville de Ngaoundéré de justifier sa position de capitale internationale de la mode sahélienne le temps d’un festival.
« C’est un événement d’envergure internationale que s’apprête à accueillir Ngaoundéré. Nous voudrons que les participants vivent un spectacle mémorable. Les mannequins viendront des régions septentrionales et du grand Sud du pays » promet AKB, responsable de la commission défilé de mode.
par Ebah Essongue Shabba
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