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Tito : « 2012, c’est ma dernière année au Cameroun… »

Il va alors se lancer dans le monde de l’animation et officiera tour à tour au sein de médias radio et télé notamment Equinoxe, Nostalgie puis STV. Satisfait du parcours et fier de sa contribution pour l’émancipation des cultures urbaines dans son pays, c’est avec le cœur léger qu’il s’apprête à voler vers d’autres horizons.

Tito aujourd’hui est un nom bien connu de la télé, mais on sait aussi que tes débuts se font en radio, tu traines une riche expérience en communication derrière toi, nombreux sont ceux qui s’intéressent particulièrement à toi, est ce que tu peux nous retracer ton parcours pour leur bonheur ?

Beh, Tito c’est d’abord un enfant de Yaoundé, j’ai grandi de ce côté-là, j’y suis né d’ailleurs. J’ai fait le lycée bilingue d’application et par la suite je suis allé suivre mes études de Droit à l’université de Buea. Après mon diplôme j’ai passé quelques mois de stage chez le bâtonnier Muna, du moins dans son cabinet d’Avocat. Je me suis rendu compte que je n’étais pas heureux, ce n’était pas ce que je voulais faire. Alors j’ai décidé de m’installer à Douala, recommencer une nouvelle vie. Arrivé à Douala, j’ai eu la chance de tomber sur un parrain à moi, un grand ami de la famille, qui travaillait à la CRTV. A l’époque il m’a parlé d’un ami à lui qui serait entrain d’ouvrir une radio privée et qui recherchait les animateurs jeunes et parfaitement bilingue et que si c’est ce que je veux faire, faut que je saute sur l’occasion. Je suis allé à Equinoxe qui n’était qu’une chaîne de radio et j’ai passé l’entretien. Finalement j’ai fait une année là bas, puis je suis allé du côté de Nostalgie où j’ai bossé avec la toute première équipe qui a lancé la radio. Jason Black, Cathya Sainte Paule, Paul Mahel, Liliane Yatchal qui aujourd’hui officie à BBC au Sénégal, Daniel Emessine et Yossouf qui sont aujourd’hui en France, Lydie Makeda, Alexandra Jean Deffo qui est aussi en France, j’en oublie un peu. Ensuite, un an et demi plutard, j’ai voulu essayer autre chose et il y avait une télé qui ouvrait, on a lancé un casting pour une émission sponsorisée par une boite de téléphonie mobile, je suis allé à ce casting et on m’a proposé un contrat. J’ai finalement accepté et aujourd’hui ça va faire 6 ans que je bosse en freelance à STV. j’y ai présenté certaines émissions qui sont en quelques sorte des références en matière de Hip Hop ici, je parle de « Hipe It » (qui était la première émission de vidéos Hip Hop au Cameroun) puis il y a « Wickid Track », sans oublié « The Break » qui était une émission culturelle et urbaine ; avec elle on a fait le tour de l’Afrique. Là on se prépare à mettre en place une nouvelle émission qui va s’appeler « Trott’ art : la marche de l’art », parce qu’on s’est rendu compte que l’art trottine, il ne va pas aussi vite comme dans d’autres pays. Voilà un peu le parcours de Tito.

Comment te qualifierais-tu aujourd’hui et quel constat tu fais de ton parcours ?

Je me qualifierai comme quelqu’un de très exigent, je suis un adepte du travail bien fait. Je reste convaincu qu’il y a beaucoup de potentiels, autour de moi j’ai eu la chance de côtoyer des personnes très intelligentes et pleines de ressources. C’est juste qu’il leurs manquait les supports des proches. Si je devais parler de difficultés, je dirais que c’est plus l’environnement travail au Cameroun qui pose le problème ; les gens  veulent que tout soit bien fait, mais ne sont pas prêts à payer pour. Il y a aussi de l’autre côté des personnes qui ne sont pas exigeantes, donc pas assez professionnelles, du coup comme c’est un pays où tout le monde se débrouille et où personne n’a vraiment été formée pour faire ce qu’elle fait, alors il y’a beaucoup de déchets. J’ai la réputation d’être quelqu’un de très direct, des fois les gens disent « ouais, il va encore dire une connerie… », Mais je préfère être franc avec des gens. Je ne suis pas influencé par des gens venus de tel endroit où ayant telle couleur ou qui viennent de telle tribu. Je pense que c’est aussi ça qui fait ma force.

Qu’est-ce qui t’amène véritablement dans la communication ?

Disons que depuis tout petit, j’ai toujours eu un faible pour l’entertainment en général. Biensûr j’ai eu la chance d’être très brillant à l’école, ce qui fait que j’avançais très vite, je suis entrée au lycée à 8 ans… je me rappelle que ma première expérience était « Kid’s corner » avec Beky D à la Crtv, ensuite j’ai participé à l’émission « The Debate » à la CRTV quand je faisais la classe de 1ere, à l’époque j’étais 3e au grand concours d’Essay organisé par le Commonwealth. Je suis passé à l’émission radio de Rose Ngolé. Arrivé à la FAC, j’ai croisé le chemin de mon meilleur ami, il s’agit de Fonka Mutah B qui présente aujourd’hui le journal en langue anglaise à la CRTV. A l’époque il faisait journalisme et communication et moi je faisais droit et tous les deux nourrissions l’envie de créer une émission ensemble. Finalement nous l’avions écrite et l’avions soumis à Monsieur Lazare Etoundi qui était chef de chaîne de la CRTV Buea à l’époque. Malheureusement pour nous, il a détourné notre émission pour donner à quelqu’un d’autre. Je ne vous cache pas, on était vert de rage…

L’émission parlait de quoi ?

L’émission parlait des faits divers dans le campus, une émission de divertissement pour les étudiants, racontant le vécu, les anecdotes et les insolites. C’est un peu de là que m’est venue l’envie de faire de la radio, de la communication en général. Parce que j’avais aussi compris que pour être avocat dans ce pays il fallait faire des longues études, j’avais 19 ans certes quand je sortais de l’université, mais je trouvais déjà la réalité très dure. Vous savez, je viens d’une famille anglo-saxonne, on a une culture qui pousse sans cesse au travail, qui dit que les métiers prédominants sont ceux de Docteur, Pilote, Avocat, Ingénieur… ce qui fait que personne autour de moi ne comprenait pourquoi je voulais être animateur, jusqu’au jour où le bâtonnier Akeré Muna me dit, il faut faire ce qui te rend heureux, ne vis pas la vie ou le rêve de quelqu’un d’autre. Et si tu trouves par la suite quelqu’un qui te paye pour ça, ça s’appelle avoir une carrière. J’arrive donc dans l’animation, j’avais d’ailleurs beaucoup de chance, il n’y avait que deux radios privées dans la ville « Equinoxe » et « RTM ». On ne touchait pas grand-chose, moi je touchais 30.000frs/mois et ma chambre me coûtait 35.000frs/mois (rire).

Et par la suite tu embrasses la télé ça fait quoi d’être animateur selon toi ?

C’est un monde magique. La radio a sa magie, la télé c’est un peu plus technique et compliqué. La radio c’est moins de pressions puisque tu n’as pas les gens en face, tu n’as pas de camera et tout…, mais le simple fait d’entrer dans la vie des gens, dans leur cuisine, dans leur voiture, sans les voir, leurs apportant du bonheur, c’est magique, c’est énorme. Je pense que l’animation c’est un super beau métier, je ne regrette rien,  s’il fallait recommencer, je le referais.

Penses-tu être un modèle pour les jeunes aujourd’hui ?

On me le dit souvent, ça serait de la fausse modestie si je disais non. Mais je dirais plutôt que j’aime inspirer les gens, je n’ai jamais dit aux gens d’être comme moi, je leurs dit toujours que s’ils veulent être heureux comme moi qu’ils fassent ce qu’ils aiment. Je n’ai pas des millions certes, mais je ne m’ennuis pas, c’est un taff qui est respectable, tu peux avoir des piercings, des dreadlocks ou des tatouages, faut juste être respectable, quelqu’un de correcte, de responsable. Et je dis toujours aux jeunes, n’ayez pas peur de réussir, n’ayez pas peur d’assumer votre personnalité, on m’avait dit une fois « Tito pourquoi essayes-tu de ressembler à tout le monde, alors que tu es né pour être unique ». Et justement je suis le premier au Cameroun à avoir des locks à l’écran. Ça a vraiment décomplexé les gens, qui pensaient qu’avoir des rastas c’est être drogué… moi je dis non, tu peux avoir des rastas et t’habiller en costard, ça ne fait pas de toi un bandit.

On va parler de ton programme actuel sur STV « Wickid Track », à un moment il s’est dit des choses comme quoi le hip hop camerounais n’y était plus suffisamment représenté au profit des vidéos nigérianes, que réponds-tu à cela ?

Je pense qu’aujourd’hui les faits sont là. Les artistes que je passais dans mon programme il y a de cela 3 ans ont été signés par de très gros labels : Kanye West a signé G Bang avec Don Jazzy, Akon a signé P. Square, je m’arrête d’abord là pour dire qu’aujourd’hui, c’est un métier être un artiste hip hop. Et qui dit métier dit rémunération ; il faut que ça vende. L’Afrique aujourd’hui est entrain de proposer une musique universelle qui est très pop, bref qui n’est pas très différent de celle que nous avons l’habitude d’écouter. Mais les Nigérians ont une coloration différente et l’Amérique qui est la plus grosse industrie musicale au monde a besoin de consommer autre chose. Les producteurs sont saturés des sons à la black Eyed Peaz ou du David Guetta, tout le monde en fait. Quand j’ai commencé à passer des sons Nigérians, c’était pour sonner l’alarme, pour dire pourquoi eux et pas nous ? Pourquoi ont-ils de l’avance ? Pourquoi ont-ils des clips de qualité ? C’est parce qu’ils ont une culture de consommation propre à eux. Le Nigérian consomme nigérian. Je ne pouvais pas passer des clips camerounais qui étaient de très mauvaise qualité à l’époque, déjà il y en avait pas beaucoup. Pour l’émission, il faillait du contenu, s’il y avait 10 clips je ne pouvais quand même pas les mettre toute l’année, il fallait programmer autre chose. Et puis, les gens, ils ne se plaignaient pas quand on mettait les clips américains, parce que c’est l’Amérique ? À un moment donné, j’ai dit non, je préfère mettre des clips africains. Je vais vous dire une chose ; je pense que le fait d’avoir mis des clips nigérians ou sénégalais ne causait pas de problème. Le vrai souci c’est le fait qu’au Cameroun les gens veulent maintenir le spectre des « Anglo-franco » et divisions inutiles. Du genre, « il a mis les Biafrais, leurs frères nigérians à la télé, ce n’est pas normal ». Si on avait mis le rap sénégalais, ils auraient dit non, il n’y a pas de problème. Si on mettait du rap français ils auraient dit non il n’y a pas de problème. Mais comme on a mis les nigérians qui sont africains mais anglo-saxons, ils ont trouvé ça scandaleux. Mandela disait : « Personne ne naît avec la haine, personne n’est prédisposée à haïr un autre, on apprend à haïr et c’est aussi pour cela qu’on peut apprendre à aimer ». Les jeunes qui aujourd’hui critiquent les anglophones ou les anglophones qui critiquent les francophones, on leur a appris à faire cette différence là. Moi on ne m’a pas appris à faire cette différence là, on m’a dit c’est un frère, c’est un camerounais, j’ai retenu ça et c’est exactement ce que j’ai voulu prouver à la télé. Montrer que ce n’est pas un Nigérian, c’est un noir, c’est un africain. Il fait de la musique comme vous, par conséquent s’il a un beau clip on va le passer. Voilà pourquoi ces mêmes gens ont remarqué que je mets plus de clips camerounais qu’avant, parce qu’il y a de plus en plus de beaux clips et je suis fier parce que c’est justement pour qu’il y ait des gens au Cameroun ou ailleurs qui voient qu’ici il y a des choses intéressantes. Voilà mon combat. Je suis d’autant plus fier que ces gens m’avaient critiqué, parce qu’ ’aujourd’hui eux-mêmes comprennent la démarche, que si P. Square a pris le monde c’est parce qu’il y a du travail derrière et on peut beaucoup apprendre d’eux. En anglais on dit « If You can’t be Them, join Them ». Si tu ne peux pas être plus fort qu’eux, rejoins l’équipe.

Comment évalues-tu le niveau de notre hip hop actuellement ?

On a un énorme potentiel, c’est incroyable. Certains trouveront que j’exagère, mais je pense qu’on a l’une des plus belles scènes d’Afrique en terme de contenue, en terme de volume lyrical, en terme de diversité, au niveau des sonorités même, le fait d’être l’Afrique en miniature que nous regorgeons autant d’ethnies, c’est une richesse inestimable. Et fort heureusement le hip hop aujourd’hui au Cameroun, commence à refléter cette diversité. Que les jeunes aient enfin le courage de rapper en leurs langues respectives, je trouve que c’est énorme. On écoute du Timaya ou du G.Bang qui rappe en Yuruba. Koffi Olomidé qui chante en lingala, j’y pige rien mais je kiffe grave. Mais dés qu’un camerounais rappait en sa langue vernaculaire, c’est tout de suite les critiques, pourquoi il a fait ça ? Ce n’est pas accessible et tout…, il fallait qu’il rappe en français pour que tout le monde comprenne… je vais vous dire quelque chose de très important. Krotal, avec son premier album « vert rouge jaune », amorçait une nouvelle ère. Une ère où on pouvait enfin prétendre avoir une identité de notre hip hop. Ça été le combat de plusieurs ainés comme DJ Bilik, Luis Tsoungui, Bobby Shamahn. J’ai oublié mais il y en a tellement. Ils se sont poser la question, est ce que notre hip hop a une identité ? Parce que quand écoute du rap sénégalais c’est en Wolof, mais quand on écoutait du rap camerounais ce n’était pas encore ça. Heureusement on a fini par comprendre que l’avenir de notre hip hop repose sur son originalité. Vous allez voir des jeunes comme Sissongho MC’S avec un style assez decalé, teinté d’humour, ou encore Jovi avec « Don 4 kwat ». C’est magique ce que le hip hop kamer est entrain de devenir ! il faut rester authentique et camerounais, car ça paye, le X-Maleya le prouve encore aujourd’hui. C’est la musique après tout, c’est beau à entendre, voilà quoi. Aujourd’hui l’avenir de la musique se trouve en Afrique, car nous proposons autre chose et voilà pourquoi les producteurs viennent déjà signer les artistes africains.

Tito, si on te laisse poursuivre tu ne t’arrêteras jamais, tellement tu as à dire sur la musique et ce n’est que normal, tu es un homme de culture. Alors après la radio et la télé, vue ta grande connaissance du système hip hop kamer, te vois-tu entrain de manager et pourquoi pas, produire des artistes camerounais ?

C’est l’un de mes plus grands projets, actuellement nous y travaillons déjà, même si mon plus grand rêve est plutôt d’ouvrir ma propre chaîne de communication, donc d’avoir une radio et une télé. Déjà, j’ai été le premier à ramener les jeunes à STV, ils me remplaçaient même quand je prenais des vacances, je les coachais, je les formais et j’y ai pris plaisir, parce que moi je n’avais pas eu cette chance là, personne ne m’avais formé. Et c’est ce qui me manquait un peu, un grand-frère pour me coacher, pour m’épauler, j’aurais été plus que ce que je suis devenu. Ce qui fait que je m’entoure très souvent des jeunes, j’avais monté une émission à l’époque qui s’appelait « On s’en fout » sur STV, c’était un Talk Show culturel et il y avait plein de jeunes que j’avais moi-même recruté. Manager les artistes, c’est un peu compliqué quand-même, par contre être l’agent des artistes me plairait bien, je monte d’ailleurs un label qui s’occupera de ça, il porte le nom de « True Soul Entertainment » et notre objectif sera de mettre en place un grand réseau d’artistes qu’on proposera dans le monde entier à travers des festivals et autres scènes. Moi-même je suis artiste photo, j’ai fini ma 2e expo collective avec à mes côtés 9 peintres dont Em’kal à la « Galerika », la première date de l’année dernière à la « Key Factory » à New Bell. Pour vous dire que l’art contemporain, je m’y intéresse aussi à fond. On se prépare également à mettre sur pied un projet qui portera le nom « Trott’Art » (Trottoir d’artistes). Il s’agira en gros d’interviews, des profils, du côté jardin secret des célébrités, d’un portrait des jeunes qui font bouger le paysage médiatique camerounais et africains. On en a parlé avec Céline Victoria Fotso de « Je Wanda Magazine », j’aimerais aussi rencontrer la Direction de Culturebene, ça m’intéresse beaucoup ce que vous faites. Donc pour dire que c’est un profil des jeunes qui ont tout misé sur le web, parce que c’est l’avenir. Bientôt les gens n’auront plus à se déplacer, ils auront tout via le net. Et musicalement parlant, cette année je compte sortir un maxi de 6 titres, que du slam pas du rap parce que certains vont dire, il veut faire comme Tony Nobody (Rire). J’ai toujours un faible pour la poésie et les gens qui m’ont connu se souviennent des scènes que j’organisais les « MAD » (Mon Afrique d’Abord), où on projetait des vidéos d’artistes et on faisait des freestyles et du slam.

Il se dit que tu vis une idylle avec une animatrice, peut-on avoir son identité ?

Rire. Je suis un cœur à prendre…, non je plaisante. Oui c’est vrai, je vis une histoire avec une fille qui est dans le métier, je dois d’ailleurs dire que c’est un peu plus facile pour moi, seulement elle est quelqu’un de très discret, par conséquent, très mal à l’aise à l’idée de dévoiler ce que nous vivons depuis un moment et je respecte cette décision là.

Des projets immédiats ?

Beh…, 2012 c’est ma dernière année au Cameroun, ensuite je m’envolerais pour ailleurs, histoire de voir  ce qu’il a à proposer pour moi. Je ne vais pas pour de bon, je reviendrai transmettre ce que j’aurais appris là bas. Je suis très content de ce que je laisse derrière moi, car je suis conscient d’y avoir contribué.

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