
À quelques jours de la 5ᵉ édition du festival panafricain La Semaine du Cinéma, qui se tiendra cette année à Libreville, Hervé HTB Moukoko revient sur le chemin parcouru, les ambitions de cette plateforme unique en son genre, et les défis d’un événement itinérant qui construit, pas à pas, une véritable industrie du cinéma africain.
Monsieur Moukoko, vous êtes un habitué de nos colonnes. Mais cette fois, vous revenez avec une nouvelle étape du festival. Dans quel état d’esprit êtes-vous à l’approche de la 5ᵉ édition de La Semaine du Cinéma à Libreville ?
Tout d’abord, merci à vous pour votre fidélité et votre accompagnement depuis toutes ces années. C’est toujours un honneur pour moi. En ce qui concerne mon état d’esprit, il est le même que depuis le début : extrêmement excité. Rencontrer de nouvelles personnes, partager, apprendre, découvrir, et surtout continuer de construire cette industrie brique par brique… C’est ça qui me galvanise.
Depuis la première édition, comment avez-vous vu évoluer le festival ?
Dès la première édition, le festival a évolué de façon exponentielle, surtout en ce qui concerne la réception des films pour visionnage, les sollicitations des partenaires, et les lieux d’accueil. À Yaoundé, en 2021, la cérémonie d’ouverture a eu lieu à Canal Olympia. À Niamey, elle s’est tenue au Centre de Conférence Ghandi. Nous sommes passés d’une salle de 500 places à une salle de 2 000 places. Lors de la première édition, nous n’avions qu’un seul site de projection : La Case des Arts. À Niamey, pour la 2ᵉ édition, il y en avait plus de trois, y compris hors de la capitale. Et tout cela en moins d’un an ! Je trouve que c’est une sacrée évolution. L’engouement autour de La Semaine du Cinéma est tout simplement magique.
Quels résultats concrets observez-vous aujourd’hui sur le terrain (impact, carrières lancées, partenariats créés, etc.) ?
Franchement, les résultats sont énormes. Dès la première édition, nous avions accueilli des panelistes et formateurs de haut vol. Les partenariats se sont multipliés à grande vitesse. Le grand tournant a été le partenariat avec l’ISMA, une grande école internationale d’audiovisuel basée à Cotonou (Bénin), dès la 2ᵉ édition. Elle a offert des bourses d’études à deux participants de nos masterclass. Ce partenariat est toujours actif. ONU Femmes Niger a également contribué en offrant des kits de production (caméra et ordinateur) aux lauréats.
À la 3ᵉ édition, le groupe Majestic Cinéma Côte d’Ivoire nous a rejoints. Cela nous a permis de promouvoir le festival dans les salles de cinéma et de lancer, au passage, le département distribution de notre structure de production : Undercover Brothers Entertainment. À ce jour, nous avons déjà distribué 4 longs-métrages et 4 courts-métrages grâce aux salles Majestic.
Et cette année, EICAR, une autre grande école internationale d’audiovisuel, nous rejoint également. Vous imaginez donc l’impact en termes de carrière avec tous ces résultats concrets. Tout cela en seulement 5 ans d’activités, avec le soutien constant des médias locaux et internationaux, qui donnent vraiment de la voix à ce festival. Mais nous ne comptons pas nous arrêter là. Nous allons continuer de creuser.
Pourquoi Libreville cette année ? Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?
Libreville, c’est avant tout une terre de culture, avec des talents qui, malheureusement, ne bénéficient pas d’une grande visibilité. L’idée est donc de mettre les projecteurs sur l’ensemble du pays. La Semaine du Cinéma, avec son lot de partenaires, permet aux acteurs locaux de présenter leurs travaux, de s’exprimer, d’échanger avec les professionnels, d’élargir leur réseau, d’apprendre, de se former, et de recevoir des bourses et des kits de production.
Quelles seront les grandes lignes de cette 5ᵉ édition : projections, ateliers, masterclass, moments forts ?
Pour cette édition, nous gardons les mêmes ingrédients : cérémonie d’ouverture, masterclass, panels, projections (en soirée). Nous souhaitons aussi intégrer de mini-concerts et des visites touristiques pour que les festivaliers puissent découvrir les plus beaux décors du pays, et peut-être y trouver des idées de production. Mais la grande particularité de cette année, c’est que nous allons travailler avec des équipes locales.
Quels sont les principaux défis que vous rencontrez dans l’organisation d’un festival itinérant de cette envergure ?
Le premier défi – et je ne vous apprends rien – c’est le nerf de la guerre : l’argent (rires). Mais c’est compréhensible. Nous sommes un jeune festival, à nous de continuer à travailler et de convaincre les sponsors, partenaires, mécènes qui hésitent encore. Mais je peux leur garantir que nous sommes des professionnels et que nous savons exactement ce que nous faisons.
L’autre défi, ce sont les lenteurs administratives. Il faut sans cesse relancer les décideurs. Heureusement, nous avons le cardio ! (rires) Et puis, comme je le dis souvent, chaque pays a sa culture, sa mentalité, sa sensibilité. On s’adapte et on travaille avec les moyens disponibles.
Quelle place le festival occupe-t-il, selon vous, dans l’écosystème cinématographique africain aujourd’hui ?
Le festival commence à se faire une vraie place dans l’écosystème cinématographique africain. Vu la qualité des partenaires que nous attirons depuis quelques années, c’est bien la preuve que notre travail est sérieux, porteur de sens et d’impact. À peine une édition terminée, les gens nous demandent : « Quel sera le prochain pays ? », « Quand venez-vous chez nous ? » Certains nous suggèrent même des capitales ! Et tout cela est très flatteur.
Où aimeriez-vous voir La Semaine du Cinéma dans 5 ou 10 ans ?
Dans 5 ou 10 ans, La Semaine du Cinéma sera un événement interplanétaire, avec des cérémonies d’ouverture diffusées en direct sur plusieurs chaînes africaines. Ce sera une véritable plaque tournante en matière de production et de distribution. Un outil de référence. Nous allons créer nos propres stars, notre propre système, et générer des milliers d’emplois.
Un dernier mot pour les jeunes professionnels, les partenaires, ou le public qui vous suit depuis le début ?
Nous avons une industrie à construire.
Par Sara Eliane Nemachoua
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