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Imane Ayissi : « Les métiers de la mode sont des métiers nobles et sérieux… »

Bonjour Imane, merci de répondre aux questions de culturebene.com. Mannequin, danseur, couturier, acteur… comment vous définissez-vous ?
Bonjour à vous. Je dirais que je suis un créatif esthète.
Issu d’une famille d’artistes (Chantal Ayissi, Ayissi le Duc…), vous avez dansé pour les plus grands artistes de cette planète : Yannick Noah, Nayanka Bell, Patrick Dupond… vous avez également travaillé avec pas mal de ballets (Ballets nationaux du Cameroun, du Sénégal, de la Guinée…). Quelles sont les réelles motivations qui vous ont poussé à faire de la danse votre métier ?
J’ai effectivement dansé avec des artistes d’horizons très divers, j’ai biensûr fait partie du Ballet national du Cameroun et j’ai dansé pour d’autres compagnies ou Ballet africains, mais pas des ballets nationaux. J’ai dansé avec le chorégraphe sénégalais Nabou Diop, avec le chorégraphe Ivoirien Georges Momboye, avec le guinéen James Silla mais pour des tournées européennes, et biensûr avec des chorégraphes contemporains français importants comme Patrick Dupond.
La danse a été presque naturelle pour moi parce que ça faisait partie de la culture familiale, mon grand-père paternel était un danseur important au Cameroun et quand mon frère Ayissi le Duc a créé le ballet "les frères Ayissi", ma sœur Chantal et moi l’avons rejoint tout naturellement. 
En 1995, vous êtes finaliste du concours Mannequin Europe à Paris, concours qui vous ouvre les portes du mannequinat. Vous avez défilé pour les plus grands couturiers : Pierre Cardin, Christian Dior, Yves Saint Laurent, Lacoste, Levis et bien d’autres. Vous êtes entrée dans le cercle très fermé des plus grands mannequins…
Les débuts ont été difficiles, j’étais un peu atypique comme mannequin, à une période où il y avait assez peu de mannequin "noir" et les quelques-uns qui travaillaient venaient plutôt des Etats-Unis ou des Caraïbes. J’avais déjà défilé en Afrique, mais arrivé à Paris il a fallu tout recommencer, je ne pouvais pas mettre en avant mon expérience en Afrique, les critères n’étant pas les mêmes. Peu à peu j’ai réussi à me faire une place, c’est vrai que ce concours m’a aidé mais surtout j’ai dû faire des castings, faire le tour des agences sans arrêt, ça ne s’est pas fait tout seul. Enfin j’ai eu la chance de rentrer de cette manière dans les plus grandes maisons de couture, de voir un couturier comme Yves Saint Laurent au travail pendant des fitting, de faire des campagnes de publicité internationales comme avec Gap …etc.
Le fait d’avoir une mère top model (la toute première Miss Cameroun, 1960) vous a poussé à faire ce métier ?
Tout d’abord j’ai eu la chance d’avoir un physique approprié : la bonne taille, à peu près la bonne corpulence, pour ça je peux remercier mes parents, c’est eux qui m’ont fait comme ça. Mais si avoir le bon physique est nécessaire c’est loin d’être suffisant : il faut avoir du caractère, quelque chose de différent, d’un peu bizarre même et surtout il faut être professionnel. Il faut que vos clients, les marques de mode, d’accessoires ou quoique ce soit, puissent compter sur vous, il faut être disponible et donner le meilleur de soi-même pendant les séances photos, les fitting ou les défilés. Pour faire de belles photos j’ai dû parfois faire des chose incroyables, comme rester au fond d’une piscine plusieurs minutes alors que je ne sais pas nager (pour le photographe Marc Robin) ou me retrouver le crâne enduit de colle pour maintenir des pics en métal (pour le photographe Pascal Barin). Une fois alors que j’étais hospitalisé pour une petite intervention, je suis sorti prématurément contre l’avis des médecins pour faire une série de photo pour les joailliers Van Cleef & Arpel, Tiffany, Boucheron…etc, avec le photographe Elias.
L’appétit vient en mangeant, aujourd’hui vous êtes couturier. C’est une suite logique par rapport à votre métier de Mannequin ou c’est tout simplement un nouveau défi pour vous ?
Ni l’un ni l’autre, c’est une vocation que j’ai eu très jeune. J’avais déjà collaboré avec des couturiers comme Blaz Design et Madé Jong pendant que j’étais au Cameroun. Devenir créateur ou couturier n’est pas la suite logique au métier de mannequin, il y a d’ailleurs très peu de mannequins qui se reconvertissent dans le stylisme, et quand ça arrive ce n’est pas toujours un succès… Je n’ai pas attendu de ne plus travailler comme mannequin pour créer mes collections, pendant un temps j’ai mené les deux activités en parallèles. En revanche, travailler comme mannequin m’a permis de mieux comprendre l’importance de la coupe quand on fait un vêtement, de voir comment s’organise un défilé de mode, de connaître le fonctionnement de ce secteur ses règles, son organisation, ses calendriers…etc. Ce qui a sans doute un peu compensé le fait que je n’ai pas étudié la mode dans une école…
Comment arrivez-vous à gérer toutes ces casquettes, auxquelles vient s’ajouter celle d’acteur ?
J’ai joué quelques rôles dans des spectacles (comme dans Phèdre mis en scène  par Antoine Bourseiller) ou fait des apparitions dans certains films à la demande de metteurs en scène mais je ne peux pas dire que je suis acteur. En effet à un certain moment il devient difficile de gérer plusieurs activités en même temps. Pour devenir bon dans chaque métier cela demande beaucoup de temps, beaucoup de travail, on ne peut donc pas s’investir de la même manière dans plusieurs activités différentes en même temps. L’écriture c’est un peu différent, c’est quelque chose d’intime, de personnel que l’on pratique seul à son rythme, c’est pourquoi j’ai pu écrire en parallèle de mon travail de couturiers deux recueils de contes, mais pour le reste, à un certain niveau il faut faire des choix…
Quelles relations entretenez-vous avec des couturiers tels qu’Alphadi, John Galliano, Karl Lagerfeld…
Ce sont des couturiers qu’il m’arrive de croiser lors des évènements, de galas mais en fait j’ai très peu de relations avec eux. La mode est un univers concurrentiel et on peut connaitre et respecter le travail des autres couturiers sans vraiment les fréquenter. C’est un peu différent avec Alphadi, j’ai participé deux fois, à son invitation, au FIMA qu’il a créé et nous avons présenté des collections en même temps dans certains festivals, donc nous avons des relations plus amicales. Lamine Kouyaté de la marque Xuly Bet est un ami également…
Quel regard portez-vous sur la mode africaine ?
Il n’y a pas une seule mode africaine, les organisations, le nombre et le niveau des créateurs sont très différents selon les régions ou les pays. L’industrie de la mode en Afrique du Sud a un fonctionnement qui se rapproche de plus en plus des capitales de la mode européennes. Je vois aussi de plus en plus de  créateurs originaires du Nigeria qui commence à se faire une place au niveau international. Biensûr il y a des couturiers et des créateurs sans doute intéressants dans tous les pays, le problème en Afrique c’est que ce n’est pas pris au sérieux et que ce n’est pas une industrie. On pourrait produire et exporter des textiles dans le monde entier puisque l’Afrique produit du coton, mais il y a très peu d’usines de filature ou de tissage en Afrique, le coton est vendu seulement comme une matière première. De même pour la fabrication de vêtements, il n’existe pas de vraies structures de production de vêtements de qualité, fiables, modernes…etc. Biensûr il y a l’artisanat qui peut répondre à un marché local mais ce n’est plus suffisant et les pays africains importent des vêtements d’Europe ou de Chine ce qui est un comble.
Donc il peut y avoir des créateurs, s’il n’y a pas derrière une infrastructure pour produire, distribuer les vêtements, communiquer sur leurs marques …etc, ça ne pourra rester qu’anecdotique.
Le problème je crois c’est que construire tout cela demande du temps et que les gens ne pensent pas à initier des actions pour les générations futures. Dès qu’ils commencent une entreprise ils veulent gagner des fortunes du jour au lendemain. Et en plus du temps cela demande aussi des capitaux, des investissements. Pourquoi les riches africains n’investissent-ils pas en Afrique dans ce secteur, quand on voit le poids économique de la mode dans des pays comme la France, l’Italie et bien sûr, à un autre niveau, comme la Chine.
La plupart des grands couturiers ont leur festival, à quand un festival D’Imane Ayissi au Cameroun ?
Je suis créateur de mode, pas organisateur de festival. Tout d’abord il faudrait arrêter de voir la mode uniquement comme un spectacle. Au Cameroun par exemple on va voir un défilé comme on va au cabaret, parfois je me demande si les spectateurs comprennent ce qu’ils voient sur le podium. Un défilé c’est un moyen de montrer aux acheteurs, à la presse, à ses clients, son travail, sa nouvelle collection, pour que les journalistes puissent en parler et pour que les clientes achètent, ce n’est pas juste pour passer un bon moment.
Comme il n’y a au Cameroun, comme d’ailleurs dans la plupart des autres pays d’Afrique, aucune structure, aucune organisation professionnelle digne de ce nom, les créateurs sont bien obligés d’organiser eux-même des évènements pour montrer leur travail. Mais je ne crois pas que ce soit la solution. Il faudrait que les professionnels de la mode se réunissent, créent un vrai syndicat, avec des organisateurs professionnels qui soient chargé d’établir les calendriers des présentations, qui organise les défiles, la communication…etc. Mais à l’intérieur de cette structure, dans ce calendrier, c’est chaque créateur qui devrait être chargé de son défilé, de son casting, du style de la présentation, ce qui permettrait au créateur de développer une vraie image, plus personnelle et qui correspondrait au style de chacun.
Quel conseil pouvez-vous donner aux jeunes qui veulent suivre vos pas ?
Les métiers de la mode sont des métiers nobles et sérieux. Il faut une forte culture, apprendre beaucoup de techniques, donc le conseil que je donne aux jeunes c’est de suivre des formations, quand c’est possible de suivre des études dans les écoles de mode en Europe pour comprendre comment cela fonctionne. Aujourd’hui c’est un secteur très difficile, très concurrentiel, mais je pense que ce sera encore plus dur dans l’avenir, donc il faudra être à la fois très professionnel et en même temps se différencier et être innovant.
Quelques contacts utiles pour vos nombreux fans ?
Et la vidéo de ma collection Eté 2012 : www.youtube.com/watch?v=OtxC-rZvpD4 

Votre mot de fin ? 

Chers lecteurs, bougez-vous, le monde bouge.

Questionnaire de Proust

 Votre plat préféré ? Poisson braisé à la camerounaise
La personne qui vous a le plus marqué ? Katoucha
Votre personnage historique ? Hatchepsout, la première femme pharaon
Votre signe astrologique ? Gémeau
Votre principale qualité ? Savoir étonner
Votre principal défaut ? Je ne me débarrasse jamais de mon sac.
La faute que vous ne supportez pas ? L’intolérance
Votre meilleur souvenir ? Mon premier voyage au Japon avec Patrick Dupond.

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