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Maahlox Le Vibeur : je suis jeune et je n’aime pas la bière

Pour contrecarrer certaines critiques acerbes à son endroit, et déjouer aussi les risques de la censure, prétendait lutter contre la consommation abusive de l’alcool en milieu jeune. Pour y arriver, à en croire le rappeur, il utilise comme méthode la dérision. Il ferait donc semblant de célébrer la bière pourtant il est plutôt en train de la combattre, justement en la raillant. Peut-être il s’est aussi menti à lui-même ! Parce que les esprits avertis savent que l’intention de Maahlox le vibeur au départ n’était pas la dérision ou l’ironie de la bière. Son intention était de démontrer et de vanter la performance alcoolique des jeunes face à un système qui n’a plus –ou qui n’a jamais eu- la jeunesse au centre de ses préoccupations. C’est-à-dire, présenter cet alcoolisme actif des jeunes comme une forme de dissidence que je veux bien qualifier d’ « alcoolo-dissidence ». Mais qui malheureusement est une « alcoolo-dépendance ». Car le système a su comment engouffrer les jeunes dans l’alcool, et ceux-ci ignorent que s’ils veillent dans les bars, c’est bien parce qu’ils ont été programmés pour ça. Et quoi que les jeunes disent qu’ils boivent autant pour s’opposer au système, ce dernier se moquera toujours d’eux en se frottant les mains.

C’est la raison pour laquelle ces avertis esprits pensent que le jeune rappeur a plutôt fait la psalmodie apologique de la bière qui ne veut pas dire son nom. Et même lorsqu’il semble dénoncer le fait que les commissaires et les hommes d’églises partagent gaiement les bières avec les gangsters et les sectaires, il ne fait autre chose que de dire à quel point les jeunes possèdent « entre leurs mains », une force énergétique embouteillée certes, mais capable de transcender les différences et les difficultés de la vie quotidienne. C’est aussi une manière de légitimer la bière, en se disant : voyez-vous-même l’homme de la loi et l’homme de Dieu boivent la bière et pourquoi pas nous ? D’ailleurs : « tu bois tu meurs », « tu ne bois pas tu meurs ».

Le jeune Maahlox quand il demande le prix de la bière, ce n’est pas qu’il ne connait pas les prix. Juste que ces prix changent selon les endroits et augmentent du jour au lendemain. Mais malgré tout, les jeunes sont toujours prêt à aller au-delà de leurs forces, quitte à fouiller dans les poches des parents, à voler et à vendre tel ou tel objet de valeur, prêts à tout pour une bouteille de bière. Ils dépensent l’argent pour jouer et espérer gagner au pari, pour enfin le dépenser à nouveau dans la bière. Même ceux qui travaillent sous les pluies diluviennes et un soleil accablant ne visent que la bouteille de bière à l’horizon, même aux prix des bénéfices et des sacrifices.

Pour mesurer le degré de culture d’une société il faut chercher à savoir les musiques qu’elle aime. A ce point de vue, la jeunesse camerounaise se trouve à un niveau si bas, qu’il faudra plus qu’une génération pour l’élever. Même les prix de la bière augmentent, mais le prix, la valeur des jeunes ne fait que diminuer, s’estomper. Pour avoir la valeur aujourd’hui, il faut boire tous les jours sans se fatiguer et donner des tournées de bière sans s’étouffer. Alors tu reçois tout de suite des honneurs de président et des louanges outrées frisant l’idolâtrie. On se moque de toi si tu ne bois pas, si tu ne supporte pas la bière. Les anniversaires ne s’organisent plus dans les maisons parentales, toujours dans les bars. Les cadeaux d’anniversaires passent des objets de valeurs, aux casiers de bières. Maahlox le vibeur ne pouvait donc pas faire autrement que célébrer la bière, comme d’autres avant lui ont consacré le sexe et le manger.

Si les jeunes ont tellement suivis le « tube » de Maalok, c’est tout simplement parce qu’ils s’y reconnaissent. Ils sont soulagés de voir enfin quelqu’un qui chante en leur nom, qui lutte pour leurs causes. Par cette chanson ils ont la ferme assurance qu’ils sont sur « le droit chemin ». Et même si on souhaite leur mort, ils renaitront toujours comme le « phénix ». Même si souffle l’harmattan et « l’Alizé », ou encore le « printemps » ils vont y résister pour une bière. Même s’ils n’obtiennent pas « le visa » pour l’ascension sociale ou le « quebec », ils auront toujours un « plan B », pour devenir les « doyens» et les « queen’s », et sauront toujours inventer leur propre « émergence ». Le jeune ne pourra jamais préférer une « canne à sucre » à une bière. Il ne pourra même pas abandonner sa bière au prix d’un « cheval blanc », il cherchera toujours à percer le « mystère » de la vie pour marcher sur la « rue de la joie ».

De ce point de vue, ne comptons pas sur les jeunes du « renouveau » pour censurer cette musique du jeune Maahlox. S’ils le pouvaient ou alors le voulaient, ils l’auraient fait avec tous ces artistes qui ont célébré la jouissance et la virilité au grand dam de la culture et de l’élévation. Les messages de Valsero et d’Oshiminh aux jeunes n’ont pas changé grand choses. Qui est Maahlox pour tenter une telle entreprise ! Maahlox n’a pas à s’inquiéter d’une censure qui aurait pu sévèrement être infligée à ces deux artistes engagés. Car il a nettement fait ce que le système a toujours espéré. Encourager les jeunes à s’enfermer dans les bars, les boites de nuit et cercles vicieux…en observant la mouvance des jeunes à répéter ce type de musique, le système reste encore convaincu que la partie est gagnée pour bien des décennies encore.

Dans un pays aussi bas que le notre, il faut faire très attention aux démarches critiques. Et Maahlox ne l’a pas compris, ce qui l’a amené à mal choisir sa méthode. Pour prétendre lutter contre la consommation abusive de l’alcool en milieu jeune. Car lorsque les jeunes l’écoutent chanter : « augmentez le prix, on va toujours boire », ils ont tendance à augmenter les bouteilles de bière et à boire davantage. Quand Molière, maitre de l’ironie, voulu lutter contre l’avarice, il a planché l’avare sur la planche et s’en ai moqué véritablement. Or quand Erasme a eu à faire l’éloge de la folie à son tour, c’était pour vanter ses vertus et non pour la railler. Maahlox n’a fait autre chose qu’engouffrer la jeunesse qui était déjà embouteillée par le système, ce même système qui préparait déjà sa « mise en bière ». Maahlok n’a fait que chanter l’hymne mortuaire conduisant la jeunesse moribonde à son humiliation, que dis-je, à son inhumation. Et la seule chose qui pourra ramener ces jeunes à la vie, c’est la pensée, la lecture. Or rien n’est plus couteux aujourd’hui que le livre. Plutôt que de chanter d’augmenter le prix de la bière et d’inciter les jeunes à toujours boire, il est l’heure de crier haut et fort de baisser les prix des livres et d’inciter les jeunes à toujours lire. « A force de le dire », les choses pourront changer. Comme les enfants d’Israël, à force de claironner, ont fait tomber les murs inébranlables de Jéricho.

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