Une vingtaine de pays pour autant de dates ; il faut dire qu’à la suite de sa consécration au Prix Découvertes RFI 2013, c’est tout logiquement que SMARTY, artiste rappeur et ex membre du groupe Yéleen (Lumière en langue Bambara), a embrassé sa tournée dans les Instituts français d’Afrique. « Un sac de talent ! », pourrait-on dire à la camerounaise… L’enfant terrible du rap burkinabè mais qui se réclame apatride ou surtout de « nationalité » africaine, traine derrière-lui un parcours riche et très appréciable. Avec son pote d’origines tchadiennes, Mawndoé (avec qui il composait le groupe), pas moins de cinq albums verront le jour et ne passeront incognito : « Juste 1 peu 2 lumière » (était déjà nominé aux KORA), « Seul Dieu sait », « Dar Es Sallam » (qui arrachera le KUNDE d’or en 2007), « L’œil de Dieu » (qui asseoi véritablement leur maturité), et enfin « Rédemption », une pure merveille musicale aux influences diverses (rock, reggae, jazz, et même un peu d’électro) qui sera malheureusement le dernier de leur série.
Après un moment d’hésitation, marqué par la séparation du groupe, SMARTY a pu se concentrer pour la réalisation du chef-d’œuvre qui lui vaudra plus tard le fameux Prix RFI. Le sésame porte le nom « Afrikan Kouleurs », 14 titres minutieusement travaillés au gré de plusieurs escales (Ouagadougou-Bamako-Marseille), avec la collaboration du Bolo Bein Roots et les interventions non moins négligeables de Tiken Jah Fakoly et Soprano. C’était alors un privilège pour le Cameroun et ses mélomanes que d’accueillir cet artiste révolutionnaire de par son orientation, et sa touche personnelle apportée au mouvement hiphop africain (du rap et du chant sur une alchimie de reggae-pop-rock très parfumée d’instruments traditionnels) ; il fallait y penser.
Pour assurer la première partie, le jeune camerounais Sweet Dazy dont le registre ne s’éloigne pas trop de celui de la star du soir, excepté ses influences RnB…
Une quinzaine de minutes plus tard, l’orchestre de Smarty gagne l’arrière-scène : Roland Wendyam Arnaud OUEDRAOGO à la batterie, SEÏDOU SANGARE à la guitare acoustique, Luc KYENDREBEOGO au Kundé bass (guitare bass traditionnelle) et BOUBAKAR DJIGA au N’goni Solo (guitare traditionnelle solo). Dès les premières notes, un délicat vent d’originalité nous caresse les esgourdes, et le public est très vite séduit ; quelques applaudissements retentissent ça et là, puis gagnent complètement la salle à l’entrée de l’artiste. Son T-shirt de couleur orange et portant le message « C’est du SANG Kamer qui Coule dans mes veines » aura un effet de plus sur le sentiment que lui vouent désormais ses nombreux fans recrutés localement.
Cet espoir de la musique urbaine africaine amorcera son discours musical avec la première plage de son album : Au Royaume de mes espérances, très reprise par l’assistance. Léger parfum des sonorités maliennes, du reggae, le tout sur un fond de hip hop bien dosé, on découvre alors agréablement la subtilité avec laquelle la musique de SMARTY transmet des émotions. Belle formule qui certainement à l’unanimité a mis d’accord le Jury du grand Concours (Ndlr).
Sur la belle harmonie musicale, imperturbable, l’artiste enchaine mots et phrases, esquissant au besoin un petit sourire, s’il ne prend une mine (parfois triste, parfois sérieuse) selon sa convenance. Sa gestuelle et les jeux échangés entre ses musiciens et lui sont certainement pris comme des leçons par la poignée d’artistes présente dans la salle. Sa maturité ne souffre plus d’aucune contestation ; la voix de SMARTY, un peu aigu mais perçant assurant, et sa bonne diction nous permettront de saisir l’intégralité et la pertinence de ses messages à travers ses chansons. Feeling de Vie (track 6 de l’opus) et Les Hommes (Track 8) cristallisent alors l’attention, mais c’est Everything (plage 4) qui suscitera plus l’hystérie des spectateurs de par sa profondeur. Smarty y magnifie la Femme en l’occurrence sa feue mère décédée il y a plus de 14 ans. Pour ce dernier, La femme c’est l’être suprême, au-delà d’être la mère de l’humanité, et c’est dommage que ses mérites ne soient célébrés comme il le faut. La thématique va changer une fois qu’il abordera la réalité de nos chefs (tant à la tête de nos états que dans nos villages) avec le titre Le Chapeau du Chef (07 plage du Cd). Ici, entre convoitise du trône et complexité de gestion ou encore bataille de positionnement autour du chef, Smarty jette un regard certes parodique sur le fonctionnement de nos dirigeant, mais en décrie les tares. Le titre phare de l’album, Afrikan Kouleurs (track 12), que beaucoup ont certainement pris le temps d’écouter, sera scandé intégralement, avant l’apothéose N’dolé (14ème et dernière piste de l’album) qui n’est pas un met camerounais, mais plutôt un hymne à la beauté de la femme car signifiant Ma chérie ou Ma Femme. L’homme y déploie son répertoire poétique pour extérioriser ses sentiments.
Beaux public finalement (malgré qu’il n’est fait le comble de la salle) pour ce rappeur et chanteur d’exception ; une prestation remarquable comme on n’en n’a plus vu. Normal que le public en redemande ! Reste à espérer que M. Yves Ollivier nous le ramène une prochaine fois.
Pour l’heure, le public de Douala attend être servi ce samedi 28 juin à son Ifc, pour l’apothéose.
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