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54 ans après l’indépendance : Trois premières dames, Trois styles différents.

1.- Germaine Ahidjo: élégante et discrète 

Il est difficile de savoir si Germaine Ahidjo pouvait un jour dans sa jeunesse s’imaginer qu’elle deviendrait première dame du Cameroun. Cette belle plante originaire de Mokolo, dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, faisait en tout cas bien partie des filles privilégiées de son temps, susceptible de rêver d’avoir « un bon mariage », comme on le dit au Cameroun. Cette grande dame, formée en France au début des années 50 au métier de sage-femme, a réussi à plaire au premier président du Cameroun indépendant, au point de devenir quelques années après la première dame du Cameroun, un certain 1er janvier 1960 ; le jour même où l’indépendance du Cameroun a été proclamée. Celle qui était déjà madame Ahidjo, va alors prendre son rôle au sérieux, à savoir «être aux côtés du chef de l’Etat camerounais comme épouse, et lui apporter tout l’appui et le réconfort utile et nécessaire pour l’accomplissement de sa tâche», pour reprendre un commentaire d’un politologue camerounais. 

Célèbre par son élégance et son foulard qui ne la quittait presque pas, madame Ahidjo était de ces brillants esprits autodidactes qui, à force de côtoyer les grands de ce monde, savaient en toute discrétion prendre sa place d’épouse de président de la République, dans un dynamisme bien élaboré. On se souvient encore que malgré le fait qu’elle était l’épouse du tout puissant président Ahidjo, elle avait choisi d’exercer son métier de sage-femme à l’Hôpital central de Yaoundé, et se comportait effectivement comme fonctionnaire de l’Etat camerounais, avec tout ce qu’il y a comme rigueur dans le respect de la hiérarchie. Cependant, son rapport avec le sérail était assez complexe. Selon divers témoignages, singulièrement celui du feu président du Mouvement pour la démocratie et le progrès (Mdp), Samuel Eboa qui par ailleurs a été un proche collaborateur du président Ahidjo (il a ainsi consacré deux ouvrages pour certifier de cette collaboration), madame Ahidjo, bien qu’étant hors de l’appareil gouvernant, était très proche des ministres de la République. 

Dans un entretien accordé à nos confrères de Rfi, elle confirme d’ailleurs que Samuel Eboa, le secrétaire général de la présidence de la République d’alors, et certains ministres, venaient la voir, et se confiaient à elle, lorsqu’ils ne semblaient pas comprendre une réaction du président de la République. Un rapport assez dérivant que madame Ahidjo avait ainsi avec le sérail, et qui au fil des ans, l’a rendu sympathique aux yeux des collaborateurs du chef de l’Etat. Toutefois sur le plan protocolaire, même si sa beauté physique et son élégance s’imposaient du simple regard, c’était une femme qui savait s’effacer devant monsieur le président du Cameroun qui ne l’amenait d’ailleurs que rarement dans les tournées de l’intérieur du pays. Elle se limitait ainsi à ses sorties publiques constituées de visites à caractère social dans les orphelinats, ou autres institutions spécialisées telles que le centre cardinal Paul-Emile Leger d’Etoug Ebe, qui s’occupe notamment des handicapés. Jamais on ne l’avait vue au défilé lors de la fête nationale. Elle n’apparaissait que lors des réceptions offertes par le couple présidentiel, et lors des voyages à l’étranger. 

2.- Jeanne Irène Biya: la sage femme 

Jeanne Irène Biya, de regrettée mémoire était considérée comme une espèce de mère de la nation camerounaise. Maternelle, elle l’était effectivement, si l’on se réfère aux différents témoignages de ses anciens collaborateurs. « Madame considérait tous ceux qui travaillaient à la résidence à ses côtés comme ses enfants. Que ce soient les gardes du corps, les responsables du protocole, ou encore les cuisiniers et les jardiniers. Elle appelait tout le monde « mon fils », ou encore « ma fille », « mes enfants ». Toujours souriante, elle savait réconforter, après avoir écouté. Elle priait beaucoup pour le Cameroun, afin que les Camerounais soient heureux où qu’ils se trouvent», commente une proche et ancienne gouvernante à la résidence présidentielle du temps de Jeanne Irène Biya. Par contre, il se dit que la première épouse du président Paul Biya se tenait absolument loin des problèmes politiques. Ses sorties se limitaient généralement une fois par an, en décembre, à aller visiter le pavillon Baudeloque, consacré à la pédiatrie. C’était ses moments de bonheur et de compassion que d’aller visiter ces jeunes enfants malades. A son corps défendant, quelques temps avant sa disparition, les responsables de l’époque de l’Hôpital central avaient fini par baptiser ce pavillon par son nom. Mais aux dires de certains de ses proches que Le Messager a approchés, cela semblait vraiment agacer cette sage femme de formation, d’entendre tout le temps son nom à la radio. Et c’est bien pendant qu’elle était encore de ce monde, aux côtés de son époux, que certains « griots » ont alimenté dans les médias publics essentiellement, l’appellation de « Première Dame du Cameroun», stigmatisant une femme qui, malgré le fait qu’elle était par la force du destin, l’épouse du deuxième chef d’Etat du Cameroun, se voulait plutôt discrète. Elle aussi n’allait jamais au défilé du 20 mai. Il se dit, à tort ou à raison, que depuis les tentatives d’assassinat de son mari en août 1983, et le 6 avril 1984, elle aurait rêvé d’une vie tranquille dans le village de son mari à Mvomeka’a. Loin des turpides intrigantes du sommet du pouvoir. Et quand les années de braises arrivent avec leurs cortèges de « Villes mortes », répressions et autres, Jeanne Irène Biya était bien malheureuse de voir qu’on s’attaque ainsi à chaque fois à son Paul bien aimé, qu’elle voyait pourtant suffisamment dévoué pour la cause du Cameroun. Certains vont jusqu’à avancer qu’elle aurait demandé à son époux de quitter le pouvoir à un moment donné. Quand elle meurt en 1992, c’est tout le Cameroun qui est ému par la disparition de cette femme discrète, au cœur tendre, et à l’instinct très maternel. Difficile de savoir si ses œuvres lui ont survécu comme l’avait promis son président de mari lors du discours de remerciement au peuple camerounais. 

3.- Chantal Biya: trop présente

Chantal Biya est la troisième première dame du Cameroun. Lorsqu’elle épouse le président, celui-ci est âgé presque de 30 ans plus qu’elle. Tout le peuple est alors inquiet. Certains se demandent si cette jeune femme qui avoisinait à peine la trentaine, issue d’une famille modeste, pourrait être à la hauteur d’une fonction qu’a assumée une dame de grand cœur telle que Jeanne Irène Biya. C’était en fait mal connaître le personnage. Une femme sensible que la voix de jeune fille présentait alors comme une timide demoiselle. Au fil des ans, Chantal Biya a réussi à tisser sa toile. De cette jeune fille qui tenait son sac-à-main à l’abdomen au début de ses sorties de première dame, a succédé une grande dame aux pas mesurés et assurés à côté de son mari. Au début on ne la voyait que très peu. Notamment lorsqu’elle va en fin d’année visiter les malades de la fondation qui porte son nom. Mais depuis quelques années, c’est pratiquement du « pas un pas sans mon mari-président ». On dirait qu’elle cherche à protéger son époux des vautours qui tentent de l’approcher. Parfois on la confond aux gardes du corps. 

Chantal Biya a créé des associations qui sont presque toutes devenues d’utilité publique, et qui la mettent à chaque fois au devant de l’actualité. Cela a donné l’occasion à certains courtisans de la déifier, sans exagération. Son nom résonne sans cesse dans le registre des mères de la nation. Et on fait tellement du bruit tout autour que, forcément, une certaine opinion commence à montrer des signes d’exaspération. La vérité est que Chantal Biya qui, selon son entourage direct, est une personne imprévisible, n’a pas toujours les échos du trafic d’influence publicitaire qui peut s’opérer autour de ses œuvres. Combien des gens très souvent mal inspirés, vont dans les quartiers discourir ou vanter de manière tonitruante, le nom de la première dame dans des quartiers où les gens n’ont ni eau ni électricité, depuis des mois, et où beaucoup ont de la peine à faire bouillir la marmite chaque jour, en leur disant de faire confiance à Chantal Biya ? Comme si elle était devenue présidente de la République? C’est encore plus désespérant quand des personnalités que beaucoup de citoyens de certains quartiers populeux de Yaoundé et Douala identifient comme des « Ndoss politiques » (c’est-à-dire des politiciens qui ne sont ni crédibles ni sincères), viennent essayer de convaincre des foules affamées, à grand renfort de publicité médiatique que « maman Chantal Biya vous aime»… En tout cas le plus dur ces derniers temps est que à force de talonner son mari, Chantal Biya, dans sa gestuelle lors de ses apparitions publiques, semble quelque peu étouffer l’homme-lion. Il n’y a qu’à revoir les images de la célébration du Cinquantenaire de Réunification à Buea, pour s’en convaincre. Et comme l’a relevé Le Messager dans une de ses récentes éditions, on se retrouve avec non plus le président de la République, mais plutôt le couple présidentiel. 

Jean François CHANNON

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