Chacun de ces véhicules coûte à l’achat plusieurs dizaines de milliers d’euros. Soit des décennies de travail pour un Ivoirien payé un salaire minimum, malgré sa réévaluation en novembre de plus de 60%, de 60.000 francs CFA (environ 90 euros). Pour l’amateur d’automobile, Cocody et la Zone 4, les territoires les plus huppés d’Abidjan, sont pourtant aussi bien pourvus que les plus riches quartiers de capitales européennes. Le week-end venu, les hurlements de moteurs puissants rythment les nuits du sud de la ville. Le phénomène est identique à Johannesburg, Lagos, ou encore Libreville, où les grosses voitures pullulent. Dans la capitale gabonaise, il n’est pas rare de voir dix gros SUV (Sport utility vehicle, 4X4 urbains) en file indienne sur le boulevard du bord de mer embouteillé. Les riches Africains aiment les grosses cylindrées, marqueurs comme ailleurs d’un certain statut social. Au Gabon, 70% des 6.000 véhicules neufs vendus par an sont de gros 4X4, en majorité japonais, selon la Fédération gabonaise des importateurs de véhicules. « Ici, c’est +un 4X4 sinon rien+ », raconte l’un d’entre eux, pour qui la voiture au Gabon est « le symbole de la réussite, bien plus que le logement ». Les voitures « premium » ne représentent à l’inverse que 3% des 8.000 autos neuves vendues par an en Côte d’Ivoire, estime un expert. « Mais certains clients recherchent le haut de gamme. Les véhicules bling-bling, il y a de l’argent à se faire dans ce marché », remarque-t-il. La proportion de « belles bagnoles » est plus importante parmi les 40.000 véhicules d’occasion importés, remarque-t-il. Car les lourdes taxes dont sont frappées les autos neuves rendent les secondes ou troisièmes mains – venues d’Europe, d’Amérique du Nord ou encore de Dubaï – bien plus accessibles. Les plus fortunés peuvent même acquérir les véhicules les plus extravagants. Malgré les routes truffées d’ornières d’Abidjan, qui abiment les voitures trop basses, un importateur propose Lamborghini, Ferrari, etc. à cette clientèle choisie.
Symbole de cette quête du luxe à quatre roues, Wattao, un ancien chef de guerre devenu cadre sécuritaire sous la présidence d’Alassane Ouattara, s’est récemment affiché dans sa Maserati devant des caméras de télévision.
Les constructeurs ne s’y trompent pas. Avec une classe moyenne estimée à 300 millions d’habitants par la Banque africaine de développement en 2011, mais surtout des strates très aisées de plus en plus nombreuses, ceux-ci cherchent à se rapprocher de ces clients potentiels. Porsche dispose d’un showroom flambant neuf à Victoria Island, l’un des quartiers les plus chics de Lagos, à quelques pas du très récent hôtel Intercontinental, premier cinq étoiles de la métropole nigériane. Le constructeur allemand, implanté depuis des décennies en Afrique du sud, où il dit connaître une progression de ses ventes de près de 40% par an ces deux dernières années, s’est récemment installé en Angola, au Ghana et au Nigeria, selon Christer Ekberg, son directeur pour le Moyen-Orient et l’Afrique.
Avec environ 2.000 Porsche acquises en Afrique subsaharienne sur les trois premiers trimestres 2013, dont moins de 10% entre Luanda, Accra et Lagos, des performances malgré tout qualifiées de « prometteuses », le constructeur veut poursuivre son développement en Afrique. Des investisseurs locaux sont sollicités pour accompagner l’implantation de la marque au Cameroun, en RD Congo, en Ethiopie, au Gabon, en Côte d’Ivoire, en Namibie, au Sénégal, en Tanzanie et en Zambie. Le potentiel africain est « énorme », observe une porte-parole de Mercedes, qui possède une usine d’assemblage en Afrique du sud, pays où 20.000 modèles trouvent preneurs chaque année. BMW, qui a vendu 34.000 autos sur l’ensemble du continent en 2012 (+15% par rapport à 2011), veut également « continuer à progresser », selon l’un de ses porte-parole. Audi anticipe de son côté une croissance « dans certaines régions » d’Afrique, estime Stefan Hamberger, directeur Proche, Moyen-Orient et Afrique pour la marque, qui se félicite d’un doublement de ses ventes en trois ans (22.000 autos) et d’une progression « à deux chiffres ». Reste ensuite à entretenir ces mécaniques de précision, aux pièces rares et chères. Faute de technologie disponible, les voitures les plus exclusives restent parfois immobilisées pendant des mois à Abidjan, constate un bon connaisseur du marché. « Si Porsche venait en Côte d’Ivoire, les clients seraient ravis de pouvoir faire réparer leurs voitures dans le garage de la marque », estime un autre expert. « Mais ils n’iraient pas nécessairement acheter chez eux », tempère-t-il. Et d’asséner : « les clients friqués ne sont pas différents des autres ». Il veulent payer moins cher. Et choisissent donc des autos importées. Les marchés de niche, même de luxe, obéissent finalement à des contingences fort terre à terre.
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