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Chronique : Délivrances de Toni Morrison

Ce jour-là, la pluie battait son plein et il faisait tellement froid que je m’étais calfeutré dans mon lit douillet. C’était un week-end, plus précisément dimanche dernier. J’ai lu ce livre avec en fond sonore, le titre « Sodade » de Cesaria Evoria, « Nja na ben no » de Grace Decca, « Hommage » de Kandia Kouyaté, « Mbin Nzé » de Laétitia Zonzombe et « Asuru » de Malika Domrane. Oui, j’ai fais appel aux belles voix féminines d’Afrique afin de mieux savourer ce chef d’œuvre littéraire de Toni Morrison.

Très souvent dans un roman, les premières pages donnent le ton de la suite du livre. Ici, l’auteur n’a pas failli à la règle :

«  Ce n’est pas de ma faute. Donc vous ne pouvez pas vous en prendre à moi. La cause, ce n’est pas moi et je n’ai aucune idée de la façon dont c’est arrivé. Il n’a pas fallu plus d’une heure après qu’ils l’avaient tirée d’entre mes jambes pour se rendre compte que quelque chose n’allait pas. Vraiment pas. Elle m’a fait peur, tellement elle était noire. Noire comme la nuit, noire comme le Soudan. Moi, je suis claire de peau, avec de beaux cheveux, ce qu’on appelle une mulâtre au teint blond, et le père de Lulu Ann aussi. Y a personne dans ma famille qui se rapproche de cette couleur. Ce que je peux imaginer de plus ressemblant, c’est le goudron ; pourtant, ses cheveux ne vont pas avec sa peau. Ils sont bizarres : pas crépus, mais bouclés, comme chez ces tribus qui vivent toutes nues en Australie. » .

Nous sommes aux Etats-Unis dans les années quatre-vingt-dix. Une femme se rend à l’hôpital pour accoucher. L’enfant naît noir alors que la mère et le père sont mulâtres aux teints clairs. Très choquée, la mère réfléchit quelques instants à comment tuer son enfant, le donner à l’orphelinat, le déposer à la porte d’une église ou l’abandonner ? L’instinct maternel ou humain, la fit garder son bébé, mais n’avait rien enlevé au dégoût qu’elle avait d’avoir un enfant noir. Alors, elle a arrêté l’allaitement :

«   Tout ce que je sais, c’est que pour moi, la nourrir, c’était comme avoir une négrillonne qui me tétait le mamelon. Je suis passé au bibéron dès que je suis passé chez moi. ».

La naissance de Lula a brisé le mariage de ses parents. Ils venaient de vivre trois belles années à deux. Louis, le père de Lula pensait que sa femme l’avait trompé et considérait l’enfant comme un ennemi, il finit par les abandonner…

Dans la première partie du livre, l’auteur donne la parole à la mère de l’enfant. Celle-ci nous explique par exemple les difficultés, comme d’avoir un logement décent quand on est noir et  que l’on doit faire  face aux préjugés et aux regards des gens dans la rue…

En deuxième partie, c’est là où j’ai senti comme un réconfort, car la parole est donnée cette fois à Lula. Le bébé qui a grandi et a, 23 ans maintenant. Elle gagne bien sa vie et possède une ligne de cosmétique :

« Partout où j’allais, on se retournait sur mon passage, mais ce n’étaient plus les regards légèrement dégoûtés que je m’attirais quand j’étais gosse. Ces regards-ci étaient emplis d’adoration, stupéfaits, mais affamés. ». Dans cette partie, elle nous raconte sa vie sentimentale catastrophique et la raclée que lui a inflingée Sofia,  une ex-prisonnière, de qui elle voulait se racheter après l’avoir envoyé en prison par son faux témoignage. ..

Dans l’extrait qui suit, on peut bien imaginer les frustrations de cette femme qui a tellement peur que son enfant subisse des injustices, qu’elle préfère lui en infliger elle-même, afin que son enfant se prépare à la vie  : «   Ah, ça oui, je m’en veux parfois de la façon dont j’ai traité Lula Ann quand elle était petite. Mais vous devez comprendre : il fallait que je la protège. Elle ne savait rien du monde. Ce n’était pas la peine d’être opiniâtre ou insolent même quand vous aviez raison. Pas dans un monde où l’on pouvait vous envoyer en maison de redressement si vous répondiez ou vous bagarriez à l’école ; un monde oÙ vous étiez le dernier embauché et le premier viré. Elle ne pouvait rien savoir de tout ça, ni à quel point sa peau noire ferait peur aux blancs »

Ce livre est vraiment l’un de mes coups de cœur de cettte rentrée littéraire 2015.

L’auteur :

Toni Morrison, née dans l’Ohio, est une romancière, professeur de littérature et éditrice américaine. Lauréate du Prix Pulitzer en 1988, et du prix Nobel de littérature en 1993.

Par Michel Tagne Foko

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