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« BET doit être au service de la communauté noire par la qualité et la diversité de ses programmes »

La chaîne africaine-américaine grand public BET sort une version francophone et s’exporte vers la France et l’Afrique. Un appel d’air dans le paysage audiovisuel ? Rencontre avec les responsables parisiens, Roswell Agodjro et Thierry Cammas.

Un mastodonte. Avec 100 millions d’abonnés aux États-Unis, des audiences publicitaires à faire pâlir ses concurrentes, la chaîne BET, qui diffuse des programmes de divertissement entièrement consacrés à la culture africaine-américaine, a su s’imposer dans le paysage audiovisuel en trente-cinq années d’existence. Rachetée en 2005 par Viacom (BET, MTV, CMT, Paramount Channel…), elle émet désormais au-delà des frontières.

Depuis le 17 novembre, les téléspectateurs français et ceux de l’Afrique francophone peuvent découvrir les contenus américains les plus en vue et des productions inédites. Quelques jours avant son lancement, une polémique a égratigné BET France : la chaîne 100 % afro n’employait aucun animateur noir ! Les premiers présentateurs annoncés étaient, en effet, Raphäl Yem, d’origine cambodgienne et fin connaisseur de la culture américaine (MTV, France Inter, Libération, Nova, Inrocks…) et la Franco-Tunisienne Hedia Charni. Retour sur des débuts difficiles et sur un projet qui entend toucher plus de 20 millions d’abonnés en France et en Afrique francophone, avec Thierry Cammas, le patron de MTV Networks chargé de BET France, et Roswell Agodjro, programmateur de la chaîne.

Le groupe Viacom vient de lancer BET en France. La chaîne a déjà une longue histoire aux États-Unis. Pouvez-vous nous en parler ?

Roswell Agodjro : BET a été créée par Robert L. Johnson en juillet 1980, soit un an avant la fondation de MTV, avec la vocation de mettre en avant les talents noirs américains aux États-Unis par le biais du divertissement. Les séries comme Le Prince de Bel Air, le Cosby Show ou, auparavant, Le Flic de Beverly Hills n’existaient pas encore. BET a créé des talk-shows, des cérémonies et fait la part belle à la musique. Et, quand la chaîne a rejoint le groupe Viacom, en 2005, son fondateur est devenu l’une des personnalités incontournables de l’histoire des médias américains.

Thierry Cammas : Ce qu’il faut savoir, c’est que la chaîne a été lancée à un moment où les Noirs souffraient d’un important déficit de représentation dans le paysage audiovisuel américain. L’attente était colossale. Son arrivée a été perçue comme un puissant appel d’air.

Quel a été le parcours de Robert L. Johnson ?

T.C. : Son ascension est assez incroyable. À l’origine du premier média destiné à un public afro, il a été le premier Noir américain à permettre à une société à capital africain-américain, contrôlée par un opérateur noir, d’entrer à la Bourse de New York. Au moment de la cession de BET, il est également devenu le premier Noir milliardaire dans son pays.

La ligne éditoriale de BET a-t-elle varié au fil du temps ?

R.A. : La chaîne a maintenu sa vocation de divertissement et ses contenus africains-américains. Aujourd’hui, la présidence de la chaîne est assurée par Debra L. Lee, qui s’occupait de la programmation dans les débuts et qui maintient l’intention originelle.

Que représente BET en matière d’audience aux États-Unis ?

R.A. : Avec plus de 100 millions de foyers abonnés, la chaîne devance presque MTV. Et, toutes cibles confondues, elle est numéro un en ce qui concerne l’audience publicitaire à destination du public africain-américain.

Pourquoi avoir lancé BET en France ?

T.C. : Nous tenions depuis longtemps ce projet en réserve. Dans le catalogue du groupe, la chaîne disposait d’un réservoir de beaux programmes, inédits à l’étranger. Il aurait été dommage de ne pas présenter ces contenus au public français, qui, faute d’offre légale, se tourne vers internet et des versions piratées. La page Facebook américaine de BET compte 60 000 fans français. Cela révèle une véritable attente !

Comment les téléspectateurs accéderont-ils aux programmes ?

T.C. : Nous avons souhaité rendre, dès le premier jour, la chaîne accessible au plus grand nombre. Viacom jouit déjà d’une légitimité auprès de nos clients. À l’issue d’un travail exemplaire, nous sommes parvenus à offrir gratuitement BET à plus de 18 millions de foyers. Tous les abonnés de Canal Sat, de Numericable, de Free, de SFR, de Bouygues, d’Orange, ou encore de Videofuture et d’Afrostream y ont accès. Et BET va être diffusée par l’ensemble des plateformes de Canal+ Overseas vers la Martinique, la Guadeloupe et l’Afrique francophone, et attirer ainsi 1,5 million d’abonnés de plus. Avec in fine plus de 20 millions d’abonnés.

On peut donc s’attendre à ce que vous soyez attentif au continent africain ?

R.A. : La chaîne anglophone BET Africa existe déjà en Afrique du Sud. L’antenne francophone donnera lieu à des synergies. Nous communiquons déjà pour élaborer des projets communs.

T.C. : Nous envisageons des coproductions ciblées et le relais d’événements localisés en Afrique. Il n’y a pas de limites géographiques tant que cela reste pertinent. C’est le sens de la diffusion sur Canal Overseas : l’approche éditoriale de la chaîne n’est ni métropolitaine ni afro-caribéenne. Il s’agit de divertissement noir international.

Selon vous, la chaîne comble-t-elle un manque de représentativité de la diversité en France ?

R.A. : Dans le paysage audiovisuel français, certainement. Nous nous sentons culturellement concernés par les questions sociales. Les présentateurs de l’ensemble de nos chaînes sont presque tous issus de la diversité : China, Mouloud et, aujourd’hui, Raphäl, Hedia, Fetih… BET va dans ce sens. Mais la chaîne a-t-elle pour vocation de résoudre à elle seule les lacunes d’un secteur entier ? Bien sûr que non. Toutefois elle pourrait bien bousculer les chiffres concernant la diversité émis par le Conseil supérieur de l’audiovisuel…

Vous avez été au cœur d’une polémique : on vous a reproché de ne pas avoir mis en avant des animateurs noirs. Comment avez-vous réagi ?

R.A. : Nous avons été tristes. Et eu le sentiment d’être pris dans un quiproquo. Après une campagne de communication probablement incomplète, nous avons envoyé le signal qu’un média ne se fait pas en un jour, et que, bien entendu, nous allions ouvrir l’antenne à la communauté noire française – notre intention depuis le début. Rokhaya Diallo, qui rejoint BET, en est la preuve. L’animatrice est depuis longtemps proche de la chaîne, son arrivée est sans surprise.

T.C. : Cela prouve que BET peut être une chaîne utile, sans même avoir à jouer un rôle militant. Elle doit être au service de la communauté noire par la qualité et la diversité de ses programmes, par sa capacité à apporter de l’inédit, du « premium », le tout sur le mode du divertissement.

Quels types de programmes seront proposés au public francophone ?

R.A. : Le catalogue de production BET est très riche. Nous avons sélectionné les contenus que nous estimons être les meilleurs pour la France. Rokhaya Diallo animera une émission d’« infotainment » où l’on parlera du lifestyle issu de la culture africaine-américaine, mais qui transpire ici, en France. Elle présentera aussi des documentaires maison : de la culture hip-hop à un hommage à Mandela en passant par un sujet sur la visite de Barack Obama au Ghana…

T.C. : La sélection s’opère à travers le prisme du regard français sur la culture noire américaine. Nous avons des shows comme Real Husbands of Hollywood, une parodie de téléréalité réalisée par Kevin Hart, un comique de stand-up très connu aux États-Unis, à Londres et en Afrique du Sud. Nous diffusons également l’émission de téléréalité Nellyville, qui suit un rappeur dans son quotidien d’artiste et de père célibataire, qui, en plus de ses enfants, a pris sous son aile ceux de sa sœur décédée. The Wendy William Show est le talk-show quotidien d’une grande dame de la télé et de la radio, réputée pour ne pas pratiquer la langue de bois.

T.C. : Il y aura aussi sept cérémonies musicales par an, toutes du même niveau que les MTV Music Awards. Du grand spectacle.

Vous avez annoncé que vous alliez également rechercher de nouveaux talents…

R.A. : Oui, comme nous l’avons fait aux États-Unis en 2005 et en 2011, nous lancerons un appel à candidatures pour recruter les nouveaux visages français de BET. Avec l’idée de permettre aux gens qui ne sont pas du sérail de se faire connaître.

5 ANS POUR FAIRE SES PREUVES 

Le projet BET, entre 6 et 7 millions d’euros par an, s’annonce lourd financièrement. Thierry Cammas se donne trois à cinq ans pour en dégager une rentabilité. La chaîne bénéficie des infrastructures de MTV (locaux de tournage, installations diverses) et réunit pour le moment une équipe de sept personnes (marketing, développement digital, programmes, services techniques).

Par Jean-Sébastien Josset / jeuneafrique.com

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