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Afrique du Sud : des bourses scolaires réservées aux jeunes filles vierges

Contre le sida et les grossesses précoces, la ville d’Uthukela croit avoir trouvé la recette. Des associations s’insurgent.
N’offrir des bourses d’études qu’aux jeunes filles vierges qui s’engagent à le rester pendant leur scolarité. Qu’elle prenne pour prétexte le besoin de voir les jeunes filles se concentrer sur leurs études ou la lutte contre la propagation du sida, la mairie d’Uthukela, une ville de 670 000 habitants au sud-est de l’Afrique du Sud, a pris une décision contestée. Et l’abstinence, bien sûr, n’est demandée qu’aux femmes.

«Pour nous, c’est une manière de vous remercier pour votre pureté et vous pouvez continuer à vous protéger les trois prochaines années, jusqu’à l’obtention de votre diplôme ou de votre certificat d’études», a commenté, selon AP, Dudu Mazibuko, la maire de la ville lors d’une émission pour une radio locale. En précisant que les bourses d’étude seront renouvelées tous les ans «si l’enfant est en capacité de fournir un certificat qui prouve qu’elle est encore vierge». Et le porte parole de la municipalité, Jabulani Mkhonza, d’ajouter qu’inciter les jeunes filles à «ne pas devenir sexuellement actives» leur permettra de «se concentrer sur leurs études». Des préjugés sexistes qui prouvent la lente évolution des mentalités.

Si la bourse scolaire ne récompense (ou ne stigmatise) que des jeunes filles, c’est parce que selon les autorités municipales, elles sont vulnérables à des grossesses précoces et aux MST. «Je pense que les intentions du maire sont bonnes mais nous n’acceptons pas que la virginité soit une condition à remplir pour obtenir une bourse, a réagi le président de la Commission pour l’égalité des genres (une institution indépendante), Mfanozelwe Shozi. Cette discrimination basée sur la grossesse ou la virginité est problématique.»

En Afrique du Sud, les tests de virginité sont encore légaux même si l’Organisation mondiale de la santé (OMS) les considère comme une violence sexuelle. L’organisation exhorte d’ailleurs les autorités sanitaires partout dans le monde à supprimer ces pratiques intrusives. De plus, l’Afrique du Sud étant l’un des pays où les viols et les agressions sexuelles sont les plus nombreux, ce type d’initiative ne peut qu’accentuer l’ostracisation des victimes.

L’activiste féministe Jennifer Thorpe rapporte dans un article sur la plateforme Thought Leader des chiffres éloquents : l’année dernière, 648 cas d’agressions sexuelles ont été déclarés à la police dans la municipalité de Uthukela. Elle ajoute que ce n’est que la partie visible de l’iceberg, tant les viols sont tabous et donc non officiellement déclarés. En réalité, selon une étude de 2009 du Medical Research Council (MRC), seule une agression sexuelle sur 13 serait déclarée. Il y aurait donc eu l’an dernier quelque 8000 agressions sexuelles pour la seule ville d’Uthukela. «Les jeunes filles qui auraient perdu leur virginité à la suite d’un viol ou d’une agression sexuelle […] seront pénalisées pour l’obtention de la bourse, ce qui ne peut qu’aggraver leur traumatisme», s’insurge Jennifer Thorpe.
D’autres associations se sont inquiétées de l’initiative municipale. The Guardian rapporte la réaction de Nonhlanhla Mokwena, le directeur de l’association Powa (The People Opposing Women Abuse, littéralement les gens contre les abus causés aux femmes) : «Powa est choqué d’entendre que les jeunes filles devront passer un test de virginité pour obtenir une bourse… C’est une violation de leurs droits.»

Mais boycotter cette mesure, pour les jeunes Sud-Africaines, est cependant difficile tant les études coûtent cher dans ce pays. La plupart des étudiants ont besoin d’une aide financière pour mener à terme leurs études supérieures. La majorité ne peut même pas faire face aux frais de scolarité. A l’université de Witwatersrand à Johannesburg par exemple, l’année coûte entre 1930 euros et 3800 euros alors que le revenu moyen d’un salarié ne dépasse pas 979 euros par mois.

Hélène Gully

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