A la uneCamerounChroniqueMusique

COCO ARGENTEE : de « la bête » à « la belle »

C’est de manière assez brutale que la jeune artiste Coco Argentée a fait il y’a quelques années son intrusion dans le vaste « champ de lutte » de la musique camerounaise. Avec son titre qui a fait d’elle une lionne féroce destinée à tout « cogner » dans la tanière, Coco Argentée s’est posée comme une artiste pleine de talent et de détermination. L’énergie qu’elle dégageait dans sa chanson et dans ses chorégraphies fait preuve d’une jeune pleine d’énergies difficiles à s’estomper. Sa musique allait assez vite, si bien que ceux qui présentaient les velléités de la suivre s’arrêtaient aussitôt avant la fin, essoufflés et étouffés. Au-delà du rythme assez brut et pétulant, tous les auditeurs ont pu entendre marteler et tambouriner dans cette musique des mots teintés de sauvagerie et de bestialité. Ce n’est donc pas déplacé ici de comparer l’artiste Coco argentée de « bête », autant dans l’énergie qu’elle dégage et fait dégager, que dans la philosophie déshumanisante qu’elle enseigne.

Dans le tube qui l’a ouvert au public musical, Coco Argentée n’a pas voilé son leitmotiv. Sa musique reposait sur une trame de fond solide. Déclamait’ elle avec véhémence : « l’homme est l’homme tant que ça se lève ». À partir de cette phrase, nous comprenons tous qu’elle définit l’homme de manière générale par sa capacité à « cogner », par sa virilité et la quantité d’énergies qu’il peut dégager et le degré de plaisir qu’il peut procurer. Définir l’homme par le « ça », pour ceux qui ont fait un peu de philosophie, c’est le réduire au niveau des choses parmi les choses dans le monde. En philosophie, plutôt en psychanalyse comme nous l’enseigne Freud, le « ça » c’est le réservoir des pulsions et des passions. Le « ça » est ce qui rapproche l’homme de l’animal, et s’oppose au « sur-moi » qui humanise l’homme et le rapproche de la spiritualité. « Ça » c’est la chose, et quand Coco Argentée lance un appel pour que « ça se lève » nous savons tous à quelle chose elle fait allusion ici. Quelle horreur !

C’est la raison pour laquelle j’avais qualifié sans hésitation cette musique de « contre-nature », à laquelle j’avais opposé un « contre-discours ». L’homme n’est pas un animal, il n’est pas un être naturel, il n’est pas qu’instincts, pulsions, et passions avilissantes. L’homme a émergé du chaos des choses parmi les choses dans la nature au moyen de la pensée, de la raison. L’homme est un animal qui pense, une chose dons la nature est de penser dira Descartes. Ainsi, Coco Argentée aurait pu dire si elle voulait paraitre plus humaine, que « l’homme est l’homme tant que ça s’élève ». S’élever c’est quitter d’un état ordinaire, vulgaire et banal pour un état plus distingué. S’élever c’est gagner en extension, grandir en esprit. S’élever, c’est aussi « se lever contre », comme moi j’ai jadis essayé de me lever contre cette musique contre-nature. Le mal dans notre société, c’est que nous avons toujours agi sans avoir pensé au préalable. Nous avons toujours occulté la pensée, la raison, au bon gré de l’instinct et de l’instant. Nous ne voyons rien venir, l’avenir pour nous est toujours flou et incertain, il nous surprend toujours. C’est ainsi qu’incapable de nous projeter dans le futur, de le construire à notre façon et avec nos propres outils, soit on se réfugie dans un passé qu’on juge de glorieux, soit on laisse le présent faire de nous ce qu’il désire. Or nous ne pouvons penser véritablement que si l’esprit fonctionne, que s’il est ouvert. Nous ne pouvons pas penser si nous avons délocalisé le cerveau pour le placer entre les jambes.

Nous devons avoir le courage de remettre en cause ce qui se présente à nous comme absolu, nous devons interroger et nous interroger sans cesse. Le malheur dans notre société c’est qu’on se laisse aller par le mouvement des choses, on n’arrive pas à déployer les esprits pour pouvoir nager à contre courant, à donner à notre vie l’orientation que nous désirons. Comment admettre qu’on puisse légitimer une artiste et une musique qui prône la bestialité, la brutalité et la pétulance ! Une musique amorale, qui détourne la jeunesse africaine des voies qu’on veut la voir emprunter pour relever ce continent engouffré dans la misère et la paupérisation. Le jeune qui doit relever le Cameroun et l’Afrique ne doit plus se laisser dévoyer par qui que ce soit, ne plus tout admettre et tout intérioriser comme un béni-oui-oui, il doit avoir le courage de s’arrêter là où tout le monde passe. Prendre le risque de poser un point d’interrogation et d’ouvrir le débat là où tout le monde a posé un point final. En plus d’être des producteurs la majeur partie du temps, les jeunes doivent être des consommateurs extrêmement exigent. Nous ne devons pas accepter consommer n’importe quoi, nous ne devons pas laisser que du temps et de la quantité naissent la qualité. Mais cette dernière ne doit voir le jour que par le moyen de notre éveil et de notre « critique permanente ».

Peut être c’est de là qu’est née celle que j’appelle « la nouvelle Coco Argentée » ! Sa nouvelle sortie musicale nous fait penser à une transfiguration étincelante d’un « born-again ». Après avoir prôné des hommes forts et virils, elle a décidé de lancer un appel fort à des hommes capables de redresser le Cameroun et de le rendre toujours aussi beau et prospère. Coco Argentée « la bête », chante désormais les louanges d’un Cameroun en plein élan pour son émergence. Elle embellie l’image d’un pays que les imprécateurs, les prophètes du malheur, ces nouveaux disciples de Jérémie, ont longtemps teinté de salissures horribles. Comment ne pas admettre avec fierté qu’elle est quittée de manière stratégique et bénéfique pour nous et pour elle de « la bête » à « la belle » ? Nous pouvons donc admettre avec l’artiste Médine que systématiquement, « derrière une bête se cache une belle ». Et comme lui, je rends hommage à chacune d’elles.

Je soutiens ici ce projet musical de « la belle » Coco Argentée, qui chante l’hymne et les louanges d’un pays abandonné par ses propres enfants. Ceux-ci qui pensent que le bonheur se trouve ailleurs qu’en eux et hors de chez eux. La vérité c’est qu’on ne peut trouver le bonheur nulle part ailleurs que dans le lieu où l’on se trouve. Nous avons tout ici chez nous pour réussir, ce pays est beau, malgré la laideur de ceux qui le dirige. Voici que l’artiste Coco Argentée pose une question fondamentale : « un jour tu dois quitter la terre, qu’est ce que tu auras fait pour ton cher pays ». Cette question à la Kennedy, nous fait comprendre qu’on ne doit pas seulement se demander ce que nous donne notre pays, nous devons aussi nous demander ce que nous donnons à notre pays. La question la plus importante est même celle de savoir ce que nous ne lui donnons pas, pourtant nous en avons les capacités. En ce sens, je loue de toute ma plume la nouvelle orientation de notre jeune et belle artiste, talentueuse et énergique.

Penser sur la musique n’est pas un simple jeu, la musique n’est pas qu’un luxe, elle ne sert pas seulement à divertir et à faire des sous et des stars. Ceux qui ont suivi avec attention les élections en 2008 aux USA, en 2012 au Sénégal et en 2002 en France savent tous le rôle que les artistes ont joué pour la perte ou la victoire d’un ou de l’autre des candidats en lice pour le fauteuil présidentiel. C’est dire que la musique en Afrique peut nous perdre ou nous sauver du gouffre ou nos dirigeants nous ont béatement plongés. Mais ce que nous n’admettons pas, c’est le moment où elle veut faire passer un message, qu’elle ne puisse pas contribuer au progrès moral et intellectuel de nos jeunes. L’histoire nous le prouve, la musique peut et doit être propice au changement positif des mentalités. C’est ce que je crois et j’y crois !

By TATLA MBETBO FELIX, dans la capitale

monsieur2035@yahoo.fr

Commentaires

0 commentaires

Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux:

📸 INSTAGRAM: https://instagram.com/culturebeneofficiel
🌐 FACEBOOK: https://www.facebook.com/culturebene
🐤 TWITTER: https://twitter.com/culturebene
📩 EMAIL: culturebene@declikgroup.com
Afficher plus

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Bouton retour en haut de la page