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A qui profite le hip hop kamer ?

L’attention du public est plus tourné vers les musiques traditionnelles inscrites dans le cadre des musiques urbaines, et du hip hop venu des states et de l’hexagone. Il n’ya qu’à faire un tour dans tous les lieux où se jouent et se vendent la musique en général pour faire la triste constatation. Même les « pirateurs » de disques hésitent à contrefaire les disques des rappeurs au Cameroun, les radios hésitent à accorder plus d’une heure au hip hop local dans leur programme hebdo, pareil pour les chaines de télés. Les journalistes eux, hésitent à venir couvrir les évènements hip hop, les sponsors hésitent à les soutenir, les producteurs hésitent à signer ces artistes. Ceux qui ont les moyens de s’auto-produire, hésitent eux aussi à presser plus de 200 disques d’un seul coup.  C’est dire que le rap au Cameroun est encore dans le carcan de l’under-ground, il est encore dans la caverne, la tête sous l’eau et peine à émerger.

Le vécu de la majorité des artistes hip hop ici en dit long !, ils supplient les scènes, supplient des bouteilles de bières, supplient l’argent de taxi, supplient les featuring…ils ont des cachets de misère, pour ceux qui ont la chance d’en avoir un. Nous pouvons d’ores et déjà conclure que le hip hop au Cameroun ne paie pas du tout. Par contre nous voyons se développer chaque jour des structures, nous voyons chaque jour des rappeurs s’y engager, et les autres sortir de terre comme des champignons…c’est dire que quelque part, il y’a espoir de gagner quelques sous, et de s’en mettre plein les poches. S’il y’a de l’argent dans le hip hop au Cameroun donc, nous pouvons affirmer qu’il ne profite pas aux rappeurs. Le hip hop au Cameroun sous toutes ses formes, de manière systémique, est une industrie. Mais industrie dans laquelle les rappeurs en particulier occupent le poste d’ouvriers, de manœuvres. Le hip hop ici, est une société de classes, où nous avons les patrons d’un côté et les ouvriers de l’autre.

Quand on se rend compte que les rappeurs sont invités dans des spectacles ultra-sponsorisés, et que le cachet qu’ils perçoivent ne représente rien du tout, alors on comprend qu’il y’a problème quelque part. Nous revenons à la théorie de la « plus-value » développée jadis par Marx. Les structures de vidéogrammes imposent désormais aux rappeurs de payer assez d’argent pour faire un clip vidéo, pareil pour les ingénieurs de son. Comme tout le monde a pour rêve ultime de passer à Trace, alors ils paient le prix cher. Mais le son et le clip fait, ils doivent encore payer pour passer sur ladite chaine, et en retour ils ne gagnent absolument rien. Et puisqu’ils n’ont rien ils n’arrivent pas à payer les communicateurs du domaine pour essayer de soigner leur image, et profiter pour se vendre un peu plus cher. Ils préfèrent encore aller payer pour passer dans des grosses émissions télé, pour le même triste résultat. Ceux des producteurs qui ont le cœur, pour parler comme chez nous, de produire ces artistes, ont 80 à 90% des revenus sur les frais investis, l’artiste n’a que 10 à 20%. Plusieurs rappeurs ont payé des grosses sommes à des designers pour leur marque de vêtement, mais elle n’a été vendue à personne.

Certes il y’a de l’argent dans le milieu hip hop ici, mais il profite à presque tout le monde sauf aux artistes eux mêmes. C’est la raison pour laquelle il est difficile de trouver quelqu’un ici qui ne fait que du rap dans sa vie. Si on en trouve, il faut voir de près pour s’attrister sur le niveau de vie déplorable de celui là. Ils se comptent sur les doigts de la main gauche, ceux qui ne vivent que des fruits de leur art. Beaucoup essaient tant bien que mal de gagner un peu, mais l’argent reste toujours où il est, et ne circule que dans un cercle très fermé. « Cette secte qu’on ignore » toujours. Plusieurs ont dilués leurs styles dans du bikutsi ou du makossa, du coupé-décalé, certains se sont compromis, d’autres ont jeté l’éponge, la situation est restée toujours la même. Tant que les rappeurs ne comprendront pas qu’on ne peut pas se développer, sortir de l’under-ground, émerger sans avoir payé le prix, ils resteront toujours des vaches à lait, et des rats d’églises. Tant qu’ils ne sauront pas que c’est l’argent qui appelle l’argent, et qu’il n’ya pas de respect pour celui qui a faim, tant qu’ils ne sauront pas qu’il faut au préalable battre la boue pour in fine avoir de l’or. Alors ils vont toujours se plaindre de ce que les autres se délectent dans le hip hop, ils continueront à publier sur facebook leurs frustrations, et à se noyer dans leur aigreur. Au lieu de signer des chèques, ils passeront leur temps à signer des lettres ouvertes.

« Dans les révolutions, il y’a deux sortes de gens : ceux qui la font et ceux qui en profitent » Napoléon Ier

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