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EBENE : ton slam était mieux avant

C’est dans une chaine étrangère que j’ai vu pour la première fois un slammeur camerounais faire autant de buzz, et se sentir si à l’aise dans son art. J’ai kiffé le vidéogramme, et je profite pour passer un slammalekum à William Snai pour le boulot. Je suis surtout tomber sous le charme de la diction d’Ebène, la manière avec laquelle il alignait avec une facilité artistique les vers, les rythmes, les sonorités, les images, les figures de styles alléchantes et souvent des mesures hermétiques demandant plusieurs écoutes pour appréhender ou cerner le sens profond de sa pensée. C’était du grand art, il a vraiment défrayé la chronique, puisque c’était du jamais vu au Cameroun. Avec lui on n’a pas hésité à qualifier son art de slam, comme ça été le cas avec le gars du « si tu vois ma go ».

Lors de son concert géant à CCF de Yaoundé l’an dernier, j’étais de passage là-bas, le gars était en train de répéter sa playlist, accompagné de ses chorégraphes et de Prosby qui jouait le figurant avec sa voix d’hirondelle. J’étais assis tranquille dans la salle, j’ai écouté tous les titres de cet album, en live et en acoustique et j’étais en extase, je m’emportais, c’était un réel voyage, où tu ne voyais pas le temps passer. Cet album comme tout véritable chef d’œuvre était une géante fenêtre où tout le monde pouvait s’y évader. C’est dire qu’en tant que premier album slam de l’Afrique centrale, et forcément le plus agréable, Ebène a marqué ce mouvement au fer rouge et sa trace est devenue depuis lors inaltérable. Toutes les récompenses qu’il a reçues avec cette œuvre viennent corroborer mon assertion.

Mais il y’a quelques mois de cela, j’ai ouï dire qu’Ebène présentait son second album slam au public, qui est déjà averti de ce qu’il est capable de faire. J’étais fier de me voir encore une fois de plus plonger dans de la poésie qui me rappelle les grands poètes qui m’ont bercés dans mon adolescence. Mais j’étais aussi déçu, car je n’ai été prévenu de rien, aucun clip, aucun tube… rien qui annonçait l’arrivée de cet album. Mais je n’ai pas pu m’exprimer aussi publiquement comme Taphis. Je l’ai donc suivi dans un concert dernièrement, il a passé 3 à 4 titres de son nouvel album, mais à vrai dire je n’ai pas retrouvé Ebène le poète d’antan. C’était tout, de la bonne musique, sauf du slam, sauf de la poèsie. J’étais fier parce qu’il m’a fait danser sur du bon ben skin venu de chez moi, mais j’ai cherché le slam jusqu’au dernier vers de ses pistes, je n’ai vu que de la déviance et du gâchis.

Ceci vient encore confirmer pour une énième fois la théorie de Nick B, selon laquelle « le deuxième essai n’était pas le bon ». Les artistes au Cameroun ont pris la mauvaise habitude de ne pas faire le même plat deux fois avec la même saveur, le second manque toujours de sel, de condiments et d’attirance. Et nous amène, malgré nous à cracher dans la soupe tout en oubliant que le premier plat que nous avons consommé était bien fait. Ici pour parodier Médine, on se souvient plus du second que du premier.

Je ne sais pas ce qui explique ce retournement de veste, mais je pense qu’Ebène par cette nouvelle sortie a un peu trahie ce grand art qu’il a longtemps servi. Le pire c’est que tous les jeunes camerounais qui ont découvert le slam par lui, qui y ont plongé, qui l’ont pris pour modèle, qu’il a formé, ne se retrouveront plus eux-mêmes dans leur maitre. Il se détache ainsi des règles du slam qu’il a longtemps prodigué à ces jeunes, et qu’il a lui-même jadis incarné.

Selon les règles absolues de la littérature, le roman est fait pour être lu, le théâtre pour être joué et la poésie pour être chanté, et c’est le slam qui a, en plus du rap, cette mission historique, que le slammeur doit remplir et non trahir comme Ebène vient de le faire.

Pour moi, le slam d’Ebène était mieux avant, et je lui demande aussi s’il ne pense pas la même chose que moi, quand il s’écoute chanter dans son second album ? Il a ouvert une route, frayé un chemin, posé les fondements du slam au Cameroun, mais en plein chemin, il est en train de se défaire de cette noble tâche. S’il est vrai qu’Ebène s’est perverti dans l’art, je souhaite qu’il se reconvertisse de nouveau, et nous serve encore ses plats les plus appétissants pleins de couleurs, de saveurs et de délices. Nous avons soif du bon slam, nous avons marre de nous référer à Grand Corps Malade quand on veut parler de slam. Alors Ebène ne nous prive pas de ça, tu peux le faire, fais-le !!!

« Dans la vie, certaines circonstances nous délient de nos engagements » Joseph Ngoué

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