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Elyon’s : « La Bande dessinée africaine a encore du chemin à parcourir… »

Œuvre de la dessinatrice camerounaise Elyon’s, " La Vie d’Ebène Duta" est de plus en plus prisée. D’un tracé fin et vif, les esquisses de cette trentenaire douée sont aussi caustiques qu’emplis de sens.
Fidèle à son œuvre savamment empreinte de gravité et humour, Elyon’s nous édifie à propos.

Conceptrice de " La Vie d’Ebène Duta", blog de bande dessinée apprécié des internautes, présentez-nous succinctement cette œuvre.

Blog illustré d’expériences réelles en partie, il y est relaté le quotidien de la vie ordinaire d’une jeune fille résidant hors de son pays d’origine. Ses joies, ses peines, ses coups de cœurs, ses surprises aussi et même parfois, ses émerveillements.  J’y transcris au fur et à mesure les épisodes de vie marquants et ponctuels dits " Minisodes" qui se présentent à mon entourage ou à moi. Lesquels minisodes plus ou moins pittoresques sont ensuite soumis en fonction de leur sensibilité propre, à l’interprétation des lecteurs.

Qu’est-ce qui est à l’origine de la création de ce visuel qui inclut distincts personnages et quel en est le public ciblé ?
Les histoires contenues sont assez souvent inspirées de mes expériences, de mes désillusions(Rires), de mes voyages et de mes rencontres aussi. Dieu n’a t-il pas créé le monde à son image ?
Et de mon entourage aussi bien professionnel qu’autre, bien entendu. Concernant le public ciblé, " La vie d’Ebène Duta" englobe en premier lieu ceux qui envisagent de quitter leur pays d’origine illusionnés par le crédo selon lequel l’herbe est plus verte ailleurs et que leur avenir ne peut que se trouver en ces contrées outre-Atlantique lointaines. Public qui inclut également ceux qui songent à retourner dans leur pays. Du fait qu’ils ont intégré après quelques mésaventures qu’en définitive, l’herbe de la maison n’est peut-être pas aussi noirâtre que cela. Mais globalement la cible est plus exhaustive et porte sur plusieurs types de public. Ce, sans distinction de couleur de peau et encore moins, de situation géographique.

 " La Vie d’Ebène Duta" comporte-t-elle une thématique principale ? Et quels en sont les personnages centraux ?

La thématique repose sur le quotidien d’une « Etudiante » qui poursuit des études dont elle fait assez peu allusion (Rires), hors de son pays d’origine.  Ebène Duta, longiligne jeune fille, volontaire mais peu téméraire est le personnage central de " La Vie d’Ebène Duta ".  Autour d’elle gravite comme on le constatera le long des péripéties contenues dans ce blog-bande dessinée, des personnages loufoques ou posés tels que "Lulu", "Claire" sa cousine au caractère explosif parfois ou alors "Camille-Andréa" l’amie hyper-active. Et d’autres qui progressivement feront apparition.  La thématique est identique à celle de la plupart des auteurs de BD en général. L’initiation ou encore la découverte d’un monde différent de celui qu’on connaît. Mais bon, comme on dit, la thématique reste la même.
C’est par contre la façon de développer cette thématique qui fait la différence.

L’élaboration artistique suivie de la mise en œuvre numérique de " La Vie d’Ebène Duta " a-t-elle présenté des difficultés ?  Si oui, lesquelles ?
Aucune difficulté particulière hormis une feuille blanche, un crayon, un scanner et un ordi.
Le plus dur toutefois est d’être habité par une idée qui tienne la route. Une direction claire ainsi que quelques notions artistiques. Mais surtout de s’armer de courage et de patience. Raconter des histoires drôles pour tous et pas que pour soi exclusivement, est un exercice beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît.

Probablement l’une des graphistes et illustratrices camerounaises les plus talentueuses, disposez-vous, Elyons, d’une formation artistique particulière ? Ou alors êtes-vous, autodidacte ? Ce qui n’en serait que plus méritant.
Oulaaaaaaa…Quel compliment ! Je vais rougir ! Je suis persuadée qu’il y a des dessinateurs et dessinatrices au Cameroun et ailleurs en Afrique beaucoup plus talentueuses que moi. Il faut juste les dénicher.  Pour ma part, J’essaie juste de trouver ma place et d’affiner mon style graphique.  J’ai en effet commencé en autodidacte. Puis un jour j’ai entrepris d’intégrer une école d’art pour me perfectionner. J’en suis sortie fortifiée!

Depuis combien d’années exercez-vous ?

Depuis l’âge de neuf ans je m’applique en écrivaine en herbe à mettre sur pied des histoires, contes et autres pour mon entourage ainsi que esquisses et dessins ! Mais j’avoue que j’ai sensiblement progressé depuis le temps (rires).  Plus sérieusement, on peut dire que je dessine dans un contexte professionnel depuis 2006.

Les personnages d’Ebène Duta afro-liègeoise introverie et celui de Claire parisienne dans l’âme exilée malgré elle dans ce qu’elle considère comme un village (Liège est quand même la capitale de la Wallonie), sont-ils des extraits d’expériences réelles survenues ? Aussi bien à votre entourage qu’à vous ? Ou alors s’agit-il à l’inverse, de personnages et d’évènements fictifs ?
La limite entre la fiction et la réalité est très mince et bouge tout le temps dans mon écriture des minisodes. Mes personnages sont comme des éponges. Ils absorbent l’eau autour d’eux, mais ca ne fait pas forcément d’eux de l’eau. Fictifs, pas fictifs ? Telle est la question. Je suis curieuse d’avoir les avis des uns et des autres sur là-dessus.

Effectivement. Quels sont les thèmes abordés dans " La Vie d’Ebène Duta" ? Êtes-vous également l’auteure des dialogues qui accompagnent vos minisodes ?
Je suis la scénariste ainsi que la dessinatrice exclusive de ces minisodes qui somme toute, blog fun, abordent tour à tour les thèmes récurrents du quotidien que sont l’Amitié, l’Amour, le Travail des jeunes, Paris, Liège, la solitude due à la vie à l’étranger, la Famille et autres sujets.

De plus en plus de personnages "secondaires" apparaissent dans " La Vie d’Ebène Duta ". A l’exemple de Camille évoquée plus haut. Dans quelle optique ? Le message que vous escomptez délivrer à travers vos dessins ne risque-t-il pas de subir, de ce fait, des modifications ?
Ces personnages existent en réalité depuis la création d’Ebène. C’est juste que je ne les présente pas tous en même temps. Chacun fait son entrée différée avec son background dans l’optique justement de corser le quotidien d’Ebène qui serait bien triste sans eux je présume. On se lasserait vite si elle était tout le temps toute seule sans suspense, rebondissement ni intrigue, non ?

Votre style graphique est saisissant. Coloris vifs, personnages judicieusement expressifs et des cases-bulles sans traits de contour. Tracé particulier qui justifie en partie le succès croissant que rencontre "La Vie d’Ebène Duta". Installée en Belgique, patrie de Hergé, père de Tintin et nation internationalement célébrée pour son savoir-faire en matière de Bande dessinée, comment expliquez-vous l’inamovible prépondérance belge dans le Monde de l’illustration ?
Heuuuuuu… Joker ? La Belgique est l’un des berceaux de la BD européenne, c’est indéniable. Pour quelle raison est-elle toujours au top ? Je l’ignore. En même temps de nos jours, un véritable brassage identitaire est en train de s’opérer dans ce milieu. Des alliances improbables avant, se nouent entre d’auteurs d’origines opposées qui font des cartons. Français, américains, coréens, japonais, roumains, congolais, camerounais, algériens, etc… Maintenant, est ce que la BD franco-belge sera toujours au top en Europe dans dix ans ? Je serai curieuse de voir ça.

Vous avez il y a peu instauré un système de concours du meilleur "Ndem".  En quoi cela consiste-t-il exactement et comment sélectionnez-vous parmi les multiples synopsis qui vous parviennent, ceux qui donneront lieu à publication ?
Le concours du meilleur ndem repose sur la sélection collective des pires anecdotes vécues par les lecteurs qui postulent à ce " concours hebdomadaire". Il faut donc en exigence, que ces derniers soient drôles sinon ça ne fonctionne pas.  Chaque postulant relate une histoire réelle et ensuite les internautes votent la « pire histoire » qu’ils ont plébiscitée et j’en fais un minisode en mentionnant le nom de l’internaute dont le "ndem" a gagné le concours.  Ça peut aller du « J’étais au cabinet et est survenu un accident » jusqu’à « Je me suis moqué au marché ouvert Château-Rouge de Paris d’un monsieur vêtu d’une chéchia bleue nuit et d’un djellabah dépareillée dans mon patois, sans savoir qu’il avait tout compris ».  Bref, ça va dans tous les sens très souvent.  L’intérêt de ce concours consiste en l’interactivité engendrée. Par le biais de la transcription d’une histoire véridique plébiscitée par les internautes. Laquelle translation écrite met en place un processus commun de création d’un minisode avec la collaboration des lecteurs qui s’extraient du rôle passif dans lequel ils sont généralement confinés. De plus, comme l’intégralité de ces derniers votent, l’éventualité d’impartialité de ma part ou d’influence d’un groupe précis de lecteurs est inexistante. Seule l’anecdote encore dite "Ndem", ayant généré le plus de votes, sera publié.  Ces synopsis qui ne découlent pas de vous cadrent-ils avec la ligne éditoriale du message que vous désirez transmette à vos lecteurs ?  Le concours du ndem demeure malgré tout extrêmement flexible parce que je n’illustre pas à l’identique l’histoire qui est plébiscitée. Je l’adapte afin qu’elle cadre obligatoirement avec le profil psychologique des personnages de " La Vie d’Ebène Duta ".

A quoi ressemble une journée de travail de la créatrice de " La Vie d’Ebène Duta " ? Trentenaire à peine, envisagez-vous de vous consacrer à d’autres thèmes que ceux essentiellement urbains que vous abordez pour le moment et d’être éditée en version Papier ?
Une journée de travail d’Elyon’s…heuuuuuu… Disons qu’il y a des journées riches en idées et très souvent des journées creuses. J’écris beaucoup. J’ai en réserve des dizaines et des dizaines de minisodes déjà écrits. Des esquisses un peu partout. Mais à l’inverse, les illustrer est parfois une vraie torture parce que je cherche en vain la bonne attitude pour le texte correspondant.  L’expression faciale adéquate, etc… requiert de la patience. Par contre, journée laborieuse quand elle est productive. Pour ce qui est de l’édition en version papier, il faudrait un public pour l’acheter. Et pour savoir s’il y a un public potentiel, il faudrait exploser le nombre de « like »/ « j’aime » sur la page
facebook de la vie d’Ebène Duta.  Avoir je ne sais pas…plus de 5000 fans sur facebook par exemple motiverait probablement un éditeur à faire transiter " La Vie d’Ebène Duta " du web au papier.
Par conséquent si vous appréciez le blog-dessiné", cliquez sur « J’aime » sur la page Facebook créée autour et ensuite partagez cette page afin que vos amis l’aiment aussi ! Faites la connaître autant que vous le pouvez.  Cela ça contribuera probablement à en faire un buzz et la version Papier sera dès lors envisageable.

Il existe de nombreux salons et festivals africains de Bande dessinée: Fescarhy (Festival de la Caricature et de l’Humour de Yaoundé), Mboa Bd, ou le salon Africain de Bandes dessinées de Paris.  Sans omettre celui de Kinshasa ou celui d’Angoulême où la présence africaine a été saluée cette année.  Avez-vous déjà pris part à l’un d’entre eux ? Si oui, pouvez-vous nous édifier à propos.
Excepté celui de Kinshasa, j’ai assisté à l’intégralité de ces salons. C’est enrichissant de rencontrer des auteurs de différents univers, diverses origines, des passionnés qui s’investissent personnellement pour hisser la BD dans la « Chaine alimentaire de l’Art ».

Ultime question, Elyon’s, tout en vous exprimant ma gratitude quant à cet entretien fructueux et à l’avatar créé à mon image pour illustrer cette entrevue, comment analysez-vous la Bande dessinée en Afrique ? Et quel rôle peut-elle jouer dans ces pays en proie à difficultés souvent ?

La Bande dessinée africaine a certes encore du chemin à parcourir pour faire entendre sa voix au sein du continent. Mais elle parviendra à s’y imposer et à y jouer un rôle positif plutôt qu’on ne le pense.
Il suffit pour en être conscient, de se rendre aux divers salons des auteurs de bande dessinée africaine et d’assister au Cameroun au Mboa BD festival. Ou même de visiter le stand de Bande Dessinée africaine à Angoulême chaque année pour se rendre compte qu’il se déroule des choses dans ce domaine sur le continent. On le voit notamment avec la BD d’origine ancestrale comme la BD Ekang. En outre, contrairement à certaines civilisations, nous avons hérité de la tradition orale. Ce qui est une excellent base pour mettre sur pied une BD puisque la BD est en quelque sorte, une histoire illustrée.  Les auteurs africains sont de moins en moins timides, moins renfermés sur eux-mêmes, de plus en plus « intervenants » et « compétitifs ». Une énergie positive s’en dégage et je suis ravie de participer à mon niveau à ce que la BD africaine conquiert un public sans cesse, éclectique. Pour le reste, merci Jacqueline, de m’avoir proposé cette entretien tout en espérant avoir donné envie à vos lecteurs et lectrices de lire les minisodes d’Ebène Duta. Lesquels lecteurs et lectrices, je convie sur la page Facebook de « La Vie d’Ebène Duta », à feuilleter le groupe facebook « le blog d’Elyons » ou alors à visiter le site http://elyon-s.over-blog.com.  Et à très bientôt pour des minisodes inédits.

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