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La jeunesse africaine et le discours de Dakar : 5 ans de bruits et de silences

Sénégal, la terre de Senghor, d’Abdou Diouf…mais aussi la terre de Gorée, et des milliers d’esclaves et de tirailleurs déportés vers les Amériques et la France, pendant les 4 siècles d’esclavage, y ajouté le long siècle de la colonisation. Celui qui était venu « parler avec franchise et sincérité », à un continent, qu’il ne connaissait que par l’histoire malencontreusement enseignée, ce continent « meurtri », qui « a sa part de responsabilité dans son propre malheur », siège du sacré monde « dans cet imaginaire où tout recommence toujours, où il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès », qui vit sans cesse dans le regret d’ « un âge d’or », qui ne reviendra pas, « pour la simple raison qu’il n’a jamais existé », de ce « bloc de sables et de cendres » où le « paysan vit encore avec les saisons », aura fait naitre, malgré lui les souvenirs endormis d’un passé obscur, que les africains avaient déjà du mal à oublier. Il a aussi réveillé l’instinct épidermique et réactionnaire  des intellectuels africains, surtout ceux des adeptes de « afrocentrisme » tant africains que non-africains, qui n’ont pas tardé à réagir à ces propos du président français de l’Afrique. Ces réactions ont fait naitre tant de bruits, rendant ainsi ce discours tristement célèbre. Ce discours qu’on a qualifié de manière maladroite « discours de Dakar », n’était rien d’autre que le « discours à la jeunesse africaine ». Les mots jeunes et jeunesse reviennent 55 fois dans ce discours. Ce discours avait une cible plus grande que Dakar, qui est l’Afrique, et une cible particulière qu’est la jeunesse africaine. Malheureusement, ce discours a été récupéré par nos « aïeux », qui ont tellement fait du bruit, si bien que les jeunes africains eux-mêmes sont restés enfermé dans « un silence mortifère ». Comment donc a pu se manifester cette allocution de Sarkozy 5 ans plus tard à Dakar, entre le bruit d’une part et le silence d’autre part ?

–          5 ans de bruit : chez les afrocentristes (africains et non-africains) et les autres.

Achille Mbembé, grand intellectuel africain d’origine camerounaise, grand théoricien de la « post-colonie », enseignant en Afrique du Sud, est reconnu pour avoir été l’un des premiers à ré-agir de manière formelle au « discours à la jeunesse africaine » de Dakar en 2006. Cette réponse s’est manifestée dans l’ouvrage dirigé par Jean Pierre C, intitulé : l’Afrique de Sarkozy, un déni de l’histoire. Karthala, 2008, 203 pages. Où ils qualifient ce discours « d’homélie présidentielle ». Selon Achille Mbembé, « tenir un discours sur l’Afrique n’est jamais allé de soi », et la sortie de Sarkozy n’a pas été une exception à cette règle mais elle l’a toutefois confirmée et de plus belle. Cet ouvrage, rédigé par des historiens de renoms, fait un rappel de ce qui a été le passé de l’Afrique, les thèses mises à jour afin d’invalider l’idée selon laquelle l’Afrique ne serait pas « assez entrée dans l’histoire ».

Plus tard dans la même année, a vu le jour une autre réponse à ce fameux discours, plus coriace et volumineuse, c’est un ouvrage qui a réuni une dizaine d’intellectuels de par le monde, de toutes les origines à l’instar de : Makhily Gassama, Patrice Nganang, Théophile Obenga, Odile Tobner… il a été baptisé : l’Afrique répond à Sarkozy, contre le discours de Dakar, ed Phillipe Rey. 2008.  Il a été question pour ces intellectuels présents dans cet ouvrage, de rappeler à Sarkozy qu’il ignore complétement l’histoire de l’Afrique, il est donc normal pour lui de dire que le « Le défi de l’Afrique, c’est d’entrer davantage dans l’histoire ». Comme l’a dit Demba Moussa Dembélé dans son article « méconnaissance ou provocation délibérée », « si Sarko avait un peu étudié l’histoire du capitalisme, il aurait su que la naissance et le développement de ce processus se sont faits avec le sang, la sueur et les ressources des peuples africains ». Ils ont passé en revue, tout au long de cet ouvrage, l’histoire, la belle de l’Afrique, de tous nos héros assassinés par le colon, ils ont re-présenté l’âge d’or, les royaumes, les réalisations, les pyramides, les inventions, les mythes même…qui feraient de l’Afrique le berceau de l’humanité et de la civilisation. C’était l’occasion pour eux de redonner à l’Afrique sa dignité et de rappeler sa place dans l’histoire, et de refuser l’idée selon laquelle « la race noire n’a encore donné, ne donnera jamais un Einstein, un Stravinsky, un Gershwin » Makhily Gassama.

Rama Yade qui avait milité et battu campagne pour l’élection de sarkozy à la magistrature suprême, n’avait pas envisagé une telle insulte à son égard, envers son père et de tous ses aïeux africains. Elle est sortie de ses gongs et n’a pas pu retenir sa langue lorsqu’un journaliste lui avait demandé ce qu’elle pensait de ce discours. Elle était arrivé à dire sans scrupule que : contrairement à ce qu’avait dit le président, « l’Afrique a été la première à entrer dans l’histoire ».  Ceci sera le creuset où naitra les tensions entre elle et son Président, et nous savons tous où ça a fini à la conduire. Beaucoup d’autres attachés africains de Sarkozy, consterné et sidérés par ce discours ont eux aussi claqué la porte et dit non à un « ami » qui les insulte.

Chez les autres

Donc chez ces intellectuels français et africains, qui ont trouvé quelque chose à retenir dans ce discours, propice pour l’avenir de l’Afrique, et aussi ceux qui défendent et ont totalement défendu ce discours.

Lors d’une interview consacrée à Marianne-en-ligne le vendredi 10 Aout 2007, Gaston Kelman (le seul nègre qui n’aime pas le manioc), et son confrère Benjamin Stora, Kelman rappelait que ce discours a quelque chose d’intéressant dans la mesure où il a voulu tracer les sillons d’une nouvelle relation entre la France et l’Afrique, et dans le fait qu’il a voulu libérer l’Afrique de son passé lourd et rébarbatif, et aussi éloigner les africains de « la victimisation et la successibilité », qui attend les bras croisés les réparations et la repentance. Il trouve aussi intéressant le fait que Sarkozy ai choisi de s’adresser aux jeunes, qui ont besoin d’un nouveau discours, ce qui leur permettra de tourner les yeux vers le futur, vers l’avenir. Mais ce que Kelman a reproché à Sarkozy, c’est le fait de ne pas avoir été cohérent avec lui-même. Il avait dans ses propos liminaires dit n’être pas venu « faire la morale » ou « donner les leçons », mais, il s’est érigé tout au long de son discours à la fois, en professeur d’ethnologie, en consultant international, en stratège, en historien et même en moraliste. Il remarque par la suite que ce discours avait une volonté de se tourner vers l’avenir, mais le discoureur est prisonnier d’un passé qui le rattrape : « héritier d’un passif lourd, fait de culpabilité, de repentance, de paternalisme envers les Africains ». C’est ce qui l’a amené tout au long de son discours à se retarder à « ressasser le passé » de l’Afrique.

De son côté, Julien Mbem, selon les propos recueilli par Etienne de Tayo, l’intellectuel Camerounais a choisi de manifester son point de vue atypique voir même hérétique sur ce discours. Il a donc publié chez l’Harmattan en 2009, Nicolas Sarkozy à Dakar,débats et enjeux autour d’un discours. C’est un ouvrage qui se place à contre-courant de la pensée « afro-centriste ». Pour Julien Mbem, bien que des thèses de ce discours puissent être sujettes à discussion, à contestation (ce qui est la preuve fondamentale du caractère scientifique d’une œuvre selon Popper), l’Afrique a beaucoup à y retenir. Selon lui, la polémique créée par ce discours, alimentée par les intellectuels est à saluer, car dit ’il : « Cette polémique est même salutaire car elle pourrait être le lieu de nécessaires mises au point de part et d’autre » et ces mises au point concernent le débat de l’Afrique sur elle-même, sans complaisance, et surtout d’un dialogue des civilisations, où on doit éviter que « le choc des humeurs remplace la confrontation rationnelle ». C’est pour cela qu’il pense que malgré le fait que Sarkozy avait été assez cru sur la forme, il préfèrerait quelqu’un qui déballe le fond de sa pensée, que celui qui ne se laisserait jamais deviner. Termine t’il en affirmant ceci : « La renaissance africaine ne sera fera pas sans une tradition critique à l’intérieur de l’Afrique qui passera au crible, sans concession, l’histoire de l’Afrique précoloniale ».

Un journaliste Sénégalais, Bara Diouf, un an après ce discours a aussi apporté sa part de ce qu’il pensait concernant cette polémique. Il l’a titré un an après le discours de Dakar sur l’Afrique de Nicolas Sarkozy, Et si Sarkozy avait raison… Voilà comment est-ce qu’il s’interroge, il soupçonne le fait que les intellectuels africains, trop empressé et emporté, auraient manqué d’appréhender comme il le fallait ce discours qui a tout son sens d’exister. Ceci par d’une observation selon laquelle, Abdoulaye Wade avait invité les agriculteurs sénégalais à plus d’ardeur au travail pour que le Sénégal atteigne l’autosuffisance alimentaire, il était question pour lui de moderniser l’agriculture. S’il y’a donc besoin de moderniser ce qu’il y’a constat de la faillite de l’agriculture traditionnelle devant la concurrence étrangère : le "riz de Siam", le "riz du Cambodge", toujours le "riz de Thaïlande". Bara Diouf devant ce triste tableau arrive donc à cette conclusion : « L’opinion africaine dite intellectuelle s’est mobilisée, depuis quelques temps, contre le discours de Dakar du président français Nicolas Sarkozy, considéré, à notre avis, sans raison, de discours raciste, méprisant, humiliant. Et pourtant, il ne faisait que nous rappeler amicalement, sans doute d’une manière brutale et maladroite, qu’il était temps que nous sortions de la préhistoire pour entrer dans l’histoire contemporaine d’un monde qui est faite d’imagination, de techniques, de sciences, au lieu de nous complaire dans la médiocrité actuelle de nos choix. ».

Nous pouvons aussi citer ici le choc qu’il y’a eu entre deux têtes pensantes de l’hexagone, à savoir l’auteur du discours Henri Guaino et l’éclairé Bernard Henri Levy, qui a traité le premier de « sale raciste ». Pour lui, ce discours ne résume en rien la pensée de Sarkozy sur l’Afrique, et que ce serait Guaino qui l’aurait conduit dans ces problèmes.

Pour les grands penseurs de la renaissance africaine, ces chefs d’Etat qui sont arrivé à penser que l’Afrique doit se lever de son berceau, marcher de ses propres pas, et prendre les outils pour bâtir un monde nouveau, n’ont pas tardé à réagir eux aussi à ce discours. Pour Abdoulaye Wade, hôte de la première visite de Sarkozy en Afrique qui a fait naitre ce discours, le Président français, n’avait pas relu son allocution, pour lui, il y’a des choses qu’il pourrait omettre s’il l’avait relu. Mais nous savons tous la position de Wade à ce propos à la lecture de ses publications, comme Un destin pour l’Afrique, ses réalisations comme la « statue de la renaissance africaine »…et de ses propos comme qui dit : « si certain veulent des indemnisations c’est leur droit le plus absolu. Mais pour ma part, je me sentirais injurié si l’on me demandait ne serait-ce que combien il faut me donner pour oublier l’esclavage » donc come Sarkozy, il ne veut pas entendre parler de « repentance ». Tabo Mbeki, a plutôt bien accueilli ce discours, qui est selon lui un appel à la renaissance de l’Afrique. Et comme l’a dit Julien André Mbem, dans le même entretien « Thabo Mbeki est peut-être de ceux qui pensent qu’en 2007, il faut certes rester vigilant sur les questions d’histoire et de mémoire, mais ces questions doivent être articulées autour d’une lecture prospective de l’avenir de l’Afrique. Sa renaissance en dépend. ».

Nous voici donc à Henri Gauino, il était inconcevable que tout le monde de par le monde donne son avis sur ce discours, sans que l’auteur lui-même n’y apporte sa part de vérité. « La plume de Sarko » comme on aimait à l’appeler, Henri Guaino est l’auteur de la plupart des discours et des idées de Sarkozy, aussi bien que le fameux « discours à la jeunesse africaine » à Dakar. Il joue là le véritable rôle de l’intellectuel qui selon Kamto est de « tracer le sillon par le quel doit marcher l’homme politique », parce que « submergé par la tâche comme le torchon de l’eau ». Malheureusement, ce sillon a été mal tracé, mais Guaino ne le pense pas. Il a apporté son point de vue dans un article intitulé : l’homme africain et l’histoire. Publié dans Le Monde, le 26 juillet 2008. Il s’interroge a ces mots : « faut-il avoir une couleur de peau particulière pour avoir le droit de parler des problèmes de l’Afrique sans être accusé de racisme ? », par la suite « Est-ce raciste de dire : "En écoutant Sophocle, l’Afrique a entendu une voix plus familière qu’elle ne l’aurait cru et l’Occident a reconnu dans l’art africain des formes de beauté qui avaient jadis été les siennes et qu’il éprouvait le besoin de ressusciter" ? » pour lui, l’homme africain a une histoire, et tout le monde en a une, faut pas le nier. Il n’oublie pas non plus, que l’Afrique est le berceau de l’humanité, il n’oublie pas les empires du Ghana, du Mali, ni ceux du Bénin et de l’Ethiopie, mais il rappelle que les grands Etats furent l’exception et de ce fait l’Afrique dans l’histoire du monde, qui l’ouvre à l’extérieur n’y ai pas assez entré, il ne faut pas le nier non plus. il termine ne exhortant l’Afrique à relire ce discours avec plus de bonne foi.

–         5 ans de silence chez la jeunesse africaine

L’élite, l’intelligentsia, et les intellectuels africains (ce sont des termes à ne pas du tout confondre, Cf, Njoh Mouellé, Considérations actuelles sur l’Afrique, CLE, Yaoundé, 1983, p 59-72) ont récupéré ce discours, qu’ils ont baptisé de « discours de Dakar », l’ont détourné de sa cible et de son objectif, et en ont fait leur affaire. Le malheur c’est qu’en le faisant ils se sont eux-mêmes égarés et ont oublié ce qu’ils devaient défendre. Ce discours avait un nom, l’auteur lui avait donné un titre, il avait une cible, et avait un objectif. C’était « le discours à la jeunesse africaine », l’auteur l’a dit dans son texte : « Oui, je veux m’adresser à tous les habitants de ce continent meurtri, et, en particulier, aux jeunes ». Gaston Kelman nous le rappelle dans le même entretien avec Marianne: « Nicolas Sarkozy voulait un discours fondateur pour une nouvelle relation avec les pays d’Afrique et une relation tournée vers le futur avec la jeunesse. En voulant ménager les vieux » pour lui ce discours a même été une « demi-réussite auprès des jeunes ». C’est peut-être la raison pour laquelle nos « aïeux » n’ont pas voulu y insister. Pour Julien Andre Mbem, dans l’entretien cité plus haut voilà ce qu’il pense à propos de la cible de ce discours : « Je dis plutôt que ce discours ne s’adresse pas aux seules élites et je ne dis pas qu’elles se sentent visées à tort ». On pourrait même arriver à le dire que l’élite africaine s’est sentie visée à tort, dans la mesure où elle a pris la parole pour ne parler qu’en son nom seule. Henri Guaino l’ « auteur » de ce discours, dans l’article que nous avons présenté affirme : « Ce discours ne s’adressait pas aux élites installées, aux notables de l’Afrique. Mais à sa jeunesse qui s’apprête à féconder l’avoir voilà en quelques sortes les preuves péremptoire que les intellectuels africains, ont menés la jeunesse africaine depuis ces 5 dernières années en bateau.

Les raison du silence des jeunes face à ce discours

C’est ce qui peut en substance, traduire et justifier le silence des jeunes après ce fameux discours qui lui a été adressé. Parce que les intellectuels africains l’ont récupéré, et ils n’ont parlé qu’en leur nom, démontrant ainsi leur capacité dans la maitrise de l’histoire africaine, histoire qu’ils sont eux-mêmes allé chercher et découvrir ailleurs qu’eux chez eux. Ils se sont empressé de prendre la parole, de répondre. Mais ils ont mal répondu, sans tenir compte de la leçon que la jeunesse devait y tirer. Ils ont mal répondu parce qu’ils n’ont fait que perpétrer « le piège de l’occident », de n’apporter comme idées que la justification d’un passé, qui ferait de nous les premiers hommes au lieu de réfléchir sur les « considérations actuelles sur l’Afrique », et aussi de s’engouffrer une fois de plus dans ce que Jean Paul Poulaga a appelé « les erreurs de nos prédécesseurs ». Car ce n’est que demeurer dans un atavisme et un dilettantisme béat, que de se vanter d’avoir construit les pyramides depuis 4 millénaires, si pour construire une salle de classe au Sahel on quémande les financements à l’extérieur. Ces intellectuels africains oublient que l’histoire de l’Afrique qu’ils se vantent de connaitre, ils l’ont appris dans les « géoles » du blanc. Ils en veulent au blanc d’avoir tué les frères, mais n’en veulent pas aux Noirs d’avoir tué leurs propres frères : Malcom X, Sankara, Um Nyobé… les porteurs d’une civilisation nouvelle. Fanon l’avait pré-dit : « la nouvelle guerre en Afrique serait celle du colonisé contre lui-même ». Et les intellectuels refusent d’y croire. Ils refusent de croire comme Théophile Obenga que « si on avait fait mieux, l’autre ne nous aurait pas retiré son respect. ». Pour lui ces bruits et ces silences tant chez les intellectuels que chez les jeunes viennent de « l’abandon de la jeunesse, l’abandon des bibliothèques, de l’esprit critique, des politiques des grands problèmes culturels africains ». in L’Afrique répond à Sarkozy, Page 352.

Si la jeunesse n’a rien dit à propos, c’est parce que les intellectuels africains, lui ont fermé la bouche, comme c’est le cas dans nos familles, où les jeunes n’ont toujours pas un espace pour prendre la parole, quand les ainés parlent. On a toujours parlé à leurs places, réfléchi à leurs places et même allé jusqu’à agir à leurs places. Comme le rappelle Patrice Nganang à la page 306 de l’Afrique répond à sarkozy, : on parle à la place des jeunes comme si « les jeunes ne savaient pas ou n’avaient pas les armes pour se défendre ». Le malheur c’est que ces parents ne font pas toujours ce que les jeunes pensent et veulent. Et dans ce sas avec ces différentes réactions à ce discours, l’élite africaine, n’a parlé que dans un langage hermétique, loin du langage facile des jeunes non scolarisé de nos nations (parce que manque d’écoles de d’argent). Ceci n’est qu’une attitude propre à ceux qui veulent mourir avec leurs idées en prétendant les transmettre.

Les raisons du silence de la jeunesse africaine a ce discours, sont aussi le fait que le débat crée tout autour était un débat intellectuel, qui suscitait de la réflexion, de l’analyse. Malheureusement c’était un discours que les jeunes n’avaient pas ni lu, ni vu, ni entendu… ce qui est encore le cas aujourd’hui. La preuve c’est que tous les jeunes d’Afrique ont manifesté leur joie quand ils ont appris que Sarkozy avait été déchu de son poste de Président de la république, par un candidat qu’ils ne connaissaient même pas. Voilà ce qui intéresse un peu nos jeunes, ce qui a trait au spectacle, moins ce qui touche à l’intellect. Mais comme l’a remarqué Patrice Nganang, dans Lettre au Banjamin, In L’Afrique répond à Sarkozy, cette indifférence, ce silence de la jeunesse africaine face à ce discours est la plus grande des réponses. C’est dire que c’était un discours sans importance, truffé d’amalgames, d’hypocrisies et de « non-sens ».

Ce silence s’est manifesté à plusieurs niveau, d’abord la quasi-totalité des jeunes africains n’ont pas nouvelle de ce discours, comme celui de Peter Botha, comme celui de Brazaville, comme celui de la Baule…la jeunesse africaine face aux grands problèmes qui l’incombe, manifeste un désintéressement qui frise la paresse et la médiocrité. C’est dire qu’avec de tels comportements, la renaissance africaine reste un vœu pieux, puisque seule et la jeunesse seule peut le réaliser. Et si elle ne pense ni n’agit, si elle reste les bras croisés, avec quels outils bâtira t’elle ce monde nouveau ? ».il s’est aussi manifesté chez tous les jeunes de toutes les catégories, étudiants, chercheurs, cadres, élèves, débrouillards…les mêmes qui ont fait du bruit lors des élections dernier en France

Je pense aussi que si les jeunes sont de nature calme et silencieuse devant les différentes situations en Afrique, c’est parce qu’on les a accoutumés ainsi. Et ceci depuis la « post-colonie », et aussi parce qu’on n’a jamais exercé les jeunes à la prise de la parole, des initiatives, de la construction de soi et de la responsabilité. Et même quand il arrive que les jeunes agissent c’est toujours pour le compte des autres, jamais ils n’agissent pour eux même et par eux-mêmes. Achille Mbembé le rappelle : « la mise sur pied des mécanismes qui doivent permettre aux jeunes de se prendre en charge, de s’instruire et de s’épanouir, devient, de la part de l’Etat, un geste magnanime pour lequel on lui doit en retour reconnaissance et obéissance », ceci se traduisant par le silence qui est selon lui « l’unique parole légitime ». in les jeunes et l’ordre politique en Afrique Noire, L’Harmattan, 1985, page 18.

Les intellectuels africains ont débattu sur tout, sauf sur la place de la jeunesse dans le monde moderne. Ils n’ont pas traité de la question de « la déchirure », de l’aporie devant laquelle se trouve la jeunesse africaine, rester ou partir, la tradition ou la modernité, que faire devant ces deux héritages, ces deux sagesses, ces deux cultures ? Ils oublient que ce n’est plus un discours qui sied à la jeunesse d’aujourd’hui, « le discours kamito-sémite », il faut arriver à le dépasser, car les impératifs du progrès nous l’imposent, même s’il faudrait opérer un dépassement dans le sens hégélien du terme, dépassement qui suppose la conservation de ce qui va être dépassé, mais il faut y arriver. Ils oublient aussi que les jeunes pensent comme Molière dans Le malade imaginaire que : « les anciens, monsieur sont les anciens et nous sommes les gens de maintenant », les « gens de maintenant » avec des « problèmes de maintenant ». Ces intellectuels semblent n’avoir pas compris m’œuvre de Cheik Anta diop, jamais ce maitre de la pensée n’envisageait un retour dans la culture africaine pour le simple fait de le contempler pour y rester. Il était nécessaire de le présenter pour voir ce que nous avons fait et ce qui nous reste à faire, ce qui reste à faire à la jeunesse africaine. Comme l’a dit Zola dans sa lettre à la jeunesse : « jeunesse je t’en supplie pense à la grande besogne qui t’attend », c’est à ça que tend toute la pensée de Cheik Anta, à la renaissance africaine, voilà le grande besogne qui attend la jeunesse africaine et que Sarkozy a relevé dans son discours, et que les intellectuels ont voulu nous le cacher. La jeunesse africaine doit comprendre son passé afin de se construire « un avenir singulier qui ne ressemblera à aucun autre, où vous vous sentirez enfin libres, libres, jeunes d’Afrique d’être vous-mêmes, libres de décider par vous-mêmes. ».

Sarkozy a donné beaucoup de leçon à l’Afrique et à la jeunesse africaine, bien qu’il avait dit qu’il n’était pas venu donner les leçons, ni faire la morale, les jeunes doivent donc passer ce discours au tri, au crible de la raison ou à ce que Weber a appelé « l’idéal-type », et y retenir ce qu’il faut et rejeter ce qu’il faut. L’erreur ultime serait de tout balayer d’un revers de la main, et de ne voir dans ce discours et dans les autres que ce que les autres veulent qu’on y voit. Comme l’a dit Jean Marc Ela dans Cheik Anta Diop ou l’honneur de penser, il faut pour les jeunes d’aujourd’hui « accepter le meurtre du père, et rompre avec le mimétisme pour créer », elle doit agir et non réagir, car comme l’a rappelé Théophile Obenga « il n’y a pas de civilisation sans devoir ni responsabilité », et à sa suite et à celle de l’autre, la grande leçon que les jeunes devraient retenir, et qui n’est pas des moindres, c’est cette leçon que nos « prédécesseurs » n’ont pas retenu. Elle vient du grand maitre Cheik Anta Diop qui disait : « l’Africain qui nous aura compris, est celui qui, après la lecture de nos ouvrages, aura senti naitre en lui un autre homme, animé d’une conscience historique, un vrai créateur, un Prométhée, porteur d’une nouvelle civilisation ». in Civilisation ou barbarie.

TATLA MBETBO Félix, dans la capitale, Juillet 2008.

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