En ma qualité d’étudiant en sciences sociales, de membre de l’ACDIS (association jeune qui prône la lecture la culture et la citoyenneté aussi bien que la lutte contre toutes formes de discriminations), et surtout, en tant que passionné de politique, j’ai éprouvé le devoir de répondre à ce que je trouve ridicule tant le contenu me parait léger, rétrograde, sans fondement. Tout d’abord, dans le premier paragraphe ce texte, il est dit : «C’est en ces quelques phrases que se résume l’essence de ce que j’appellerai le problème Bamiléké au Cameroun ». Ceci me semble être un ensemble d’affirmations sans fondement et contraire à l’esprit de la démocratie. En effet, les bamilékés y sont présentés comme « tribalistes et conservateurs » or, de nature, la majorité des hommes sont conservateurs. C’est ce que Thomas Hobbes* appelle « instinct de conservation » et dans l’esprit de son auteur, cet instinct ne s’applique pas seulement à un groupe, une ethnie, une société mais à l’humanité toute entière.
Pour ce qui est du tribalisme, il ne s’agit pas seulement d’un problème bamiléké. De nombreux camerounais le sont que ce soit au nord, au centre-sud, ou a l’est. Pour moi, si la société camerounaise trouve en son sein des marques de tribalisme, cela veut dire que l’Etat a échoué, il a failli. De nos jours, le tribalisme persiste dans certaines mentalités rétrogrades et ceci parce que depuis 50ans le Cameroun a plus voulu s’affirmer comme un Etat et non comme une Nation. Certes nous avons des individus qui se localisent au sein d’un même territoire, qui partagent l’anglais et le français comme langues, qui ont relativement des histoires communes, seulement, il semblerait que les autorités de ce territoire n’ont pas réussi à les faire vivre ensemble, leur faire partager une histoire commune solide, et fédérer leurs énergies pour l’édification d’une Nation forte. Pour ce qui est de leur tendance à « faire les affaires entre eux » il s’agit là de simples affirmations gratuites.
De nombreux camerounais aujourd’hui, se trouvent dans le monde de l’emploi grâce à des opérateurs économiques et des sociétés florissantes qui ont comme patrons des bamiléké. On peut citer Le groupe Fotso, Akwa Palace, Canal 2, Queen Fish, Fokou, Afriland First Bank, Tabo express et bien d’autres. Il en est de même pour de nombreux opérateurs économiques qui ont fait fortune grâce à des partenariats décomplexés avec certains de ces leaders de l’économie camerounaise. Pour ce qui est de leur prétendue volonté de prendre le pouvoir et de le conserver, ce texte semble ignorer que le Cameroun est un Etat de droit, démocratique et libre. Ceci implique que dans sa norme suprême ou constitution, sont inscrites les conditions d’éligibilité au poste de président de la République. Selon ces conditions, il faut être camerounais, avoir un certain âge, jouir de toutes ses facultés mentales, être investi par une formation politique, et se munir d’une caution. Sur cette base s’il est admis que les bamiléké sont des camerounais à part entière, on ne comprend pas pourquoi certains trouvent cela surprenant qu’un individu occupe ce poste si son profil est conforme aux dispositions de la constitution et son programme politique est validé par les électeurs au cours d’un suffrage universel. De plus, il convient de rappeler que le but de tout groupe ou formation politique est soit de parvenir au pouvoir, soit de le conserver. Alors, si des individus ont cette ambition pourquoi devraient –ils y renoncer ? A cause de leurs origines tribales ? Je ne pense pas et cela est même contraire à la charte universelle des droits de l’Homme, à la charte africaine des droits, des libertés et des peuples, aux conventions internationales, à la constitution, à la démocratie.
En ce qui concerne l’histoire vécue par l’ami de l’auteur, ma vision sera celle d’un étudiant en sciences sociales. Je pense à ce qu’Emile Durkheim appelle « solidarité ». De manière générale, c’est un sentiment qui pousse les Hommes à s’accorder une aide mutuelle. Seulement, pour l’auteur de De la division du travail social il convient d’en distinguer deux types qui permettent d’évaluer l’évolution de la société. Quand ce sentiment a pour fondement le clan, la tribu, le village, l’ethnie, il s’agit de « solidarité mécanique » qui se retrouve dans les sociétés dites de “similitude”. Mais quand ce sentiment a pour fondement l’intérêt général, peu importe l’appartenance, elle est dite « organique » et se retrouve dans les sociétés dites ‘’civilisées’’.
Ces clarifications étant faites, nous pouvons revenir à notre texte initial et plus précisément à la partie qui raconte l’anecdote de ce chef d’entreprise et ce jeune étudiant, au sujet de cette offre d’emploi dont le critère de base serait l’appartenance à l’ethnie bamiléké. Si ces faits s’avèrent être exactes, il s’agit là d’un cas avéré de tribalisme et ceci constitue un obstacle non seulement à l’édification d’une Nation mais aussi à l’émergence de notre pays le Cameroun. Toute fois, on semble oublier que ce problème est visible dans de nombreuses autres sociétés africaines. Il ne s’agit pas non plus d’une compétition pour savoir quelle est la plus tribaliste des tribus du Cameroun parce que pendant que nous perdons notre temps dans ces classements inutiles, dans de nombreux villages, quartiers et villes, des camerounais se battent chaque jour pour trouver des solutions à des préoccupations plus importantes comme l’éducation des jeunes, l’autonomisation de la femme rurale, la lutte contre le chômage et la misère, l’engagement des jeunes, la construction d’une conscience civique, la lutte contre la malnutrition, la mortalité infantile et l’aménagement des points d’eau potable en zones reculées.
La question, à mon humble avis est celle de savoir ce que nous pouvons faire pour régler ces problèmes? Et en s’inspirant de la pensée du ‘’père de la sociologie’’,Emile Durkheim puisqu’il s’agit de lui, au lieu d’accuser un groupe ethnique et de l’insulter avec des surnoms comme ‘’cafards’’, ‘’bosniaques’’, ‘’explorateurs’’, ‘’envahisseurs’’ , il faudrait plutôt chercher à construire un type de solidarité organique qui, en dépassant les frontières des cultures, des tribus, des ethnies, regrouperait l’ensemble des forces de la Nation. En d’autres termes, une forme de solidarité et d’unité malgré les différenciations. C’est ce qu’il tente d’exprimer en disant « elle crée entre les Hommes tout un système de droits et devoirs qui les lient les uns aux autres d’une manière durable »
Pour leur « occupation du territoire » , des recherches gagneraient à être menées à travers des documents qui traitent de l’histoire du Cameroun de manière générale et de ces régions en particulier. Certains comprendraient alors de manière rationnelle, culturelle, administrative et symbolique pourquoi on retrouve des bamiléké dans certaines zones géographiques sans que ce phénomène ne soit qualifié « d’invasion ».
Afin que ceux qui ont parcouru ce pamphlet, dont le sérieux reste à prouver, ne considèrent pas la présence de ces citoyens camerounais à part entière comme une invasion mais plutôt comme un phénomène normal qui n’est que la matérialisation d’un Etat de paix, libre et démocratique dans lequel « chaque camerounais doit se sentir partout chez lui» pour reprendre une très célèbre formule de Mr Paul Biya .
Sur le plan purement rationnel, les populations de l’ouest sont des passionnés d’agriculture. Le département du Moungo étant très fertile en raison de l’existence du Mont Manengouba on les retrouve très nombreuses dans cette zone pour y développer leurs plantations et nourrir les populations des quatre coins du pays. Pour des raisons culturelles, il convient de rappeler que le littoral et l’ouest ont comme trait d’union le département du Moungo. Ce qui fait en sorte que le Moungo soit une zone de brassage culturel tant pour les populations du littoral que pour celles de l’ouest, les bamiléké vivant à Nkongsamba de manière paisible. S’agissant des villes de Douala et de Yaoundé, il faut rappeler qu’il s’agit là des villes essentielles, des grandes agglomérations urbaines et des capitales économique (Douala) et politique (Yaoundé).
C’est ce que précise le Pr Jean-Emmanuel Pondi en déclarant : « elle est après Douala, la seconde ville de cet Etat d’ Afrique Centrale » Ce statut justifie donc l’idée selon laquelle ces deux villes, tout au long de leur histoire aient été attrayantes pour de nombreux camerounais que se soit pour des exigences économiques, que pour des besoins administratifs et même pour des nécessités politiques. Il est donc normal que parmi les habitants de ces villes, se trouvent des bamilékés, il s’agit simplement de camerounais qui cherchent à améliorer leurs conditions de vie en partant volontairement de leurs villages pour des horizons plus favorables comme le font d’autres.
Concernant le sobriquet « nkwa » , il date de l’ère de nos ascendants et on le retrouve dans nos différents dialectes et patois. A titre illustratif, en ewondo, ma langue maternelle nous avons des mots péjoratifs comme ‘’belobelobo’’, ‘’mvele’’, ‘’nguelafis’’, que nous tenons de nos parents et qui veulent simplement dire ‘’étrangers’’. Malgré la volonté qui est la mienne de répondre à toutes les allégations contenues dans ce recueil d’anecdotes de bas étages, il me semble préférable de m’arrêter à ce niveau et de conclure ce droit de réponse en citant le professeur Maurice Kamto : « il n’y a pas d’ethnie génétiquement tarée ou mauvaise, ni d’ethnie congénitalement parfaite et bonne. Il n’y a que des individus crapules ou honnêtes, paresseux ou travailleurs ». nous pensons que Monseigneur ne va pas nous contredire la dessus, lui qui pense que les bamiléké envahissent non seulement le secteur économique, même le secteur académique au Cameroun.
By AMUGU GUY MICHEL, Secrétaire Général à l’ACDIS (Association pour la Conservation et la Diffusion du Savoir)
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