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Vakoté Yama: «Au Cameroun, les autorités ne prennent pas les artistes au sérieux »

Vakoté Yama, peux-tu relater en quelques lignes ton parcours artistique à nos internautes?

J’ai toujours aimé la musique et j’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont donné leur bénédiction dans mon choix. J’ai commencé à chanter dès le bas âge dans les chorales. En 1990 mon premier groupe est né, créé avec mes copains du collège. Quoique nous ayons un bon répertoire, nos propres compositions, nous n’avons pas eu l’opportunité de  nous faire connaitre. J’ai eu la chance de faire en 1995/96 une année dans une école de musique à Oslo en Norvège dans le cadre d’un projet d’échange. Ce séjour m’a permis de travailler avec des professionnels, de maitriser la scène et de faire la connaissance du milieu musical d’Oslo. Je m’y suis installé quelques années plus tard et après un début pas facile, j’ai pu mettre sur pied en 2003 le Bigola band, groupe avec lequel j’ai évolué pendant plusieurs années en alternance avec le Sidiki Band où j’évoluais aussi. Nous avons travaillé dur, fait des tournées, offert de grands spectacles. Cette collaboration a abouti à la réalisation de l’album « Samira » en 2007, produit sous le label « Crystal Air music », suivi par « Finu » en 2013. Le voyage continue et le prochain album ne tardera pas à venir. Il ne prendra pas autant de temps que le deuxième.

Après l’album « Samira » en 2007, tu viens de commettre ton second album « Finu ». Quelle est l’idée directrice de ce second album?

 L’idée directrice de l’Album est le réveil. Le réveil identitaire, avec la réhabilitation de nos coutumes, de notre organisation sociale, de nos valeurs telles que l’hospitalité, la solidarité et la confiance en soi. Le réveil culturel car nous devons nous affirmer culturellement, mettre en valeur et sauvegarder notre culture si riche et si variée. Au Cameroun, on a l’impression que la culture est un laissé-pour-compte en comparaison avec certains pays Africains. Le réveil des consciences vis-à-vis des injustices dont nos paysans sont victimes sur les marchés internationaux, vis-à-vis de la gestion de nos ressources naturelles abondantes qui ne profitent qu’aux multinationales et aux Occidentaux. Le réveil dans tous ses sens car nous avons une main d’œuvre bien qualifiée dans tous les secteurs, des ressources naturelles en abondance, des terres fertiles, des sites touristiques parmi les plus beaux de la planète, bref tout pour émerger. Malgré tout ca nous restons à la traîne. Réveillons nous.

Et quelles sont les principales thématiques abordées dans l’album ?

Dans cet album je parle des scènes de la vie quotidienne, l’amour, l’hospitalité Africaine, la compassion, l’injustice, l’immigration et à la prise de conscience tant face  à notre culture et nos valeurs qu’à la gestion de nos ressources naturelles.

Mais qu’est ce qui différencie  cet album du premier?

Les thématiques de l’album précédent sont  presque identiques à celles de cet album. La différence se trouve peut-être au niveau du son et de l’instrumentation. Il ya plus de rythmes et de séquences, un peu plus de couleur et d’expérimentation du folklore. Les oreilles neutres sont peut-être mieux placées pour juger l’innovation ou les manquements de cet album. Vous savez dans ce métier on est en constant apprentissage, plus on travaille plus on sait ce qu’on veut, on a confiance en son inspiration et on s’améliore. Les deux premiers albums servent de point d’appui pour la réalisation du troisième qui est déjà en cours.

Comment s’est déroulée la réalisation de cet album qui a connu presque 04 années de gestation?

L’enregistrement de « Finu » a commencé en Avril 2009 au Bigola studio à Maroua où j’ai travaillé avec les jeunes musiciens de la région soit Djoulo Alexandre, Aoudou Zalazoulou, Daouda Ja’e, Samy Ebongue, Tandap Willy, Désiré Volcan, Karianne Christensen (chanteuse norvégienne en visite), Jon Einar Hagen (guitariste norvégien en visite)

Le travail a continué au Bigola studio d’Oslo en Norvège avec le guitariste Jon Einar Hagen qui a complété ses prises de Maroua, l’artiste malien Sidiki Camara qui a fait les percussions et supervisait les travaux sur place. Il supervise actuellement la réalisation des clips, la chanteuse norvégienne de Jazz Ingunn Grude avec qui j’ai fait le duo sur Finu, les chanteurs Theodore Bello, Kodji Thomas, Temwa J.C.

Nous avons ensuite continué le travail à Lyon en France au studio « Chris records » où le bassiste Eric Christian Dalle a refait les guitares basses et procédé à quelques ajouts et où Lola Love, D’ikebel, Nlom Pierre, Dorette Medjo, Tii Viviane et Valerie Biloo ont renforcé les chœurs. Le mixage final a été fait dans le même studio et le mastering, au studio de mastering Eyemat toujours à Lyon par Mathieu Monno, en décembre 2013.

Quel rapport entretien tu avec les artistes musiciens du Grand Nord Cameroun restés au pays et à quand un concert au Cameroun ?

J‘ai des bons rapports avec les artistes sahéliens restés au pays, du moins ceux que je connais. Cette région du pays a produit d’excellents musiciens. Christian Mousset, créateur du festival des musiques métisses d’Angoulême disait: «Isnebo, chanteur Camerounais, est au même titre que Youssou N’dour l’une des meilleures voix du continent Africain». Ce n’est pas le talent qui manque aux artistes sahéliens ou camerounais mais plutôt les infrastructures, l’encadrement nécessaire. Les autorités ne les prennent pas au sérieux. Nos villes n’ont pas de centres culturels, aucun espace public équipé où les jeunes artistes puissent s’exprimer. Rien n’est fait pour combattre la piraterie. Imaginez que devant les portes du ministère de la culture les gens vendent des CD piratés sans être inquiétés. Les artistes sont obligés de faire le travail de la police mettant leur propre vie en danger. C’est une honte. Une autre preuve du manque de sérieux des dirigeants vis-à-vis des artistes c’est le chaos qui règne au sein la gestion du droit d’auteur de l’art musical. Combien d’années les artistes ont ils passés sans savoir à quel saint se vouer? On a finalement l’impression que cette situation arrange les autorités. Sinon, qu’est-ce qui explique cette négligence? Malgré toutes les difficultés, les artistes ne baissent pas les bras, ils sont confiants et continuent à produire. C’est vraiment encourageant. Je profite pour donner un coup de chapeau aux instituts français et leurs responsables qui abattent un travail énorme pour l’épanouissement de la jeunesse. Je n’ai pas encore de dates fixes mais je planifie quelques concerts au Cameroun au courant de cette année.

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