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Portrait : Nkodo Si-Tony, l’icône du Bikutsi s’est éteint

C’est une Triste fin d’année pour la musique camerounaise. En effet, l’artiste Nkodo Si-tony (62 ans) n’est plus. L’un des portes étendards de la musique Bikutsi est mort mardi 21 décembre 2021 au centre des urgences de Yaoundé.

Nkodo Si-Tony, de son vrai nom Nkodo Si Tobi François, est né le 25 août 1959 à New-Bell, un quartier populeux de la capitale économique du Cameroun (Douala). Aîné de trois garçons et quatre filles, Nkodo Si Tony grandit sous le toit d’un père arbitre de football qui travaille aussi à l’ONCPB (Office National de Commercialisation des Produits de Base) à Douala et d’une mère au foyer. Écolier à Saint Jean Bosco, le jeune Si Tony peine à rendre les devoirs ou à réciter ses leçons. Il montre plutôt une grande addiction à l’école buissonnière et se retrouve à aller voir les artistes du groupe « Black Style » chanter aux heures où ses maîtres l’attendent.

De fait, Les prestations d’Emmanuel Guysso à la guitare l’envoûtent. Il l’initie à cet instrument. Le Makossa l’attire, il est son jeune prisonnier. Quand il rentre en congé au village natal il s’initie aux balafons et aux tambours. En 1977, son père l’envoi lui encaisser un chèque, Nkodo Si Tony empoche la provision et se précipite vers le Nigéria. Le fugitif s’y terre pendant deux années sans donner la moindre nouvelle à la famille. L’apprenti artiste rencontre Sony Okosun, il regarde chanter Fela, joue avec Prince Nico Mbarga à Onitsa et écume les cabarets et les bars dancings à Lagos pour survivre.

Dans son exil volontaire nigérian, l’homme caresse l’afro beat, essaye le hight life, fredonne le makossa , effleure le bikutsi et approche le jazz. En 1979 il revient avec un album dans les bras intitulé « Anatassia. » Il ne s’appelle plus Si Tobie François, il est désormais Tony Franc. Son opus passe inaperçu. Son père éructe sur ce nom d’artiste « Tony Franc » venu du Nigéria. Il devient cette fois Si Tony. Nkodo Si Tony est né. Chanteur moyen et guitariste du dimanche, Il profite tout de même pour rembourser à son père l’argent du chèque détourné.

En 1982 il chante « Papa Comavic » sans une once de succès. Il joue aux percussions chez le fantasque Mongo Faya, traîne dans les cabarets de Douala et met le cap sur Yaoundé au début de la décennie 1980 pour se retrouver quelques temps après à la CAMSUCO( Cameroon Sugar Company) à Nkoteng. La star se souvient : « pour essayer de survivre j’ai été coupeur de cannes à sucre. Dès quatre heures du matin nous étions extraits des lits pour aller nous livrer à la coupe de la canne à sucre dans les immenses champs. J’avoue que c’était très pénible. » Le week-end Si Tony quitte les champs de la CAMSUCO aux bras d’une amie pour aller jouer à Akonolinga dans le même cabaret que Jean Miché Kankan. En dehors de l’usine Si Tony chante et joue à la guitare rythmique le week-end avec le groupe présent au foyer puis au Camp.

L’artiste passe trois ans à Nkoteng et remet le cap sur Douala après une escale à Yaoundé. C’est la route de son destin ! Sa rencontre avec Albert Broeuk’s  constituera un moment clé dans l’évolution du rythme bikutsi. Pour Nkodo, parler du bikutsi moderne sans citer Albert Broeuk’s serait une méprise grave autant l’architecture sonore de cet homme aura bouleversé cette musique ; Nkodo Si Tony précise d’ailleurs : « C’est mon père spirituel qui m’a beaucoup aidé pour mes recherches. Avec tout ce que j’avais fait au Nigéria je ne pouvais pas m’en sortir. Son concours au niveau des mélodies, des arrangements, pour moi ce sont des souvenirs inoubliables. Je n’ai pas encore trouvé quelqu’un comme lui avec qui m’entendre. Je pouvais faire ma guitare et les voix et rester tranquille. Il se chargeait des arrangements et le tour était joué. Je peux dire que c’est lui qui a fait que je devienne Si Tony. Je ne l’oublierai pas. »

Quand le public découvre finalement l’album de Nkodo Si Tony 90° de bikutsi à l’ombre en 1988 deux ans après sa sortie, il s’embrase. En fait dans le nouveau bikutsi construit par Albert Breuk’s et Nkodo Si Tony c’est une fusion d’influences ; une architecture éclectique de la juju music, de l’afro beat, du makossa, de la musique Ibo et Yoruba autour de la matrice principale du bikutsi.

L’artiste a célébré ses 35 ans de carrières, le 24 novembre 2015 à Douala. Sa dernière  grande apparition sur scène remonte à 2020 à Paris, ce dernier avait alors chanté lors d’un meeting que Maurice Kamto, le président national du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) avait donné à Paris en France.

C’est un monument de la musique qui s’en est allé. Repose en paix Nkodo Si-Tony !!!

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Danielle NGONO

Rédactrice chez Declik Group

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