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DJ Pat Cool : « Au Cameroun, on ne respecte pas le DJ… »

Si son passage en Europe est relayé aux chapitres de mauvais souvenirs, DJ Pat Cool assure avec fierté aujourd’hui son statut du Dj le plus camerounais du pays.  Son album « La Fusion », à peine sorti, le single en feat avec Kareyce Fotso est attendu.

Nous assistons aujourd’hui à une recrudescence de DJ puis un syndicat est né, « La League professionnelle des DJ » ; quelles sont les raisons qui vous poussent à bâtir ce mouvement ?

Permettez-moi tout d’abord de vous dire merci, c’est un honneur pour moi d’être près de vous en ce moment. Je dirai que la LPDJ (La League professionnelle des DJ) s’est créée il y a quelques années déjà du côté de Douala dans le souci d’apporter un autre souffle à la culture, à la musique camerounaise qu’on trouvait en perte de vitesse. L’objectif était d’aider les musiciens à mieux promouvoir leurs œuvres et nous sommes fiers d’avoir apporté notre pierre à l’édifice, parce qu’aujourd’hui quand on parle de Mani Bella, d’une Letis Diva ou d’autres car ils sont nombreux, c’est en partie grâce à la LPDJ. Cette association a pratiquement 6 ans d’âge, j’étais encore à Douala quand on l’a crée avec des amis, depuis quelques années nous avons mis sur pied une autre branche à Yaoundé ; beaucoup comprennent à présent que les DJ , c’est les artistes et que sans DJ il n’y a pas d’artiste. J’en suis un exemple palpable parce que j’ai commis tout récemment un album sur le marché et je sais que je peux compter sur mes frères DJ pour sa promotion. Il y a peu nous avons créé notre site internet  www.lpdjkmer.com comme pour dire qu’on n’arrête pas de progresser.

Pour vous, comment pourrait-on qualifier, un DJ ?

Les artistes ne comprennent pas que le DJ c’est aussi un artiste, c’est une star. Aujourd’hui il y a plusieurs albums qui ont été remixés par DJ Pat Cool, sans m’en vanter bien évidemment. Donc pour dire que le DJ, c’est celui-là qui écoute, qui est capable de dire à un artiste que « Voilà, je sens ta chanson, mais il va falloir que tu y ajoutes une certaine coloration, une touche assez particulière… » et il verra lui-même par la suite que vous avez raison. J’en profite pour passer mes salutations à quelques membres de cette grande équipe, je pense au vice Président DJ Zibi (DJ Djeuga Palace), DJ Pat qui est homonyme, DJ Roland qui est le Secrétaire Général, DJ Manu Killer…, ils sont nombreux. Je salue également tous les DJ qui ne font pas encore partie de la LPDJ. Et je suis ravi que nous autres DJ, nous nous entendions à merveille. Une pensée surtout à l’endroit du Président Fondateur de la LPDJ, M.  Emmanuel Tonye à Douala.

Nous avons remarqué que votre spécialité en matière d’animation c’est les musiques camerounaises, contrairement à certains de vos confrères qui ont fait le choix des courants venant d’ailleurs…

Simplement je vais commencer par dire que je suis un vrai féru de la musique camerounaise avant d’être DJ ; j’aime la musique camerounaise et  l’aimerai toujours. Quand j’annonçais mon album, beaucoup ont cru que ce serait de l’Atalaku, du Coupé Decalé, quelque chose dans ce genre. Ils ont été très surpris à l’écoute de son contenu et ils ont dit, « voilà un vrai DJ, ce qu’il fait est typiquement camerounais et c’est ce qu’on veut et c’est  ce qu’on aime… ». Je me rappelle quand je suis allé voir le grand-frère Joly Priso qui est l’arrangeur de cet album, il m’a dit « écoute Pat Cool, tu sais bien que tout ce qui est coupé décalé et tout…, je n’aime pas, j’adore ce qui est camerounais, donc si tu veux faire un album typiquement camerounais, j’y mettrai tout mon savoir. » J’ai fait une maquette que je lui ai fait écouter, ça l’a tout de suite accroché et c’est à partir de là qu’on s’est mis à travailler ensemble sur mon projet. Et je puis vous dire que quand on suit cet album, c’est du DJ…, on ne se lève pas un beau matin pour créer un beau makossa de 10 minutes à partir d’un slow et qui est aimé par tout le monde.

Et cet album, comment se comporte-t-il  sur le marché jusqu’à présent et où le trouver exactement ?

Vous le trouverez chez « Mélodie Diffusion » (ancien MC Pop), dans les kiosques de culture Mboa, à l’avenue Kennedy, en face de la Boulangerie Calafatas, chez Chaval Music, dans les super marchés Dôvv, bref ils se trouvent partout, ces CD DJ Pat Cool authentiques, originaux France à bas prix.

Que dire des DJ qui, au lieu de promouvoir la musique camerounaise, diffusent plutôt celles d’ailleurs ?

Je ne vais pas forcer  un DJ à aimer la culture camerounaise, si un DJ se sent à l’aise dans le style Européen, c’est son choix à lui. Aujourd’hui c’est vrai, plusieurs font dans ce style, mais à la LPDJ vous trouverez toute une diversité, ceux qui font dans l’Européen, l’Ivoirien, le Nigérian, le camerounais…

D’où vous vient l’envie de faire ce métier ?

Depuis que j’étais tout petit, j’étais un vrai mordu de l’animation. Et je dirais toujours, si je n’étais pas DJ, je serais musicien. Bien sûr, j’ai été inspiré par des grands-frères comme DJ Ramo qui est à Paris aujourd’hui, Serge Nana et Tev Chaleur. J’étais très complexé à l’époque, mais par la suite j’ai compris que seul le travail menait au succès ; j’ai travaillé dur et grâce à Dieu j’ai pu évoluer, aujourd’hui je compte 6 titres de meilleur DJ à mon palmarès et vous voyez que je ne me suis pas trompé.

Comment gérez-vous votre carrière de DJ ?

Beh…, je dirais comme d’habitude que je n’ai pas de souci, je suis très actif en ce moment, des projets avec l’artiste Kareyce Fotso, il y a aussi Govinal Ndzinga Essomba et un autre dont je tairai le nom. Donc pour le moment je passe mon temps en studio, je reprendrai les platines dans deux ou trois mois.

Votre ascension a-t-elle été facile ?

Mes débuts ont été très difficiles. J’ai eu des problèmes avec ma défunte mère, paix à son âme, parce que j’avais décidé d’arrêter l’école. Je me souviens lui avoir dit que certains au quartier ont eu leur bac, leur licence mais on les voit souffrir au marché. C’est cela qui fait que quand je me suis lancé véritablement dans ce métier de DJ c’était plus un défi personnel. En 2004, quand j’ai gagné mon premier titre de DJ elle était fière de moi. Je me souviens des premiers mois à Yaoundé, il fallait toujours bagarrer avec des confrères : « aujourd’hui c’est moi qui mixe… » C’est de là que me vient le pseudo « Cool » de DJ Pat Cool. J’animais dans une boite à l’époque, qui avait 3 DJ et les trois portaient le nom de DJ Pat. Pour nous différencier, on ajoutait un surnom qui nous caractérisait. Il y avait alors  DJ Pat Short (parce qu’il était court), moi c’est Pat Cool parce que je ne causais pas beaucoup. Je venais travailler et je repartais sans trop m’occuper des petites disputes ou quoi que ce soit. Et aujourd’hui, je pense avoir atteint peut-être à 25% le métier que j’ai toujours rêvé faire. Et je peux dire aujourd’hui que je suis un Dj Compétent, parce que je suis artiste et DJ et c’est très important car il faudrait que le monde la culture camerounaise sache que le DJ c’est un artiste, c’est une star et il faut le respecter en tant que tel. Il l’est au même  titre que ceux qui sont derrière le micro. J’insiste là dessus parce que je voudrais que les artistes camerounais comprennent et acceptent ça. Ils sont nombreux qui ont besoin d’aide des DJ nécessairement, mais par orgueil ils ne le reconnaissent pas…

Cela peut tout aussi être dû à l’ignorance…

Non, c’est juste qu’au Cameroun on ne respecte pas les DJ. Si on fait un classement, le Cameroun est le dernier pays en matière de traitement salarial des DJ. Vous irez dans des boîtes de nuit où le DJ est payé à 50.000frs, 75.000frs ; ce n’est pas normal. Moi par exemple, je ne prendrai  jamais un salaire aussi minable. Fort heureusement, grâce à l’avènement de la LPDJ, cette histoire est en train de changer.

As-tu jamais été invité à l’extérieur pour un show DJ ?

On m’a déjà sollicité, mais j’adore mon pays en fait. C’est la liberté d’expression, c’est la paix, tu manges bien, tu dors bien, pas de coup de feu. Si aujourd’hui quelqu’un me dit « Pat Cool viens travailler en France, viens travailler à Londres… » Je n’irai pas, parce que ça ne me bluff plus. Et je pense que dès lors qu’il y a la paix dans un pays, il prospère.

Est-ce à dire que vous n’envisagez pas partir alors ?

Beh…, je peux m’établir partout, aux Etats Unis ou ailleurs, mais il faudrait que le salaire soit costaud et qu’on me paye 2 années d’avance et cash. Et il faudrait que ce soit une boîte de nuit africaine et non Européenne. Parce que je souhaite par-dessus tout,  mettre la culture camerounaise en avant, donc j’y diffuserai plus de musiques camerounaises. Voilà mes conditions pour me voir accepter un quelconque contrat.

Beaucoup déplorent le niveau de la musique camerounaise aujourd’hui, partagez-vous cet avis ?

Là je suis d’accord. Et je le dis haut et fort. Au Cameroun, il  y a des artistes qui font n’importe quoi, qui chantent faux, qui font de fausses programmations dans des studios, parce qu’ils veulent passer à la télé. Il faut qu’ils sachent respecter le MIC. Qu’ils sachent que pour se tenir derrière un micro, il faut chanter vrai, dans la gamme. Mais ils sont nombreux qui font ce métier pour attirer les nanas et être « Star », moi je dis non.

Quel conseil alors, pour le DJ que vous êtes ?

Au lieu d’aller au studio écrire n’importe quoi, vaudrait mieux faire des reprises et des reprises bonnes à écouter. Aujourd’hui je ne saurais pas vous dire que je peux écrire un album, il y a des artistes qui chantent  bien mais qui ne peuvent pas écrire et des gens qui écrivent bien n’ont aucun talent en chant. C’est très important de rappeler cela, car ça ne sert à rien d’aller derrière un micro raconter n’importe quoi.  Je vais vous dire une chose ; nous avons des artistes que nous rejetons quand bien même ils nous payent pour passer leurs chansons. On met ça de côté et on avance.

Vous disiez tantôt que les artistes gagneraient à s’offrir les services des DJ, pouvez-vous développer un peu cette idée?

Si le DJ n’est pas respecté au Cameroun,  qu’est-ce qu’il faut faire ? Je vous pose la question… voyez par exemple aujourd’hui  quand un artiste sort un album et qu’il ne marche pas, c’est tout de suite à moi qu’on fait appel pour le remixer. Je ne peux pas compter le nombre d’albums que j’ai remixés à Yaoundé seulement. Tout cela parce que vous ne voulez pas donner l’opportunité à un DJ de venir vous dire en studio « ça c’est bon, ça ce n’est pas bon ». Moi aujourd’hui je suis très franc, quand un artiste sort son album et m’appelle pour donner mon avis dessus, je lui dis sans ambages : « écoutes, ce que tu as fait là, c’est nul, je ne sens pas ça, il ne passera pas en boîte de nuit ». Et ce qui est sûr, si moi je ne sens pas cet album, les autres ne le sentiront pas non plus. Regardez les artistes comme Lady Ponce, elle fait du bon, parce qu’elle respecte les DJ, elle prend en compte leur avis. Narcisse Prise pour son album « Elegancia », je lui ai dit que ce n’était pas bon, il m’a écouté, j’y ai fait quelques retouches et ça a donné ce que vous avez aujourd’hui  et c’est une fierté de savoir qu’un DJ peut apporter sa touche dans un album. Si vous écoutez mon album, c’est du « DJ » et le DJ est celui là qui écoute et réécoute encore. Pour mieux cerner la touche finale à apporter à une chanson de son auteur.

Nous allons clore cette entrevue, non sans vous demander à combien s’élèvent les services de DJ Pat Cool ?

Dj Pat Cool est disponible pour tous. Tout le monde peut s’offrir les services de DJ Pat Cool. J’ai eu en projet d’ouvrir au courant de cette année 2012 une discothèque où les DJ seront formés gratuitement. J’y transmettrai mon savoir à ces jeunes qui désirent par-dessus tout devenir des grands DJ demain. Ainsi on dira un jour, voilà les enfants de DJ Pat Cool, comme c’est le cas avec Petit Pays et les Sans Visas. Parce qu’aujourd’hui après nous, ce qui vient derrière c’est du n’importe quoi, il faut remettre cette jeune génération sur les rails. Donc si je mets en place une discothèque de formation, c’est pour que notre culture ne meurt pas et que nous ne nous retrouvions à un niveau où les gens passeront le temps à diffuser du coupé decalé. Nous avons du Bikutsi, du Makossa il y’en a tellement. Donc merci à vous culturebene et je vous annonce la sortie prochaine du single avec Kareyce Fotso.

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