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Manu Dibango, passeur de relais

Manu Dibango va bientôt dépasser l’âge autorisé pour lire Tintin… En décembre prochain, ce pape de la world music, sax’ explosif et créateur de sons tous azimuts, soufflera ses 78 bougies. "Vous ne les faîtes pas !!!" L’exclamation ne tient même pas de la politesse, elle vient du cœur. Et l’artiste débonnaire de partir d’un rire tonitruant : "Mais eux, ils me font !! " D’accord. Manu raconte à l’envi ce temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître : ses tournées comme clavier de Nino Ferrer, ses participations aux shows comiques, tellement 80’s, de Stéphane Collaro… et revient même sur le succès épique de son tube Soul Makossa, en 1972, aux USA, alors que la France l’ignorait superbement.

Pour autant, aucune nostalgie ne pointe sous ses mots. Manu, la locomotive, avance et continue de swinguer. Lorsqu’on débarque chez lui, dans sa maison de Champigny-sur-Marne en banlieue parisienne, il fait chanter son vibraphone, en contrepoint : du Bach. "Les mailloches me démangent", sourit-il. Aux côtés du piano à queue, d’une photo de Coltrane, et du titre officiel de Chevalier de la Légion d’Honneur encadré, une discothèque fournie regorge de musique, tous styles confondus : rap, traditionnel, électro, soul… Manu se branche à tout.

Connecté aux sons du monde, il sort aujourd’hui un opus qui enjambe allègrement frontières et générations, et groove à chaque piste : Past-Present-Future. Après un album de ballades de jazz, Dibango redoutait la "galette de trop". Mais une rencontre déterminante, celle de Wayne Beckford, anglais d’origine jamaïcaine, auteur, compositeur et producteur, remarqué aux côtés d’Akon, Seal, Rihanna, UB40, Black Eyed Peas… impulse la créativité, tourne la manivelle, lance le moteur et suscite l’étincelle.

Poupées gigognes

Manu Dibango rencontre ce jeune touche-à-tout, peu avant la dernière Coupe d’Afrique des Nations. Pour l’événement sportif, Beckford compose un titre, Africa, sur lequel il requiert les services du saxophoniste. "La rencontre s’est faite, et bien faite", raconte le père de Soul Makossa"Wayne aimait ma musique. Il est parti acheter mes vieux disques à la FNAC et sans rien dire, a commencé à bosser dessus, à relire mes anciens titres. Et moi, j’ai halluciné. Il ouvrait des portes, des perspectives que je n’avais pas décelées. Et du coup, je rebondissais. C’était un peu comme une poupée gigogne. Tout était prétexte au lancement de nouvelles histoires. C’était l’excitation permanente. Du coup, l’idée d’un disque a surgi". Entre reprises et créations de toute pièce, un beau dialogue émerge entre les deux hommes, tissé de respect, de générosité, et d’humour, comme ce Soul Makossa 2.0, reprise r’n’b, tribale, funky, XXIe siècle, de l’emblème de Dibango.

Cette complicité ne saurait pour autant être exclusive. Autour de ce noyau dur, gravitent une kyrielle d’invités. De la même façon qu’il réunissait, en 1994, sur l’album Wakafrika, les ténors de l’Afrique –Youssou N’DourTouré KundaSalif KeitaRay Lema, King Sunny Ade, Angélique Kidjo,… – le saxophoniste rassemble aujourd’hui la jeune génération. Au micro ? Lalcko, un slameur d’origine camerounaise, en hommage à Manu (titre Manu Dibango) ; le jeune groupe camerounais XMaleya (Afreedom) ; le rappeur franco-camerounais Pit Baccardi (Elolombe) ; la chanteuse marocaine Oum, à la voix de grâce (Oum Song) ; le rappeur Passi, ami de Manu (Bantou Life) ; ou encore le groupe de rock alternatif Safehaus (Shallow Waters)…

En toute tendresse, chacun apporte sa couleur, son timbre, son rythme, son âme et ses textes. Entre Dibango et ces "jeunes", naît alors un entretien en musique sur l’Afrique, son nouveau visage, leurs aspirations à l’unité, leurs combats au quotidien… Si Past-Present-Future groove de bout en bout, et incite à se déhancher de la première à la dernière seconde, son harmonie se lit surtout dans la chaleur et la bonne humeur qui s’en dégage. Ici, la figure tutélaire illumine le disque de sa bienveillance, et de sa fierté non dissimulée de voir son petit-fils chanter sur l’un de ses titres. Manu accepte alors le titre de "référent", de passeur ou de parrain, à condition de rester dans le mouvement. "Quand tu donnes le relais, tu dois courir un petit peu, non ? Au moins 200 m !" Et le rire sonore d’éclater de nouveau. Manu Dibango est loin d’être à bout de souffle.

Manu Dibango Past-Present-Future (BorderBlaster/Musicast) 2011
En concert le 17 novembre au Casino de Paris

source: rfi.fr

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