
Michael CHEDJOU incarne la nouvelle génération d’architectes camerounais, refusant les sentiers battus pour s’engager sur un chemin où la créativité et la rigueur rencontrent un devoir de mémoire. De son héritage familial de maçons à son projet percutant sur le « Maquis Kamerun », il nous révèle comment son travail va au-delà des constructions pour devenir une exploration de l’histoire et de la culture. Michael CHEDJOU nous ouvre les portes de son univers, où le respect, l’humilité et une vision afro-centrée sont les fondations d’une architecture résolument tournée vers l’avenir.
Culturebene : Bonjour Michael Chedjou, merci de répondre aux questions de Culturebene. En quelques mots, pouvez-vous vous présenter à nos internautes ?
Michael Chedjou : Bonjour ! Je suis Michael Chedjou, architecte titulaire d’un Diplôme d’État d’Architecture (D.E.A). Je suis inscrit à l’Ordre National des Architectes du Cameroun (ONAC) sous le numéro 690. Je dirige le cabinet d’architecture MADConcept-Architecture, qui travaille avec des clients privés à Douala. Je suis un jeune architecte passionné, intéressé par les concepts et les réflexions qui ont du sens. Sensible à l’art et aux cosmogonies afro-centriques, je me définis comme une personne anticonformiste.
Comment êtes-vous arrivé à l’architecture ? Parlez-nous de vos débuts.
J’ai toujours été attiré par les métiers de la construction. Mon parcours n’est pas un hasard, car je viens d’une famille de maçons. Très jeune, j’avais déjà des prédispositions pour ce métier. Ma passion était le dessin à main levée. J’adorais dessiner, j’achetais des bandes dessinées pour les reproduire, et le journal Popoli était le seul que je lisais pour ses dessins. Je me balade toujours avec mon carnet de croquis.
Plus tard, j’ai réfléchi à comment rendre cette passion « vendable ». J’ai commencé par faire des cartes de vœux au lycée, ce qui me donnait déjà de l’argent de poche. En grandissant, il était évident de choisir un métier étroitement lié à ma passion. En tant que dessinateur en herbe et fils et petit-fils de maçon, ma carrière dans ce domaine fascinant était une évidence.
Quelles sont les qualités requises pour être un architecte ?
C’est une excellente question, car je l’ai souvent posée à mes propres mentors. L’une des réponses les plus philosophiques m’a été donnée par l’architecte Douala Bell, qui m’a dit un jour : « Pour être un bon architecte, il faut deux qualités simples : le respect et l’humilité. » L’architecture est un métier qui peut être perçu comme arrogant, car il transforme l’environnement dans lequel il s’inscrit. Pour compenser, l’architecte doit rester humble et savoir respecter tout le monde sur le chantier, du simple artisan au grand directeur général.
Pour ma part, je pense que l’architecture est avant tout une idéologie, un état d’esprit philosophique, un paradigme, une manière d’être et de faire qui sort de l’ordinaire. Pour être un bon architecte, il faut être un homme de culture. Comme le disait l’architecte Jean Nouvel : « Faire de l’architecture, c’est pétrifier un moment de culture. » Il est donc essentiel de se questionner sur sa propre identité culturelle. Il faut aussi être ouvert d’esprit et très curieux, s’intéresser à tout, car un architecte doit avoir des connaissances empiriques sur la plupart des sujets. Enfin, il faut être à l’écoute, discipliné et organisé pour réussir à tout coordonner.
En 2021, dans le cadre de votre stage, vous avez choisi comme thème « Maquis Kamerun ». Pourquoi ce choix ?
Merci pour cette question qui me permet de reparler de ce projet, à la veille de l’anniversaire de la mort de notre héros national, Ruben Um Nyobè, assassiné le 13 septembre 1958.
Je me souviens de ma grand-mère qui me racontait comment, pendant cette période de braise, elle fuyait de cachette en cachette avec ses enfants pour échapper aux violences de la guerre d’indépendance. Plus tard, j’ai appris que mon arrière-grand-père avait également été tué et son corps mutilé. Je précise qu’il n’était ni rebel, ni traitre, mais un simple commerçant.
En 2017, j’ai découvert Bimbia, l’un des ports d’esclaves les plus importants. J’ai été choqué d’apprendre que plus de 10% de la population d’esclaves partait de Bimbia, plus que de l’île de Gorée au Sénégal. J’étais abasourdi qu’un lieu d’une telle richesse culturelle et historique soit aussi peu connu au Cameroun. J’ai découvert que la chercheuse Dr. Lisa Marie Audrey avait documenté le site, qui a été ouvert au public en 2008.
Fort de ces histoires sombres, je me suis donné pour mission de raconter notre histoire à travers l’architecture. Après avoir travaillé sur l’histoire de l’esclavage, je voulais continuer cette exploration historique. À Bafoussam, il y avait une place autrefois appelée « Carrefour maquisards » qui s’appelle malheureusement aujourd’hui « Carrefour Total ». Ce constat a été le déclic. Un petit sondage a montré que les jeunes de 20 à 35 ans ignoraient que leurs aînés avaient été assassinés et décapités sur cette place. Pire encore, des années plus tard, deux stations-service ont été installées sur ce terrain. Cela peut être perçu comme une volonté manifeste d’effacer la mémoire collective.
Je me suis alors demandé ce que l’architecture pourrait apporter à la restauration de ce lieu de mémoire. Pour un architecte, chaque lieu a un esprit, un « génie du lieu ». J’ai donc commencé mes recherches sur ce sujet. Dans la continuité historique, après l’esclavage et les deux guerres mondiales, l’époque des guerres d’indépendance a vu l’émergence du maquis au Kamerun. Après ces analyses, il m’a semblé être un devoir de mémoire de contribuer, même modestement, à la préservation du Carrefour maquisards.
Selon vous, ce projet est-il réalisable ?
Absolument ! Il est tout à fait réalisable. Je rappelle que ce projet a déjà été présenté trois fois aux États-Unis et une campagne de levée de fonds est en cours depuis plus d’un an.
On voit de nombreuses réalisations sur vos comptes sociaux. Quel est votre projet le plus abouti depuis que vous vous êtes lancé ?
Un architecte ne peut pas choisir parmi ses enfants. Tous les projets sont importants, même si on les aime chacun à sa manière.
Lors de la livraison, quels sont les retours de vos clients ?
Si nous avons tant de passion pour ce métier, c’est grâce aux étoiles qui brillent dans les yeux de nos clients chaque fois que nous livrons un projet. Je crois que si ce n’était pas positif, nous aurions déjà abandonné. On ne renonce pas à une vocation. Les clients sont très heureux et satisfaits, et la plupart du temps, nos relations professionnelles deviennent amicales et fraternelles.
Pensez-vous que tout projet de construction nécessite l’implication d’un architecte ?
Excellente question ! L’architecte doit être au cœur de tout projet de construction, de la petite cuisine au gratte-ciel, de la rénovation à la réhabilitation d’espaces publics ou privés, et même à la restauration de monuments historiques. L’architecte est pluridisciplinaire et multidimensionnel. C’est le chef d’orchestre qui accorde les violons pour que la mélodie soit belle. Il est présent du début à la fin de tout projet de construction, quelle que soit sa taille.
On pense (peut-être à tort) que les architectes coûtent cher. Que pouvez-vous dire à ce sujet ?
À une certaine époque, c’était très vrai. L’architecture était réservée aux dieux, aux morts et aux rois. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Tout le monde peut s’offrir les services d’un architecte. Pour espérer avoir un paysage urbain attrayant, il faut que tout le monde consulte des architectes, sinon l’anarchie ne pourra pas être stoppée.
De plus, l’architecte vous aide à faire des économies sur le projet. Il limite les erreurs et les dépenses inutiles du chantier, et il conçoit des espaces efficaces et performants en termes d’énergie et d’ergonomie. Il vous fera économiser au moins quatre fois le prix de ses honoraires. En réalité, on a tout intérêt à consulter un architecte. Les promoteurs les plus modestes ont plus besoin d’un architecte, car ils n’ont pas droit à l’erreur, contrairement aux nantis qui peuvent se permettre de démolir et de recommencer. L’idée selon laquelle les architectes sont élitistes est une idée reçue.
Un mot sur l’urbanisme de nos grandes métropoles ?
C’est polluant, tout est un mélange. Il faut un vaste programme de structuration urbaine, comme le Plan Marshall en France ou le Plan Cerdà en Espagne. Nos métropoles sont des grandes villes malades, des « géants aux pieds d’argile ». Le système de construction a des problèmes, tout comme le système routier, l’assainissement, les espaces verts, etc.
Si l’on souhaite faire appel à vos services, comment peut-on vous contacter ?
On peut me trouver sur l’annuaire national de l’Ordre National des Architectes du Cameroun (ONAC) sous le numéro 690, qui est consultable en ligne.
Je suis également joignable via mes contacts directs :
- Téléphone: +237 675 812 523 et +237 699 921 084
- Mail: Michaelchedjou0110@gmail.com
- Réseaux sociaux:
- Facebook : Architecte Michael Chedjou
- Page : MADConcept-Architecture
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- LinkedIn : Architecte Michael Chedjou
Avez-vous un message à adresser aux clients qui souhaitent construire une maison mais n’ont pas assez de moyens ?
Mon message est très simple : laissez-vous guider, car « Demain, c’est maintenant !!! »
Un dernier mot ?
Je vous remercie, Culturebene, pour cette tribune que vous m’offrez pour parler de ce magnifique métier, qui est à la fois un art et une science.
À bientôt !
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