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Rolande Kammogne : « Déjà je tiens à préciser que Vox Africa n’est pas une chaîne Camerounaise »

Jeune, dynamique et entreprenante, Rolande Kammogne est aujourd’hui une des principales figures du paysage médiatique africain. Fondatrice et à la tête de la chaîne panafricaine Vox Africa qui célèbre cette année ses 10 ans, elle a accepté pour nous, pour vous et pour tous les téléspectateurs de Vox Africa, de revenir sur les principaux moments qui ont marqué les dix années de vie de la célèbre chaine. Entretien.

Vous êtes accréditées d’un parcours impressionnant au bout duquel vous obtenez votre diplôme d’ingénieur en mathématiques et fonde quelques temps après – en 2008 pour être précis- la chaîne de télé Vox Africa. D’où vous vient l’idée de créer une chaîne de télé ? Quels sont les raisons qui ont contribué à vous motiver ?

Je vais vous raconter une anecdote assez inédite, une des nombreuses que vous trouverez dans l’ouvrage que je prépare pour les 10 ans de la chaîne. En Mai 2006, je suis à Paris, en plein stage à RFI avec Alain Foka. A l’époque je me cherche, je cherche ma voix et je cherche ma voie. Le 17 Mai 2006, c’est la finale de la Champions League Barcelone vs Arsenal. Avec mon père, de passage à Paris, nous regardons ensemble le match. Impossible de tenir dans nos fauteuils respectifs, nous étions si excités et fiers car un africain, camerounais, du nom de Samuel Eto’o brillait de mille feux ce soir-là. A la fin malheureusement, les caméras françaises étaient toutes sur un autre Afro descendant, un français du nom de Thierry Henry. Nous étions si frustrés, je me souviens du regard de mon père se tournant vers moi en me disant:  » Tu vois pourquoi il faut d’abord se concentrer sur l’Afrique » revenant sur nos nombreuses discussions de la semaine. Et lui de continuer : « Le héros ce soir est un jeune africain et il n’y a pas un seul média international pour le célébrer comme il se doit ». Ce moment est resté ancré dans mon esprit et ressemblait à une réponse claire et précise sur mes différentes réflexions menées sur le sujet. En effet, à mon arrivée aux Etats Unis à l’âge de 18 ans j’étais tout de suite plongée dans un environnement qui m’a ouvert les yeux sur ma place dans le monde. En tant que jeune femme noire, quelque soit d’où on vient ou de l’idée qu’on se fait de soi, on réalise très rapidement qu’on se trouve au bas de la pyramide des privilégiés du monde. De plus, les quelques difficultés rencontrées avec mes camarades afro-américains m’ont fait réaliser à quel point, nous, africains et afro-américains n’avions aucun contrôle sur notre identité ou du moins notre image. Tous nos échanges étaient confrontés à des préjugés diffusés à répétition par les médias mainstream. La réalité de part et d’autre semblait plus nuancée et c’était assez stupéfiant de le réaliser. Ce qui m’a inspiré un essai sur la nécessité de la création d’un média qui connecterait les différentes diasporas noires du monde. A ce moment, ma vision restait globale et pas encore tournée vers l’Afrique jusqu’à ce Mai 2006.

Pourquoi contrairement à plusieurs chaînes camerounaises et africaines avoir choisi d’axer les programmes de la chaîne sur l’Afrique Francophone, la diaspora francophone, l’Afrique anglophone et la diaspora anglophone?

Nous sommes la première chaîne panafricaine bilingue et indépendante. Du fait de notre histoire, l’Afrique a deux langues dominantes qui sont l’anglais et le français. Notre vocation étant d’être la voix authentique et plurielle de l’Afrique, la chaîne panafricaine d’excellence, nous nous devions d’être disponibles dans les deux langues. De plus, nous visons aussi la diaspora africaine du monde donc nous sommes disponibles en Europe avec une chaîne francophone et une chaîne anglophone et bientôt aux Etats unis avec une chaîne spéciale pour une audience cible.

Dix ans après sa création quel bilan faites-vous ? A quel niveau vous situez vous dans le milieu de la télé au Cameroun comparativement à la concurrence ? La question mérite d’être posée car on a comme l’impression que VoxAfrica peine encore à se faire une vraie place auprès du grand public camerounais.

Déjà je tiens à préciser que Vox Africa n’est pas une chaîne Camerounaise et n’en a pas la vocation. Le dynamisme du bureau d’Afrique Centrale crée un certain déséquilibre dans la répartition de nos différents programmes à l’antenne mais cela devrait changer dans les mois à venir. Nous n’avons pas vocation à concurrencer les chaînes locales mais à proposer une offre complémentaire. Vox Africa a pour ambition d’ouvrir l’Afrique sur le monde et vice versa. C’est un dialogue à la fois latéral et transversal. Créer des ponts entre différentes parties de l’Afrique mais aussi entre l’Afrique et le reste du monde. Vox Africa a pour ambition d’être la référence africaine dans le monde en termes d’information et de divertissement. Pour beaucoup nous sommes loin du compte mais comme la vision est là, pour nous il n’est plus que question de temps et de travail. C’est Steve jobs qui l’a rappelé à l’époque ou dans les années 80/90 quand tout le monde regardait les macintosh avec un regard plein de curiosité. La vision devance toujours les faits.

Il y’a tout de même un programme : The Voice Afrique Francophone, qui a réussi à captiver considérablement l’attention du public et à faire de l’audience. Racontez-nous comment est né et s’est construit ce projet.

The Voice Afrique francophone est la vision condensée de l’ambition de Vox Africa en un programme. Un média positif et fédérateur qui offre des opportunités à la jeunesse africaine talentueuse du monde.

Nous avons rencontré les propriétaires de la marque au festival de la télé à cannes et après des mois de discussions, d’explications et de négociations, nous avons obtenu la licence pour 2 ans et ensuite 3 ans supplémentaires. Ce n’est pas toujours évident pour les marques occidentales de croire au potentiel de l’Afrique ou même de faire confiance aux africains mais nous leur avons montré que nous avions une vision claire et surtout bien spécifique pour le développement de la marque dans notre région.

Etes-vous satisfaites ? Et Que nous réserve la prochaine édition ?

Je suis satisfaite car nous avons enchanté le public africain en le rendant fier de ses talents, fier de notre héritage culturel car The Voice au travers de la musique est une plateforme d’expression culturelle. Nous sommes satisfaits car nous avons relevé un défi colossal et l’histoire retiendra qu’il y’a eu un avant The Voice Afrique et un après.

Le paysage audiovisuel de notre région a été à jamais marqué. Il faut continuer de repousser ses limites pour progresser. The Voice a aussi permis de démontrer à certains sceptiques qu’un public et un marché panafricain existe bel et bien. Pour affronter les enjeux mondiaux, nous n’avons d’autres alternatives que de fortifier et de consolider ce marché.

Que pouvons-nous vous souhaiter pour les semaines, les mois et les années à venir ?

Une belle moisson pour les dix prochaines années (Rires).

PAR STEPHANE TANG / CK Magazine

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