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Elle a été violée, mais a su se relever ; aujourd’hui c’est une « fleur brisée » qui résiste au temps

LE VIOL, UNE AFFAIRE DE TOUS…

Depuis quelques années maintenant, l’on note une nette augmentation des cas de viols au Cameroun. Sachant qu’il y a environ 19 000 000 d’habitants actuellement au Cameroun, que 51% de ces habitants sont des femmes et que le taux de prévalence du viol est de 5,2%, nous pouvons après nos calculs en déduire que 503 880 femmes ont déjà été violées au Cameroun. Parmi elles, de nombreux mineurs de moins de 15 ans. Pourtant, 5% de violeurs seulement sont inquiétés par la justice, chiffre qui selon nous est fortement dû au mutisme des victimes qui refusent de porter plainte et à la complicité des proches/parents qui ne veulent soi-disant pas jeter l’opprobre sur eux en dénonçant ces malfaiteurs. Pourtant, les victimes  ressentiraient un grand soulagement (même éphémère) si elles venaient à apprendre que leur bourreau a été sévèrement puni. Le problème majeur reste le fait qu’on ne connaît jamais à l’avance son violeur et on ne sait pas où et quand cela va nous tomber dessus; le violeur peut avoir n’importe quel âge et venir de n’importe quelle couche sociale. Il peut être notre voisin, notre mari, un inconnu (parfois sous l’emprise d’une substance illicite) et même notre parent (cas plus récurrent de nos jours).  Certains citoyens ne croient pas en l’existence du viol et le banalisent d’une manière très sadique et éhontée en avançant des propos du genre : « Comment peut-on violer une fille de 22 ans alors qu’elle est sexuellement active depuis longtemps ? Elle a sûrement aimé ça ». D’autres y croient, mais affirment, en avançant comme raison majeure l’habillement provocateur des jeunes filles, que c’est toujours de la faute de la victime si elle se fait violer. Cependant, des études menées par le GIZ sur la base des chiffres de l’Institut national de la statistique ont montré que 12% des victimes de viol sont âgées de 10 ans au plus et 2% sont des enfants de 0 à 5 ans.  Alors, la question que nous posons à ceux qui pensent que le viol n’est qu’une question de provocation est la suivante : pensez-vous qu’un père qui abuse sexuellement de sa fillette de huit ans le fait parce que cette dernière l’a séduit ? Ou alors cette fillette de trois ans qui se fait violer dans le cabinet de son pédiatre pendant sa consultation l’a-t-elle cherché ? Ou encore cette jeune femme de 22 ans rentrant de son travail, habillée d’un ample tee-shirt et d’un jean qui se fait agresser avec une machette et violée, est-ce de sa faute ? Nous ne le pensons guère. Des exemples comme ceux-là, il y en a des myriades dans notre pays.

Beaucoup de victimes pensent qu’après leur viol, il ne leur reste que deux alternatives : soit elles deviennent nymphomanes et se livrent à un désordre sexuel (surtout si elles ont attrapé une maladie) dans le but de se venger, soit elles se donnent la mort. Pourtant, il existe une 3ème alternative : se battre pour essayer de reprendre une vie « presque » normale ou pourquoi pas meilleure. C’est dans le cadre de la lutte contre ces préjugés cités plus haut que l’association Soutien Aux Victimes d’Agressions Sexuelles en abrégé S.A.V.A.S a vu le jour.

S.A.V.A.S est une association apolitique, laïque et à but non lucratif (déclaration N0 857/2013/RDA/C19/SAAJ) qui a vu le jour il y a un an environ. Cette association a pour objet la réhabilitation sociale des victimes d’agressions sexuelles à travers des actions telles que :

–              L’encadrement et le suivi des aptitudes morales, physiques et psychologiques des victimes ;

–              Le regroupement des victimes autour des plates-formes  d’échange et de dialogue ;

–              La création des espaces de sensibilisation autour des établissements scolaires et autres institutions;

–              Le développement des partenariats avec les centres hospitaliers publics, les cliniques privées et les forces de l’ordre.

Le viol (qui se définit comme un rapport sexuel imposé à une personne par la violence, obtenu par la contrainte, qui constitue pénalement un crime) existe dans le monde avant même la venue de Jésus-Christ sur cette Terre. Cela se vérifie dans la Bible, dans le livre de 2 Samuel : 13, qui raconte l’histoire du viol de Tamar par son frère Abnon, tous deux enfants du Roi David. Nous pouvons même remonter plus haut avec le viol de Dina, fille de Jacob par Sichem (Genèse 34), fils de Hamor. Le résultat dans l’un ou l’autre cas a été la mort des violeurs. Doit-on en conclure que même nos ancêtres savaient déjà que le viol est un crime odieux et que son salaire ne peut être que la mort ? Consciente donc de cela et sachant que ce fléau ne prendra jamais fin, la fondatrice de S.A.V.A.S, Francine NGO IBOUM, s’est donné pour objectif non pas de faire oublier leur traumatisme aux victimes en les assurant qu’elles peuvent facilement y arriver, ce qui est faux, mais de les aider à vivre avec, en minimisant l’impact que cela peut avoir sur elles.

S.A.V.A.S se veut être principalement une cellule d’écoute pour les victimes car le silence est leur principal ennemi et les traîne le plus souvent au suicide. Il faut donc les sortir de leurs retranchements, leurs prisons psychologiques pour qu’elles réapprennent à vivre. Le mutisme dans lequel elles s’engouffrent tend à encourager les violeurs.

Par ailleurs, il est à noter que la présidente fondatrice de S.A.V.A.S, vient de publier son premier livre intitulé FLEUR BRISEE aux éditions L’Harmattan-France. Dans ce livre de 120 pages, la jeune camerounaise de 24 ans s’inspire de sa propre histoire de viol qu’elle a voulu partager pour galvaniser les victimes d’agressions sexuelles afin qu’elles cessent de prendre le viol comme une fatalité, qu’elles sachent qu’elles avaient une vie avant, elles peuvent en avoir une après, pourquoi pas une meilleure d’ailleurs. L’auteure a voulu faire de son livre une œuvre claire, simple et teintée de réalisme, afin qu’elle puisse être comprise par tout le monde.

Nous finirons sur une note d’espoir en citant l’auteure dans les pages 110-111 de son livre : « j’aimerais bien que les victimes de viol commencent par enlever à l’esprit que leur situation est pire que celle d’une autre (…) et qu’elles ne pourront jamais s’en sortir, elles le peuvent. L’impossible recule quand on vient à lui. La vie est un éternel tourbillon et on est souvent amenés à s’habituer à presque toutes sortes de malheurs. Il y a en chacun de nous une chose incommensurable qui est capable de bien de choses : c’est notre volonté (…). Alors, il vous suffira de vouloir, pour pouvoir. Entre penser et agir il n’y a qu’un pas, quand on le veut. Si vous êtes chrétienne, n’oubliez pas que même si vous pensez être seule sur la Terre, il y a au moins une personne dont la présence près de nous est indiscutable, c’est Dieu. (…). Le mal triomphe par l’inaction des gens de bien, alors bougez-vous et agissez face à ces crimes dont vous êtes victimes. Nul ne peut prétendre que tout cela soit facile à appliquer, mais vous y arriverez, vous n’avez pas d’autre choix. Même si vous ne vous battez pas pour vous, regardez autour de vous, il y a au moins une personne pour qui vous devez le faire et qui en vaut la peine ».

Alors, chers concitoyens, nous devons tous prendre au sérieux ce fléau qu’est le viol. Nous n’avons pas besoin d’attendre d’être directement concernés pour nous y intéresser ; attendre que notre fille, sœur, mère, amie ou nous-mêmes soyons victimes pour connaître l’urgence de la sensibilisation autour du viol. Cessons de stigmatiser les victimes et aidons les plutôt à survivre à leur traumatisme car le viol est une affaire de tous !

Auteure : Francine Ngo Iboum par ailleurs auteure du livre Fleur Brisée éditions l’Harmattan-France

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