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LES MOTIONS SONT NEGRE…32 ans de soutien sans motion

Les Noirs d’Afrique continuent de penser qu’on entre en politique comme on entre en doctrine. C’est-à-dire en mettant sa raison en congés de toute réflexion critique, et laissant son corps obéir comme un cadavre à la conduite d’un guru. Le régime Biya aura souffert pendant ces 32 dernières années, des deux décennies d’autoritarisme du président fondateur. Qui à son époque, ne laissait à ses militants aucune place pour placer un « non », même dans le secret le plus profond de leur cœur ni dans celui le plus isolé des urnes. Il n’y avait que deux issues : le « yes » ou le « oui », le reste relevait de la dissidence et était passible d’une pénible peine. C’était l’ère de l’autoritarisme, du présidentialisme, du chef et du régime unique, de l’ « unanimisme », et de tous les « ismes » qui exprimeraient au mieux ce monisme. Le président Ahidjo n’a hérité lui aussi, que de la longue et douloureuse période du colonialisme. Celle du régime de la discipline du corps du colonisé, de sa réduction à sa plus infime valeur, de son nivellement au niveau des choses parmi les choses. De la confiscation de son esprit, de la domestication, et donc du dressage de ce qu’on considérait comme son animalité. L’objectif plus ou moins inconscient des premiers présidents, était de transformer tout de suite leurs citoyens en des sujets, des esclaves, des biens meubles, des objets de jouissance. En des grands enfants de la patrie qui ne devaient que docilité au père de la nation. Ainsi, la majorité de ceux qui travaillaient de près ou de loin pour ces « chefs » d’Etats, ne pouvaient faire autre chose que de lui chanter les louanges, lui vouer des cultes, le déifier et lui souhaiter l’immortalité au prix de leur sang et de leurs organes.

C’est la raison meurtrière pour laquelle, quand le président Ahidjo va être contraint de passer le témoin, il va jeter son dévolu sur celui qu’il croira le plus docile de ses disciples. Ainsi, quand le Président Biya « prend » le « pouvoir » en novembre 1982, le Cameroun est encore sous le spectre de son « illustre prédécesseur ».  Il faudra attendre deux bonnes années pour que l’épine se détache du « bouquet » national qui était en train  de se composer. Il aura fallu tout ce temps pour que celui qu’on considérait comme une poule mouillée torde le cou au coq, et se pose en seul chantre du poulailler. C’est dans ce même poulailler que plus tard, que le coq transmuté en épervier viendra pêcher les poules qui avaleront les œufs qui ne leur appartiennent pas, et picorer à eux tous ceux les graines destinées à toute la ferme. Selon les circonstances, le coq sera amené à prendre la peau du lion, en incorporant son côté royal aussi bien que son côté indolent. Pendant cette période de crise, il fallait aussi être un renard. Pour avoir la sagesse et la prudence qui manqueraient à la brutalité et la ferveur du lion. Ce régime qui s’est posé en véritable repaires de bêtes et de bestioles, où viennent paitre à toutes les heures les chèvres et les moutons, viennent picorer les poules et les canards, viennent se reposer des phacochères… On n’y voit pas souvent trainer des serpents venimeux qui se dissimulent dans la verdure pour se tailler la part et la place du lion. Mais on ne peut les voir facilement, parce que non seulement ces petits dangereux êtres sont petits de tailles et de nombres, mais aussi parce qu’en face d’eux se pose toute une marée de fauves, prêts à tout pour protéger le lion.

Ainsi, le Lion n’a passé le plus clair de son temps qu’à se reposer dans sa cage, de peur de sortir pour aller chasser et donner ainsi raison au proverbe, en perdant d’aussitôt sa place. C’est la raison pour laquelle les observateurs de la vie politique ont qualifié par « inertie », le régime du Renouveau. Ce mal politique a été à plusieurs reprises dénoncé par le Président de la République ! Se plaignant du fait que tout le temps ses militants ne pensent qu’à danser. Mais alors une danse avec des pas désordonnés et rétrogrades comme chez nos frères Bafia. L’inertie est donc simple à définir. Elle serait l’état d’un corps immobile, puisque soutenu par certaines forces qui la retiennent sur place, et seraient incapables de la mouvoir. Nous assistons donc à une sorte de soutien mort, nul et sans effet. C’est un soutien sans motion, qui est cette force motrice qui pousse un corps vers la mobilité, vers l’avancée, donc vers le progrès. Mais on constate malheureusement que les politiques du pouvoir, plutôt que d’apporter un « soutien moteur » à leur chef, passent le temps à l’engouffrer de « motion de soutien ». Qui en réalité ne sont qu’une invention de la politique politico-politicienne en Afrique Noire. Car il n’y a qu’ici qu’on ne verra jamais le journal l’Action critiquer les « actions » du régime en place. Il n’y a qu’ici qu’on ne verra jamais un militant du RDPC débattre sur les sujets sensibles sans se faire convoquer au conseil de discipline. Il n’y a qu’ici, donc dans cette Afrique, qu’il est impossible de se réunir ou marcher publiquement en brandissant des pancartes antisystème, sans subir les représailles de ses appareils. Pourtant le contraire est plutôt loué, motivé et même financé.

Des partis politiques remplis d’intellectuels, qui pour la grande majorité ne constituent en rien une force de proposition. Pour plupart ils n’ont la plume que pour composer des hymnes au Chef, ils n’ont la voix que pour lui entonner des cantiques, ils n’ont les mains que pour l’assourdir d’applaudissement, et les pieds pour fléchir les genoux même en l’absence du  chef. Des intellectuels qui n’ont pas honte d’avouer publiquement que leur entrée en politique a dû les dispenser de la recherche. Des chercheurs qui ne cherchent d’autre chose qu’à maintenir le chef sur (sa) place. Des penseurs qui n’ont pas compris le rôle qu’ils ont à jouer en politique. Ne pouvant pas penser la politique, politisent la pensée, la prostitue et la mette en berne, donc en dormance. Des « longs crayons » qui n’ont plus écrit ni signé un livre depuis des décennies, mais ont encore quand même assez d’esprit et d’encre pour écrire des apologies et signer des motions de soutien au Roi.

La preuve c’est que chaque fois que l’on célèbre un anniversaire du parti flamboyant des flammes, le ton n’est donné qu’à la danse, aux ripailles et à la beuverie. Lors de chaque meeting, on se rassure d’abord que les pagnes sont bien cousus, que les tam-tams sont bien chauffés, que les groupes de danses sont bien constitués, que les pancartes sont bien lisibles, et que les banderoles sont bien élevées au ciel. Chaque fois que le Président du parti doit passer sur une route ou une avenue, ses ouailles se rassurent que les faciès des immeubles sont bien blanchis, que les herbes ont été bien couchées, que la chaux a bien recouvert le bitume sur la route. Une route pleine d’ânes avec les dos bien arrondis et de poules avec des nids bien profonds. Mais qui du jour au lendemain se voit bénéficier de quelques « pansements routiers ».

C’est dire que les hommes chargés de veiller sur le bien-être des populations, leur sécurité au quotidien, sont préoccupés par des choses plus importantes à leurs yeux. Et c’est le moment où ils sentent qu’ils seront surpris dans leurs forfaitures, qu’ils essaient de se réveiller de leur sommeil de parésie. Et quand certains d’entre eux se retrouvent coincés dans les geôles, ils commencent à pleurer à chaudes larmes, à crier à l’injustice, et à déployer leurs talents de libres penseurs et d’ « écrivains publics ». Mêmes ceux qui ont la chance d’être encore en « liberté », de situation bien évidemment, vivent sous un régime de la peur et de la servitude qui friserait l’ensorcellement et l’idolâtrie. Ils ne prendront jamais le risque pour dire la vérité au Prince, même s’ils savent que cette vérité va aider le pays à avancer d’un pas. Ils préfèrent se taire pour ne pas le fâcher, ils préfèrent mentir que tout va pour le mieux au grand dam de tous ceux qui souffrent du fait que tout va mal.  Ils n’ont plus de forces que pour soutenir le Chef pour qu’il ne tombe pas, ils savent que tant qu’il est là, eux aussi sont là. Ils n’ont donc rien compris ! Soutenir le chef de l’Etat ce n’est pas lui jeter des fleurs qui sont en réalité des peaux de bananes sur son chemin. Le soutenir ce n’est pas par des motions de soutien mais par des idées fortes et des forces de proposition. Le soutenir c’est l’aider à avancer et non à rester sur (sa) place. Le soutenir c’est aider son peuple à l’aimer et non à le craindre. C’est de servir le ministère auquel on a été appelé, c’est d’être le maitre de ses appétits et le serviteur de la nation.

 

Félix T. MBETBO

Chroniqueur

monsieur2035@yahoo.fr

 

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