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Netour, bibliothécaire : « La lecture n’est pas la chose du monde la mieux partagée dans le Grand Nord… »

De nombreux intellectuels et acteurs de la scène littéraire déplorent avec justesse la « crise de la lecture ». Qu’en est-il dans le Septentrion ?

Nous sommes au Cameroun. Les mêmes réalités que nous vivons au Sud (en matière de lecture) sont les mêmes que nous connaissons au Nord de notre pays mais à des degrés différents car dans le septentrion, l’accès au livre n’a pas été chose facile jusqu’à une époque récente. A Garoua par exemple, la démocratisation de la lecture s’est faite au travers de la création des bibliothèques publiques telles la bibliothèque pilote provinciale de Garoua en 1992 et l’Alliance Française de Garoua en 1994, laquelle Alliance nait des cendres de l’Antenne culturelle Française, représentation locale du centre culturel français de l’époque alors ouverte à un public restreint. Pendant plus d’une décennie, le « boom documentaire » des années 90 a fait place aujourd’hui à ce que vous appelez la « crise de la lecture » et pour cause, l’acquisition tardive de la tradition des bibliothèques par des populations locales au pouvoir d’achat très faible. Ici, l’acquisition des connaissances se fait par des voies classiques à savoir, l’école dont l’objectif final reste de trouver un emploi rémunéré et, les média qui proposent pour la plus part du temps que des loisirs. Voilà ce qui explique la crise de la lecture chez nous et, ce qui n’est pas une fatalité car bien d’issues de sortie de cette crise existent.

Quels sont les obstacles à la lecture dans le Grand Nord ?

Au premier plan, la pauvreté, la majorité de la population n’ayant pas assez de moyens pour la scolarisation des enfants. Ensuite l’affairisme, du fait que jeunes et adultes s’activent tous les jours sur le champ économique avec pour but non seulement de perpétuer une tradition ancestrale qui remonte très loin dans le temps mais également pour se mettre à l’abri des besoins matériels et, une fois parvenus, ils deviennent allergique au livre et à la lecture.  Puis, l’inorganisation des acteurs du secteur du livre qui, chacun, évolue de son côté au lieu de mutualiser leurs efforts pour gagner le pari de la lecture.

En fin l’usage abusive des nouvelles technologies de l’information et de la communication par certains qui s’égarent dans les méandres de la cybernétique, par manque de connaissance en recherche documentaire sur la toile d’où l’utilisation du net à des fins inavouées pour ne citer que ces points-là

Comment motiver les populations des régions septentrionales à lire ?

Pour que la lecture devienne la chose du monde la mieux partagée dans le Nord, on doit multiplier des campagnes de sensibilisation à travers des séminaires, des tables rondes, des conférences, des jeux (questions- réponses), l’implication de l’élite dans le développement du livre et la lecture à travers des dons d’ouvrages et l’attribution annuelle des prix aux auteurs de la Régions. L’initiation des élèves à la lecture par leurs enseignants qui doivent prêcher par l’exemple en fréquentant les bibliothèques. Et, le plus important, la valorisation du métier de bibliothécaire encore méconnu de nos populations

Comment l’Alliance Française s’emploi –t-elle à encourager la lecture

A travers sa bibliothèque d’une capacité de 15.000 ouvrages, l’Alliance organise des conférences scolaires, rencontre autour du livre, des films, expositions, visites guidées, des ateliers d’écriture, la formation des acteurs du livre de la sous-région, les activités hors les murs, projection, foire aux livres…

Livre et lecture vont de pair. Quel est l’état de santé de l’activité livresque dans le grand Nord ?

Le livre ne se porte pas trop mal dans le grand Nord car des structures publiques et associatives s’emploient pour le faire vivre notamment, les bibliothèques universitaires de Maroua et Ngaoundéré, les bibliothèques scolaires, les bibliothèques municipales (Lagdo), pilotes provinciales (Garoua) et l’Alliance Française de Garoua et son annexe de Ngaoundéré. Des librairies et autres vendeurs du poteau existent qui alimentent les villes en livres.

A Garoua, on a accès aux presses locales et étrangères (bien qu’avec un léger retard) grâce à certains sous-traitants de Messapresses. Aussi, l’accès à l’internet se développe comme dans tous les autres coins du pays.

Seul problème palpable : l’absence d’une véritable maison d’édition dans le Nord où certaines imprimeries en font office pour la confection de quelques documents de ville (affiches, livret, prospectus…)

Le fait que le livre ne soit pas à la portée de tous n’est-il pas un obstacle à la lecture ?

Nous l’avons déjà mentionné ci-haut, certes le livre circule dans le Nord mais il n’est pas à la portée du citoyen moyen qui cherche d’abord à satisfaire ses besoins primaires : se loger, se nourrir, se vêtir, se soigner. Et même ceux qui en ont des moyens ne font pas la différence car l’Investissement est fait ailleurs que dans les livres, un bien qui peine encore à rentrer dans les mœurs des populations..

Qu’est ce qui explique la faiblesse de la production littéraire au Grand Nord ? On a l’impression que le gros des écrivains se recrute au Sud.

Si le grand Nord avait été autant doté en infrastructure que le grand Sud, Il y aurait eu équilibre, je pense, car le gros des Universités, des maisons d’éditions, des chaînes commerciales et autres sont concentrées au Sud où la scolarisation est vite entrée dans les mœurs contrairement au grand Nord. L’habitude de lire impliquant parfois le désire d’écrire, alors le très peu d’engouement des populations du Nord au sujet du livre contrairement aux affaires ne pouvait que créer ce déséquilibre. Mais cet écart est en train d’être réduit à travers quelques écrivains du Nord tels : Dina Koliang Taïwe, Mbida Ozias, Badiadi Hore Towoudo, Djahili Oumarou Amal, Ousmanou Magadji, Hinimbio Taïda et bien d’autres…

 

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