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Joyce Babatunde : pourquoi ça ne passe pas ?

La chanteuse, rappeuse et slameuse camerounaise a rivalisé de performance avec des artistes de son calibre à la finale du Prix Découvertes RFI 2025. L’avoir annoncée le 28 janvier dernier parmi les 10 finalistes du Prix Découverte Rfi – talent à découvrir en 2025, présageait déjà son niveau assez élevé. Surtout que cet événement annuel récompense les meilleures créations d’artistes africains et des Caraïbes.

Ce n’est pas passé pour la Camerounaise. C’est passé pour la Guinéenne Queen Rima. Le jury, présidé cette année par la chanteuse béninoise Angélique Kidjo, a délibéré le 17 février dernier. Son choix s’est porté sur (Queen Rima, Marie Tolno de son vrai nom), qui a tropicalisé le dancehall en Guinée Conakry, (style né dans les années 1970 et 1980 en Jamaïque).

J’ai revu cette « bombomclate et malalade de scène » en concert le 13 juin dernier, dans le cadre de la réouverture du Goethe-institut Kamerun. Au sortir de ce show live, j’ai eu la même sensation qu’au sortir de son spectacle du 22 septembre 2023 à l’Institut français du Cameroun (Ifc), site de Yaoundé. Donc une artiste du monde, moderne, fortement occidentalisée, qui parle anglais comme une « statoise », qui chante et rappe comme une Américaine. Mais surtout accompagnée par une équipe de très bons artistes : Abanda Petit-Jean aux percussions, Ben Bossambo à la basse, André Jude aux claviers, Stéphane Ndzana (Toto) à la batterie, Arlène Nna et Joël Essindi aux chœurs.

Si la persévérance de la jeune chanteuse et danseuse de 29 ans, Queen Rima, a fini par payer après sa troisième tentative (finaliste en 2022 et 2023) à cette compétition, Joyce Babatunde peut-elle retenir cette leçon de persévérance ? Bon sang ! Comment Joyce n’est pas passée face à Queen Rima ? J’ai écouté l’offre musicale de la Guinéenne. Elle allie les rythmes du dancehall à des influences patrimoniales guinéennes. Au-delà de tout, Queen Rima chante en langues guinéennes, notamment le pular et le soussou, mais aussi en anglais ou en français. Sa démarche artistique est adossée sur la défense de la cause des femmes dans une société toujours très patriarcale et sur la dénonciation des inégalités que des femmes subissent dans l’industrie musicale.

Babatunde a-t-elle laissé passer sa chance en 2023 ? La rappeuse congolaise Jessy B, (Jessica Francia Diatsona Biggerman de son vrai nom) est passée. Je ne vois pas comment Joyce, tout feu tout flamme cette année-là, ne devrait pas être la 5e Camerounaise à remporter ce prestigieux prix ; après Coco Mbassi en novembre 1996, avec le titre Muengue Mwa Ndolo ; Sally Nyolo en 1997 avec l’album Tribu ; et le groupe Macase en 2021 avec le titre Etam. Longtemps avant, Ottou Marcelin en 1982.

Joyce Babatunde peut quand même se contenter du fait d’être dans la shortlist des Camerounais finalistes de ce concours : le célèbre bassiste et chanteur Richard Bona en 1995 ; Kareyse Fotso en 2009 ; et Sanzy Viany en 2010 et 2015, Cysoul et Lydol en 2019.

Son aventure devrait-elle s’arrêter là ? Que non ! Elle devra repartir à l’assaut si elle a retenu la leçon d’endurance et de persévérance. Mais Joyce devra se réaliser autrement. Si je n’ai pas eu grands effets après ses concerts de l’Ifc et du Goethe, sauf l’orchestration irréprochable, je pense que le jury qui l’a évaluée n’a certainement pas aimé ce qu’elle propose jusqu’ici.

Je la connais humble. Cette humilité devra la guider à ce qu’elle se réinvente. Je connais aussi un peu ce qu’elle a traversé à Bamenda (zone en crise depuis 2015) avant de se retrouver à Yaoundé, où elle entre dans l’antre du laboratoire musical de Bastos dont le promoteur est Serge Maboma.
Depuis la création de son spectacle, je cherche encore ce qui change d’une date à l’autre. Comme les lauréates de 2023 et de 2025, Joyce chante contre les violences faites aux femmes et les souffrances de ses frères et sœurs englués dans la crise anglophones. Ces sujets sont suffisants pour qu’elle me fasse pleurer. Mais elle n’y arrive pas encore. Le jeune slameur, Tanni Desmond Awa (Mottanni), encore inconnu l’a pourtant fait. Il faut peut-être qu’elle se remette au théâtre où elle pourra trouver d’autres ressources et d’autres voies.

Pendant son concert du Goethe, elle a donné ce qu’elle a de plus original à la fin. Cette chanson à la base « ndjang » rythme des peuples de la région du Nord-ouest. Je crois qu’elle doit mettre l’accent sur ce rythme et chanter dans sa langue. Elle devra également demander conseil aux plus expérimentés de ce rythme tels que Afo Akom, Ateh Bazore, entre autres ; afin de comprendre ses fondamentaux même si après elle peut y apporter une touche urbaine. Son costumier devra aussi trouver autre chose que cette robe en pantalon baggy assortie des ailes au niveau des épaules.

Je cherche à répondre à la question, « pourquoi ça ne passe pas avec Joyce Babatunde » ?

Alain Ndanga, journaliste culturel, chef service Culture au quotidien Mutations.

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