PORTRAIT : SINGUILA

Singuila a toujours été entre deux mondes. Entre la France, où il est né, et le Congo, où il a passé plusieurs années. Entre le R&B, son style de prédilection, et le rap, la musique avec laquelle il a grandi.

Pour Singuila, la musique est une passion depuis le plus jeune âge. C’est en bricolant avec le matériel de son grand frère, chanteur dans un groupe d’enfants, que Singuila commence à entrer dans le son. « J’étais dans le R&B, et j’avais un groupe de rap à Cergy-Pontoise, Psyché Poétique. On confrontait nos styles avec les autres groupes du coin. Souvent dans ces shows, quand celui qui gagnait n’était pas du coin, les locaux voulaient lui casser la gueule, donc on repartait en courant souvent vu qu’on était les meilleurs. Je me suis mis aux refrains chantés, eux voulaient rester strictement rap, on s’est séparés. Mais il a fallu que j’adapte mon écriture à un public de quartier, c’est pour ça que je me suis mis dans ce que vivent les mecs de la rue, ce pour quoi on aime R. Kelly. J’avais déjà un côté urbain, pas variétés ».

Le showbiz, Singuila y entre avec « Comme Personne », une chanson incluse sur la compilation Indigo R&B, sortie via le Secteur Ä. « Je suis allé les voir mais ils ne voulaient même pas écouter ce que j’avais fait. C’était une période difficile pour moi, j’étais à la rue. Alors j’ai mis ma K7 dans le poste, j’ai gardé mon doigt appuyé et j’ai chanté dans le bureau. Ça les a convaincu ». Après ce départ vitesse turbo, il sort un premier album en 2003, On Ne Vit Qu’Une Fois, qui sera certifié disque d’or. Le grand public découvre alors ce crooner soul et ses paroles de lascar lover.

Les albums s’enchainent, mais Singuila n’est pas satisfait de sa promo et ses ventes stagnent. Il en profite pour se remettre en question. « Il fallait que je reparte à zéro, que je sorte du concept R&B français. Les premiers à avoir répondu à ma musique sont les Africains, notamment au Gabon, au Cameroun, au Congo et en Côte D’Ivoire ».

La carrière de Singuila se développe donc sur le continent africain. Son single « Rossignol » devient un hymne au Gabon et cartonne sur tout le continent. Très vite, ce qui se passe en Afrique trouve son écho en France : il signe chez Sony Music début 2016, et se met au travail sur un nouvel album. Il commence par rassembler un aréopage de producteurs talentueux, sélectionnés pour leurs capacités à allier le meilleur des beats hip-hop avec la douceur de la soul. On retrouve donc Mike Bangerz et Black Kent, qui ont géré le premier single « Retour De Flamme », mais aussi le DJ de Singuila Nasty Nas, Nico Nocchi, Dave ainsi que le Belge Azaïa pour « Je voulais juste », le duo avec Alonzo.

La thématique de l’album ? L’amour toujours, mais celui d’un mec de rue, qui sait être romantique sans faire le canard.

« Retomber Sur Mes Pieds » est un titre écrit pendant la période de doute, quand Singuila voyait plusieurs de ses collègues abandonner la musique. « Solitude » s’inspire des mélodies de la chanteuse Enya tandis que « Le Fan » raconte une histoire vraie. « J’avais fait un concours pour lequel les gens devaient me raconter leurs histoires et j’en faisais une chanson. Je suis tombé sur la lettre d’un fan qui m’a touché, et je m’en suis inspiré pour écrire ce texte. Il est dans une situation dramatique mais tout ce qu’il demande, c’est que je chante ».

Que les amatrices de Singuila le séducteur se rassurent : avec « Ça Devient Chaud », on retrouve son style inimitable. Et Singuila parle cash pour évoquer ce titre : « C’est une chanson pour niquer ». « I Love Paris » est un morceau de drague, mais international. « J’étais en concert à Toronto et dans la salle, il y avait très peu d’anglophones. Ça m’a embêté, je me disais que le taf n’était pas fait. Alors pour attirer ceux qui ne comprennent rien au français, j’ai casé quelques mots en anglais. Il me fallait une raison pour parler en anglais. J’ai trouvé : « J’ai dit “excuse me, what time is it ?”, french is so romantic, so hot ». Au début du clip, j’enlève ma montre, je la file à Dave et je vais voir la meuf pour lui demander l’heure ». Astuce de lover.

« Mon Père, C’Est Ma Mère » évoque une enfance sans père avec une mère guerrière, et « Ça Ne Te Ressemble Pas » est un exercice de style R&B à l’ancienne. Sur « Ay’Mama », Singuila retrouve Black Kent et Mike Bangerz qui ont joué la carte américaine, en plus de la couleur afro qui caractérise l’album. Et puis il y a la cerise rap sur le gâteau du lover, « Je voulais juste », duo avec le virtuose de la planète Mars, Alonzo. « J’aime ce qu’il fait, il n’a pas honte d’aller sur un thème léger. J’aime son personnage. Il m’avait invité sur un titre avec lui qui n’était pas sorti, et pour ce projet je me suis dit qu’il serait bien. Il voulait parler de meufs, j’ai dit OK, et on a été sur un thème, à savoir que la plupart des mecs ont rencontré une nana avec une sale réputation. On y va parce qu’elle est fraiche, pas pour construire quoi que ce soit. Mais il arrive que finalement, réputation ou pas, on passe des bons moments avec elle donc fuck le monde ».

Au final, Entre 2 est un vrai disque cosmopolite. Un album en équilibre. Entre l’Afrique et l’Occident. « C’est une chance d’avoir ces deux cultures. Je suis pile poil là où il faut. Je n’ai pas attendu la tendance actuelle pour mettre ma touche afro. Et il se passe quelque chose. Je représente des jeunes qui se voient à travers moi, pour eux je suis quelqu’un qui a quitté un pays en guerre et qui s’en est bien sorti, au bout du compte ».

Singuila est un soldat de l’amour, un chanteur populaire qui utilise certains codes hip-hop pour chanter sa vision de la séduction et concevoir des chansons à la fois romantiques et sexe. Entre 2 en est le parfait exemple, et ce n’est pas par hasard si c’est le disque dont il est le plus fier.

Redoutables mélodies, feat de qualité et sonorités africaines mixées à du R&B urbain : c’est le retour du King Singuila.

Olivier Cachin