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De la « swaggacité » à la « sagacité » : message à la jeunesse de 2035

La révolution des nouvelles technologies de l’information et de la communication en sont le moteur. Ce qui fait en sorte qu’aucun peuple, aussi reculé soit’ il ne peut plus survivre s’il est renfermé sur lui-même. Nous ne sommes plus à l’heure de l’autarcie, la mondialisation arrive même à dévier les frontières de l’embargo. Mondialisation, un homme politique américain dira même que c’est une manière de parler plutôt l’américanisation du monde. Bien que tout le monde ne boit pas du coca cola ni ne mange du Mc Donald. Bref, nous pouvons juste retenir que de plus en plus les cultures entrent dans le jeu de l’échange et de l’interdépendance. C’est avec amertume qu’il faut remarquer que l’Afrique participe à moins de 2% aux échanges économiques, ce qui est aussi le cas dans les échanges culturels. C’est dire qu’elle est plus influencée par la culture et les productions des autres. L’Afrique consomme plus qu’elle n’offre au rendez vous du « donné et du recevoir ». L’Afrique souffre le plus de cette mondialisation, tout lui est imposée de l’extérieur sur le triple plan politique économique et culturel.

Avec donc l’avènement de l’internet, et la révolution de la télé, qui sont des moyens les plus puissants de diffusion de la culture, les jeunes africains sont de plus en plus fascinés par la vie des stars en Europe ou en Amérique. Que ce soit les stars de cinéma, de sport ou de musique. Alors ils veulent devenir comme eux, ils veulent aussi se la jouer, se la raconter, et pour ça ils veulent se procurer le style qui va avec. L’extérieur semble dicter la loi de la mode aux jeunes d’Afrique, qui n’arrêtent pas de la suivre comme un troupeau de moutons, suivrait un berger. Instinct grégaire et attitude moutonnière qui ne laissent aucun doute sur l’aliénation culturelle de la jeunesse africaine. À une époque, l’extérieur avait dicté qu’il fallait s’habiller avec des longs tee-shirts et des gros pantalons (baggys) avec des chaussures lourdes (timberland) et un bandana sur la tête, les jeunes l’ont fait. À une autre, il fallait se coller un sparadrap sur la joue droite, ils l’ont fait ; après il fallait porter les chaussures supra, les haut talons, les collants, les pantalons délavés, les matelots, les chaussures donc la pointe menace le ciel (pointinini) …et que sais je encore, les jeunes n’ont pas dérogés à la règle et n’ont point hésités à le faire. Je peux parier que dans peu de temps, ils nous demanderons de marcher nu, et on le fera avec beaucoup de plaisir, puisqu’on a mis notre raison en congés, et qu’on ne vit plus que par mimétisme. Dès lors, une nouvelle tendance fait son petit bonhomme de chemin dans nos cités, et un mot spécial est utilisé pour la qualifier : le swagg.

Quand on dit de quelqu’un qu’il est swagg, c’est dire qu’il s’habille bien, qui est à la mode. Ce que les jeunes ne savent pas, et qu’il faut préciser ici, c’est que le mot swagg vient de l’anglais swagger qui signifie : plastronner, ou encore se vanter, jouer à l’important, faire son malin. Il faut aussi rappeler que cette nouvelle mode  a trouvé le succès chez nos jeunes, après les concerts à succès de Session d’Assaut et de la Fouine, ce dernier qui a fait de « swagg » sa marque de vêtement. Maintenant c’est le code, pour que tu puisses exister chez nos jeunes, ou alors prouver que tu existes, il faut être « swagg » sinon personne ne doit te regarder, tu dois passer indifférent, voilà ce que pensent nos jeunes aujourd’hui. Ils veulent tout faire pour être à la mode. Je parle ici des jeunes, garçons et filles compris. Même ceux qui n’ont pas les moyens pour le faire, préfèrent s’endetter, utiliser même l’argent destiné à autre chose plus importante pour être à la mode. Puisque bien s’habiller chez eux, pour être « swagg » ça coute des dizaines de milles de nos francs. Et ça devient le fantasme des filles, qui s’écrient, waouh ! celui là est swagg je veux bien aller avec lui. Vous comprenez donc qu’un mec qui connait ce code, ne doit pas tarder avant de se mettre à la « swaggacité » s’il veut bien bénéficier de l’approbation des filles. En plus de la bière, « le swagg » est le deuxième secteur de dépense des jeunes d’aujourd’hui ça il ne faut pas l’oublier. C’est donc ce qui peut expliquer la prolifération vers des sociétés secrètes, faiseuses de nouveaux et rapides riches et aussi vers les kiosques de jeux de hasard, pour effectuer leurs « paris fous et stupides » pour la même finalité.  Il n’ya qu’à voir tous les scénarios qu’ils font pour s’acheter un jean slim, les chaussures hauts talons, une casquette(Wati b, Monster, YMCMB, Unkut…) ou un tee shirt des même marques…l’énergie intellectuelle qu’ils dépensent pour résoudre ce problème est incroyable, et si la même énergie était orientée vers d’autres secteurs plus utiles, je pense que 2035 serait pour demain.

La jeunesse, pour ne plus se faire insulter, se faire manipuler, pour qu’enfin on ne puisse plus avoir moult prétextes pour ne pas lui faire confiance doit enfin se débarrasser du vieux manteau de la mode, des futilités, et changer de code. La jeunesse doit se responsabiliser. Elle qui est devenue championne dans la prodiguassions des sous qu’elle n’a pas obtenu par ses propres efforts. La jeunesse d’aujourd’hui doit changer de code, si elle veut que les choses changent. Elle doit passer de la « swaggacité » à la « sagacité ». Qu’elle ne comprenne pas ici sagacité comme le retour à l’ancienne mode, qu’elle a aussi aveuglément suivie à l’époque du feu Douk Saga, qui est mort assez tôt pour apprendre aux jeunes à vivre désormais utilement. Or vous pouvez voir avec moi que la situation que nous décrivons ici prouve que sa mort n’a pas servie à grand chose. Le commun a la mauvaise habitude de détourner les mots de leurs sens et de lui en attribuer un autre qui n’a rien à voir avec le sens originel. Sagacité c’est plutôt : la pénétration d’esprit, la perspicacité. On dit de quelqu’un qu’il est perspicace, quand celui-ci est doué d’un esprit pénétrant et subtil, qu’il est clairvoyant. C’est-à-dire qu’il a un esprit de jugement, de discernement, qu’il sait distinguer les choses leurs réalités et leurs représentations. C’est donc cette attitude d’esprit que je souhaite voir les jeunes d’aujourd’hui posséder. Parce que la manière avec la quelle ils suivent la mode, qui par définition va se démoder (Youssoupha) est inquiétante pour la suite de l’histoire. Ils veulent bien s’habiller, même s’ils ne se sentent pas bien dans leur habillement, il faut faire bonne impression.

Les jeunes doivent sortir de ce culte du paraitre, ou de la vie par procuration. Ils veulent se maquiller, ils veulent attirer sur eux les beaux regards, ils veulent l’approbation d’autrui, ils veulent se faire remarquer dans la rue, se faire estimer, se faire accepter…ce qui du plan biologique et psychologique (selon la pyramide des besoins de Maslow) est naturelle à l’homme. Mais ce que les jeunes font c’est que pour y arriver, ils utilisent les mauvais moyens, ce qui biaise forcément le résultat. On ne peut pas fonder sa vie, ni la focaliser sur quelque chose de fugace comme la mode et croire qu’on mène une vie digne de celle là. Les jeunes doivent pouvoir mener une vie de profondeur et non de façade. Car abandonner son être, pour vivre la vie d’un autre, dans l’optique de lui ressembler, parce que fasciné par lui,  peut conduire à la plus grande des crises, à savoir la crise ontologique. Vivre en entretenant son extérieur au grand dam de son intimité, de son âme et de son esprit ne conduit qu’à la chute dans un précipice élevé, où rien ni personne ne peut nous aider à en remonter. Or les jeunes de 2035 ne sont rien d’autres que cela, et ils le font assez bien, comme s’ils en étaient destinés.

L’argent que ces jeunes dépensent, qui n’est pas en réalité pour eux, au quotidien est un argent faramineux, mais alors que pour des investissements somptuaires et non rentables. S’ils pouvaient orienter ces dépenses dans l’« économie immatérielle » tout le monde aurait eu peur des résultats. Par exemple, un casque « beat by dre » coute entre 40-60 mille F cfa, pourtant au même moment, au poteau, un livre à l’instar de l’aventure ambigüe de Cheik Hamidou Kane, coûte 1000 F cfa. Ils n’ont malheureusement pas d’yeux pour ça, car ils ont été aveuglés par la mode. Or, l’achat d’un livre comme celui ci, et sa lecture approfondie bien sûr, pourraient changer la vie et le mode de pensée d’un jeune et celui de son entourage avec. La magie avec le livre ou la lecture, c’est que ça ne se démode pas. Ça ne périt pas, et ça ne coute pas cher par rapport à la mode. Un livre lu dure toute une vie, pourtant nos biens accumulés peuvent soit se démoder, soit nous être arrachés par des brigands, et nous voilà dépossédés de nous même pour avoir cru qu’on est ce qu’on a ou ce qu’on possède. Njoh Mouellé va nous apprendre, qu’il faut apprendre à être ce qu’on est. Et quand on insultait Socrate à cause de sa laideur corporelle il disait ceci: « ce qui brille et ébloui les yeux c’est la fausseté or la vérité se cache » ; c’est le même qui avait dit que : ce ne sont pas des richesses que viennent la vertu, mais de la vertu que viennent les richesses et tous les honneurs. 2000 ans après, on ne l’a toujours pas compris. Les jeunes qui ont la « sagacité » jugent non pas selon le paraitre et ce qui se présente à vue d’œil, parce qu’ils savent que l’essentiel est invisible pour les yeux, et qu’on ne voit mieux qu’avec l’esprit, ou alors le cœur pour parler comme Antoine se St Exupéry.

Les jeunes doivent briller, non plus de l’extérieur par leurs vêtements, mais plutôt de l’intérieur par leur enrichissement culturel. Parce qu’ils se seront vêtus du manteau de la science. Il faut quitter de la « swaggacité » à la « sagacité », ainsi le rêve de 52035 pourra enfin être envisageable dans l’ordre de la réalisation. Que les jeunes orientent seulement 1/10e de leurs dépenses en matière de bières, et 1/10e en matière de mode, pour les investir dans l’économie immatérielle, celle de la culture, du savoir contenu dans le livre. Que les jeunes usent de l’internet dans le bon sens, non plus pour des futilités, mais pour découvrir le secret de l’occident, et avoir accès à leur progression en matière de science. Ainsi, on pourra se rendre compte du retard que nous avons vis-à-vis d’eux, et nous pourront mesurer le degré de notre tache. Un jeune qui se forme est une chance pour son pays, pour le monde et pour lui-même. Le Cameroun sous développé a besoin des jeunes producteurs d’idées et d’innovations, des jeunes travailleurs, et non ceux qui passent des heures à dormir, à danser, chanter, lécher les vitrines, regarder la télé, et flâner. Le Cameroun a besoin des jeunes qui vont faire des œuvres qui vont s’inscrire dans la durée ; de ces jeunes qui savent distinguer et choisir leurs modèles, ceux là qui peuvent les conduire sur le droit chemin ; de ces jeunes qui rapportent plus au ministère des finances qu’il n’en reçoivent du ministère des affaires sociales (Albert Memmi) ; des jeunes qui se lèvent tôt, qui prennent leur destin en main ; qui ne parlent plus par le nom d’un autre, mais qui travaillent pour inscrire leur nom dans l’histoire, ceux qui pensent leur avenir, qui ont de l’ambition, qui écoutent, qui lisent, qui discutent, proposent, bref comme l’a dit le Chef de l’État dans ce que j’appelle la « trilogie de 2035 », ces jeunes qui savent qu’il faut : « Oser, Créer et Innover ».

By TATLA MBETBO Félix, sur la colline. 

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