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Lauryathe Céphyse BIKOUTA : « J’ai un sens inné à la communication et à l’art… »

Bonjour, Lauryathe Bikouta. C’est un très grand plaisir que d’échanger avec toi pour le compte de Culture Ebène. Alors pour ceux qui ne sont pas suffisamment avertis par rapport au théâtre africain, tu peux leur dire qui est Lauryathe Bikouta?

Bonjour, merci de me recevoir dans votre magazine. Je suis Lauryathe Céphyse BIKOUTA, je suis congolaise, j’ai 43 ans, je suis promotrice culturelle, initiatrice et directrice de tuSeo, premier festival international du rire en République du Congo et dans la sous régions Afrique Centrale depuis octobre 2004. On dit de moi que je suis entreprenante, ambitieuse et professionnelle, autonome et déterminée. Je suis très attachée à ses racines africaines autant qu’elle est ouverte sur le monde. Après des études universitaires en langues et littérature française à l’Université Marien Ngouabi de Brazzaville, je me suis s’engagée dans la vie professionnelle en 1996, notamment dans le domaine du secrétariat. Mais ma passion pour l’art, la culture et la communication ne tarde pas à se révéler et à m’amener hors des sentiers battus. La crise politique du 5 juin 1997 me forçant à s’installer à Pointe-Noire, très vite, je me suis hissée au rang des femmes les plus en vue dans les milieux culturels de la ville océane.  J’ai mené une vie très active au sein de l’Association des jeunes pour les jeunes (AJPJ). Collaboratrice au journal La Semaine Africaine, j’ai été primée en 1998 « Prix Tchikounda » de la meilleure journaliste culturelle par la Direction régionale de la culture et des arts au Kouilou. J’ai fondé en 1998 de la Compagnie Zangul’art, première troupe féminine congolaise de théâtre que j’ai dirigé et dans laquelle je me suis illustrée également par mes talents de comédienne. Je créai plus tard, tour à tour, l’Union des femmes artistes du Congo (UFAC) en avril 1999 ; Badaboum, une production des spectacles de hip hop ; Reg’Arts, bulletin d’information culturel et le groupe M’Sendo théâtre, elle aussi composée que des femmes. Aguerrie par toutes ces expériences, je suis revenue à Brazzaville en mai 2003. C’est cette année que je crée le festival tuSeo dont la première édition s’est tenue du 24 au 28 octobre 2004 à Brazzaville, République du Congo. La dernière initiative à mon actif est la création en février 2011 en France, de l’association socioculturelle dénommée «Association Lenda », qui est aussi la nouvelle organisatrice du festival du rire tuSeo en remplacement de l’UFAC.

Pourquoi et comment tu t’es retrouvée dans la culture et particulièrement dans le théâtre, voire l’humour spécifiquement?

Il n’y a vraiment pas de raison très valable qui ont fait que je me retrouve dans la culture. J’ai tout d’abord un sens inné à la communication et à l’art, je suis aussi un boute-en-train en ce qui concerne l’humour. Mais l’entrée dans le monde de la culture a commencé à l’école primaire (je suis de l’époque du Communisme, donc du monopartisme) quand les groupes congolais avaient chacun son propre groupe vocal, sa troupe de théâtre. Arrivée au collège, j’étais parmi les élèves qui faisaient le journal du collège tous les matins pendant la montée des couleurs (le drapeau du pays). J’avais ensuite intégré la grande équipe des pionniers qui présentait les émissions à la radio, puis à la télévision nationale, malheureusement, je ne peux pas vous dire pourquoi on nous appelait les pionniers, je sais seulement que j’étais pionnière (rires). On nous appelait aussi « les jeunes propagandistes du PCT, Parti Congolais du Travail », parce qu’à l’époque c’était le parti qui dirigeait le Congo. Là je peux vous dire quand même qu’on faisait la propagande du parti, donc je faisais la politique sans le savoir (rire). Par contre j’aime beaucoup cette période de ma jeunesse, je ne regrette rien, bien au contraire je me réjouis d’être passé par cette formation un peu spéciale. Ce fut très enrichissant. Nous étions très jeunes à l’époque mais avions appris à être autonome dans notre travail, à cultiver l’amitié, à partager des idées, à se respecter, respecter la nation et à la faire respecter. Je partais en Colonie de vacances ce qui a renforcé ce que j’avais déjà de naturel en moi : la communication. Je me suis fait beaucoup d’amis aussi bien au niveau national qu’à l’international, des amis avec qui nous entretenions encore des bons rapports.  J’ajoute que j’avais 12 ans et starlette (rire). Cet étiquette m’avait suivi jusqu’au lycée. C’est d’ailleurs grâce à cette visibilité que j’avais été sollicité un jour, par deux garçons que je ne connaissais pas (Roland Chidas) qui avaient débarqué à la maison pour me demander de jouer dans une troupe de théâtre (Pour le bon plaisir de vivre) qui venait d’être crée par Patricia Louniongo, puis s’en ai suivi d’autres troupes pour d’autres spectacles. Je suis comédienne certes, mais pas une humoriste professionnelle, en tout cas, ce n’est pas  encore arrivée d’être sur scène avec ce titre noble. Pour le moment, je me préoccupe à les produire à tuSeo depuis 2004.

Avais-tu un modèle qui t’a forcément conduite dans le domaine artistique? Puis, est-ce que tu en as un présentement?

Non, je n’ai vraiment pas été attiré par un modèle. Je n’ai eu des modèles que lorsque j’ai intégré le milieu professionnel du théâtre. J’aime parfois me mettre dans la peau de Georgette Kouatila, Marina Haoui, Roland Chidas, Eric Mampouya, Ulrich Ntoyo, Fine Poaty, Clauvis Ngoubili, Dieudonné Niangouna, Pierrette Mandako, Alvie Bitemo, Fortuné Bateza.

On a beaucoup plus connu le théâtre congolais à travers de grands classiques comme Sony Labou Tansi… Dans l’humour, on n’a pas eu de grands noms. Alors qu’est-ce qui a motivé Lauryathe à s’investir dans le domaine humoristique au point d’initier un festival international du rire?

Effectivement quand j’ai parlé de ce projet à quelques personnes, je n’étais pas très encouragée. On a failli m’arrêter dans mon élan sous prétexte qu’il n’y avait pas d’humoristes au Congo et que j’étais une femme. Je tenais absolument à réaliser mon projet, que j’ai même pensé que, si ces humoristes n’existent pas, tuSeo devait les créer. Il n’était pas possible qu’un pays manque d’humoriste. Le Congo a des humoristes, certains n’ont pas eu le temps de se faire une renommé internationale, d’autres par contre, c’est  par faute d’être pris au sérieux. Dans mon pays on ne fait pas beaucoup attention aux artistes comédiens de toutes les façons. Mais ils sont là. C’est pour cette raison que le festival tuSeo se donne pour objectifs de les faire connaitre et de susciter aussi les talents. Fortuné Bateza est l’un de ses humoristes que tuSeo a révélé au public. Il parcourt maintenant les festivals africains du rire. Avec un peu de sérieux et de soutien dans le travail, le Congo aura aussi des Sony Labou Tansi dans l’humour mais, ils doivent beaucoup travailler, être professionnel surtout parce que Sony était bosseur. En dehors des humoristes qui montent sur les planches, nous avons la chance de rire tout le temps en musique avec des artistes comme Zoba Casmir Zao, monsieur « ancien combattant ». Dans chaque chanson de Zao, on risque toujours de se faire briser les côtes. Il y’ a l’orchestre ballet les Anges, qui nous faire beaucoup marrer aussi avec sa chanson « l’école agréable », Philippe Sita nous fait beaucoup rire aussi par ses textes, il y a Youss Banda qui ne tari pas d’humour dans ces compositions, le jeune Kavla emboite le pas à ces doyens, il chante la joie. L’humoriste congolais qui s’affiche sur le plan international est Phil Darwin, mais il est basé en France.

Parle-nous de ce festival du rire tuSeo qui est très connu dans l’univers culturel africain et international.

C’est un projet né en 2003 et mis en œuvre en octobre 2004 à Brazzaville. tuSeo œuvre pour la promotion de la création contemporaine des humoristes d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique dans le domaine du rire en donnant l’occasion aux professionnels et aux débutants de porter leur talent à la connaissance du public tout en favorisant l’échange. L’objectif visé est  de faire de Brazzaville  le carrefour du rire, de permettre la circulation des spectacles du rire entre le Congo et l’étranger, amener les producteurs à promouvoir les créations du rire à travers des supports audiovisuels, écrits, multimédia et Internet. Pendant quatre années consécutives (2004, 2005, 2006 et 2007) le festival du rire tuSeo a été organisé par l’UFAC (Union des femmes artistes du Congo) Désormais, l’association Lenda aussi s’impliquer dans la réalisation des prochaines éditions.

Quelle est aujourd’hui l’actualité de Lauryathe Bikouta, la "guerrière"?

La guerrière, c’est jolie comme surnom (rire). Je suis restée entreprenante, ambitieuse et professionnelle, autonome et déterminée. Ma source d’inspiration est toujours aussi florissante par contre, je suis encore dépendante financièrement pour mes projets (éclats de rire) c’est vrai, je ne suis pas encore riche financièrement !

Pour l’ensemble de tes combats en faveur du théâtre et de l’humour africain, quel meilleur souvenir tu en retiens actuellement?

Le souvenir d’avoir contribué à enrichir la vie culturelle au Congo et en Afrique. Le souvenir d’avoir fait beaucoup de rencontre à travers le monde, le souvenir d’avoir été utile et le plus beau est sans doute la réalisation du festival du rire tuSeo.

Existe-t-il de mauvais souvenirs aussi dans ton parcours?

En tout cas, je ne m’en souviens pas, où ils n’étaient pas assez mauvais pour que je les mémorise. Par contre, je regrette sans cesse de ne plus pouvoir travailler avec Romuald Njimbi (Yâ Ro), Frida Bouma et Jean Jules Koukou, des artistes congolais partis trop tôt de l’autre côté et avec qui, j’avais des projets prometteurs. Il y’a aussi l’absence infini d’un grand ami qui va se faire sentir à tuSeo 2012, celui du comédien togolais Eric Yanumi Kokouvi Mitchikpé, décédé en 2009. Nous parlions de son projet de festival prévu pour décembre 2009, lorsque tous mes mails n’eurent plus de suite. Il a participé à deux éditions de tuSeo (2006 et 2007). Il va beaucoup manqué au public de Brazzaville.

Aujourd’hui, quel bilan la très vaillante Lauryathe Bikouta peut-elle avoir après son long parcours artistique?

Le bilan est plus ou moins positif dans l’ensemble, mais j’aimerai faire plus. En même temps, la plus belle femme du monde ne donne que ce qu’elle a de mieux (rires). Je suis parvenue à faire vivre des idées que j’avais en des projets concrets, c’est déjà encourageant. Il reste encore des paris à gagner, le combat continu.

Qu’est-ce qui fait ta fierté sur le plan artistique?

Je crois que l’ensemble des initiatives que j’ai prises, la réalisation des activités que j’ai mises en place et qui ont profité à d’autres personnes. La compagnie Zangul’Art en 1998 l’Union des femmes artistes du Congo (UFAC) et Badaboum en 1999, tuSeo en 2003, l’association Lenda en 2011. Les artistes que j’ai accompagné dans leur travail, les conseils que j’ai légué et qui ont donné des bons fruits, mes formations…

Est-il possible pour la jeunesse africaine qui aimerait suivre tes traces de rêver dans le contexte actuel du Continent?

Le rêve est permis pourvu que l’Afrique arrête de s’illustrer comme le Champion du Monde toutes catégories en matière de guerres ethniques inutiles et stériles, à cause de l’acharnement de la plupart de ses dirigeants à pouvoir rester coute que coute au pouvoir quitte à liquider le peuple, la jeunesse en premier d’ailleurs. Vous savez, j’ai horreur des discours qui utilisent le nom de la jeunesse comme appât pour venir à bout de leur propre intérêt. Alors qu’on arrête de faire de nous faire chier! Heureusement, nous avons une force qui surprend parfois notre découragement et nous avançons. La vie n’est pas facile mais tout est possible. Que ceux qui veulent suivre mes traces s’arment d’endurance, de persévérance, il faut beaucoup travailler, être courageux, assidu, engager, patient, avoir beaucoup d’énergie pour être sur de reprendre les forces après les défaites et avancer, le combat n’est pas facile et la lutte continue.

Qu’as-tu fait jusqu’ici pour assurer la relève au Congo?

Formellement, ce n’est pas par un cours magistral que je compte assurer la relève. C’est à  travers tout ce que je suis, ce que j’ai déjà fait et que je continue de faire. Il y a déjà de la relève dans la mesure où j’ai inspiré d’autres personnes, j’ai donné du courage à d’autres congolaises surtout, d’oser intégrer les rangs des hommes dans l’organisation des festivals du spectacle vivant, des événementiels. Je partage très facilement mes idées, personne ne vous dira le contraire. Je trouve du plaisir à donner ce que je connais, je ne connais pas la rétention de l’information, j’accepte de travailler dans mes projets avec des bosseurs. Dieu merci, il y en a, des gens qui me disent que j’ai été leur source d’inspiration, ce n’est pas de la relève çà !

Quel message Lauryathe peut-elle laisser à l’endroit de la jeunesse africaine, des intellectuels et surtout des dirigeants africains pour un humour africain plus rayonnant?

Je voudrais dire à la jeunesse africaine qu’elle est la plus belle du monde, la plus courageuse, la plus dynamique mais qu’elle arrête de devenir des fans stériles des mauvais politiciens qui ne les enrôlent que pour leur propres intérêts. La jeunesse africaine a droit à un avenir radieux et non aux rêves brisés par des paroles en l’air. Qu’elle apprenne à se parler, à s’unir à se partager des bonnes idées pour faire triompher leurs projets. Aux intellectuels africains, je leur demande d’être encore très intelligents et plus sages, de nous aider à trouver des solutions aux maux qui minent le Continent au lieu de nous remplir les crânes avec leur gros français. Qu’ils soient des armes pour défendre l’Afrique. Chers dirigeants africains, il est temps d’armer nos pays des vraies armes c’est-à-dire, celles qui ne tuent pas le peuple, endettent nos pays et détruisent l’environnement, mais celles qui vont tuer notre médiocrité et le déshonneur de l’Afrique. Faites nous rire de bonheur, ne censurer pas les créations artistiques qualifiées de critique parce que, vous vos oreilles n’aiment pas écouter la vérité. On ne se moque pas de vous, on vous parle avec notre inspiration, c’est notre langage à nous, de la même manière que vous en avez, surtout lorsque vous êtes en campagne. On vous aime, rendez-vous cet amour en soutenant nos initiatives, avançons ensemble.

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