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Bassek Ba KHOBIO : « Sur 100 jeunes qui font dans le cinéma au Cameroun, la majorité est passée entre les mains d’Ecrans Noirs… »

Alors que la date d’ouverture de cette 27ème édition du Festival Ecrans Noirs se rapproche, le délégué General M. Bassek Ba KOBHIO se sent moins stressé que les éditions précédentes. En effet, les équipes sont en plein dans les préparatifs car cette édition célèbrera également le Centenaire d’Ousmane SEMBENE : un monument du Cinéma africain. Dans cette interview accordée à Culturebene, M Bassek nous livrera plus de détails sur la 27ème édition du plus grand festival du cinéma en Afrique Centrale. Ecrans Noirs 2023, ce sera du 14 au 21 octobre 2023 dans plusieurs villes du Cameroun et principalement à Yaoundé. Les billets électroniques pour les projections sont déjà disponibles sur le site de l’organisation: www.ecransnoirs.org

Bonjour M. Bassek. Alors, comment vous sentez vous, à quelques jours de l’évènement ?

Si je compare aux années antérieures, je suis beaucoup moins stressé, je suis plus dégagé car entre temps mes jeunes collaborateurs ont acquis de l’expérience et s’occupent désormais des choses très prenantes. Nous avons aussi accueilli d’autres personnes dans l’équipe, cela me laisse donc le temps de commercer avec nos invités, prendre un verre et discuter avec eux. Le stress il y’en aura toujours mais par rapport aux autres éditions y en a moins.

Nous sommes rendus à la 27 ème édition du Festival Ecrans Noirs : quel bilan pouvez faire des 27 ans ?

Déjà 27 ans, quand vous avez un enfant qui atteint cet âge, sachez que vous avez mis sur pied un Homme qui doit tout simplement continuer sa vie. Quand on connait la moyenne d’âge de vie pour une manifestation artistique, 27 ans c’est une preuve suffisante que la manifestation tient. Cependant, on ne peut pas totalement être content car l’organisation d’un festival doit toujours se terminer sur une espèce de sensation de manque, de ce qu’on aurait pu bien faire, de ce qu’on doit améliorer. Mais globalement oui je suis satisfait de ce que nous avons accompli jusqu’ici. Nous revendiquons et personne jusqu’ici ne nous a pas encore démenti sur le fait que, sur 100 jeunes qui font du cinéma au Cameroun, 80% est passé entre les mains d’Ecrans Noirs. C’est un grand succès pour nous ! De plus, nous n’avons jamais sauté une année d’organisation même pendant la crise sanitaire avec le Covid. Tout cela fait que nous sommes plus ou moins contents de ce qui se passe mais chaque année est différente.

Observez-vous des améliorations dans les œuvres cinématographiques sélectionnées cette année ? 

Tout d’abord les scenaris sont davantage bien écrits, les sujets sont plus osés, la production plus ingénieuse et les comédiens sont devenus meilleurs. Aujourd’hui, vous avez des pépites qui se font avec des budgets moindres et c’est plutôt à encourager. Tout cela nous amène à penser qu’au niveau de l’Afrique aujourd’hui, le Cameroun a un cinéma qui est respecté.

« Le cinéma comme école du soir », tel est le thème de cette 27ème édition du Festival Ecrans Noirs. Alors, pensez-vous que la nouvelle cuvée de cinéastes étudie dans cette école ? Par quels enseignements sont-ils le plus influencés au regard de leurs œuvres ? 

Quand nous parlons du « cinéma comme école du soir », en référence aux propos d’Ousmane Sembene, cela veut dire qu’il fallait qu’on fasse des films qui amènent notre peuple non pas seulement à avoir de belles images mais des images qui enseignent et sensibilisent. Aujourd’hui quand on regarde certains films, c’est très léger pour le grand quartier populaire. C’est bien aussi mais les films d’auteurs, militants ou de combats il y’en a de moins en moins. C’est pourquoi la réflexion va porter sur le fait de savoir, si on continue de faire du cinéma pour nos peuples ? Ou alors nous le faisons juste comme les autres ? C’est à dire en mettant le bling bling en avant. Nous voulons pourtant des films d’éducation

Que peut-on relever comme faille dans le cinéma africain actuel ? Que doit on corriger ?

Tout est à corriger ! Pas seulement dans le cinéma Africain mais de façon globale.

La première faille qu’on retrouve dans le cinéma africain est le problème de financement. Les gouvernements n’ont pas mis en place partout, des fonds pour soutenir la production cinématographique. C’est pour cela que nous organisons des assises à production indépendante camerounaise et africaine en général. Ceci pour sensibiliser les Etats à soutenir les producteurs. Aussi, on devrait mettre l’accent sur la formation des cinéastes. Il faut également davantage de salles de cinéma. Mais tout cela viendra progressivement

Vous avez choisi de célébrer le centenaire d’Ousmane Sembene, que doit-on retenir de lui ? Et de ses œuvres ? Quelques anecdotes ? quand on sait qu’il fait partie de ceux qui vous ont encouragé à créer ce festival, d’ailleurs pour vous chambrer, il qualifiait l’Afrique centrale de « ventre mou du cinéma africain »

Personnellement, moi je suis au cinéma parce qu’Ousmane Sembene y était. Pour vous dire, il a inspiré des générations et continuera de le faire. Il a fait un cinéma militant, combattant et il était très engagé lui-même. Ousmane Sembene n’est pas venu au cinéma pour la beauté des images mais plutôt parce que pour lui c’était un instrument utile pour sensibiliser les populations. Il aurait eu 100 ans cette année, il a fait beaucoup pour nous à Ecrans Noirs. Tenez par exemple ! La photo de lui qui est la plus mise en avant, c’est celle avec une gandoura du Nord-Ouest Cameroun. C’est nous qui le lui avons offert en 2006 lorsqu’il obtenait un écran d’honneur. Tout cela traduit donc notre attachement à Sembene Ousmane. Nous sommes d’ailleurs, très heureux que le Sénégal ait pris la dimension de l’affaire.

A propos, Le Sénégal est le pays invité cette année, après le Maroc. Une forte délégation des hommes du pays de la teranga est donc attendue à Yaoundé avec à sa tête le Ministre du Patrimoine et de la culture. Pouvons-nous avoir le programme détaillé de leur présence aux Ecrans Noirs ?

Ce que je peux déjà vous dire c’est que la journée Sénégal se tiendra le 18 octobre 2023. Avec au programme la projection du film sénégalais présent au Festival de Cannes cette année : « Banel et Adama » de Ramata Soulaye Sy. Entre autre, nous avons annoncé un colloque dédié à Ousmane Sembene et bien d’autres activités qui sont en train d’être programmées.

Un hommage sera également rendu à la réalisatrice française Claire Denis qui est née au Cameroun. Qu’est ce qui a réellement marqué sa carrière ? 

En fait, deux personnes recevront un écran d’honneur cette année, il s’agit de : Mme Claire Denis et Alimata Salembéré cofondatrice du Fespaco. S’agissant de la réalisatrice Claire Denis, elle n’est pas que née au Cameroun, Elle a beaucoup aimé ce pays. Son premier long métrage a été tourné au Cameroun. Et nous sommes nombreux à être venus au cinéma par Claire Denis. Moi je suis sur le plan technique et artistique, l’une de ses fabrications car j’ai été son assistant. De plus, elle a permis à la deuxième génération des techniciens du cinéma camerounais d’émerger. A l’époque avec le matériel lourd c’était pas évident. Il fallait passer des étapes. Alors, avoir la chance d’être sur un plateau, qu’on vous laisse regarder, qu’on vous laisse faire et qu’on réponde à vos questions. Tout ça, nous l’avons bénéficié de Claire. Nous espérons qu’elle reviendra faire un troisième film au Cameroun.

Les femmes africaines s’intéressent elles de plus en plus au cinéma selon vous ? 

S’il y a un secteur dans lequel on ne fait plus trop de différences entre l’homme et la femme c’est bien le cinéma. Les actrices et influenceuses camerounais y en a beaucoup plus que les hommes. Les productrices Camerounaises sont tellement nombreuses, surtout dans la zone anglophone. Et c’est une bonne chose. Donc en terme d’implication, on retrouve de plus en plus des femmes, peut-être pas autant comme on en voudrait comme réalisatrices mais il y en a. Aujourd’hui, je ne suis pas sûr que les hommes tiennent le cinéma plus que les femmes. Avant, la femme était le beau petit bijou qu’on présentait dans un film, mais aujourd’hui elle en est une partie prenante. Et c’est bien d’ailleurs car cela va réguler les choses.

Depuis quelques temps, vous avez lancé un concept « le Kids cinéma corner » destiné aux enfants de 4 à 13, cette année 1500 enfants attendus (du 10 au 21 octobre). De quoi s’agit-il exactement ?

Vous savez, c’est dans l’enfance qu’apprend aux gens à faire des choses. Ainsi, ce concept permet aux enfants très jeunes de s’habituer au cinéma et à nos images. Parce que devant la Tv, très souvent ils voient les images des blancs, asiatiques et ils pensent que le monde c’est ça. Il faut donc ramener à la réalité, leur montrer qu’ils ont des droits et qu’ils peuvent aussi rêver.

Depuis l’année dernière, le festival se décentralise. Après Douala, cette année Ecrans noirs ira dans les trois régions septentrionales (l’Adamaoua, le nord et l’extrême-nord), 10 communes vont accueillir l’évènement. Pouvez-vous nous donner plus d’informations (les dates, les communes choisies) ?

En réalité, c’est une expérience qu’on a amenée depuis. On a été à Nanga Eboko, à Soa etc. C’est à dire que nous allons dans les villes, nous présentons des films, nous avons des formations avec des jeunes qui n’ont pas encore d’emploi et ceux que nous proposent les mairies. Car le Cinéma est une niche d’emploi. Nous portons l’image vers les populations rurales et des quartiers. En somme, nous essayons d’intéresser les gensC’est donc ce que nous referons cette année dans le septentrion. Les détails seront communiqués ultérieurement.

Cette édition encore, trois activités professionnelles seront à l’ordre du jour : le concours 10 jours pour un film et le concours du film camerounais, la résidence d’écriture des lauréats des 4 dernières éditions, les ateliers de formations. A qui ces activités sont-elles réservées ?

Aux jeunes de moins de 30 ans. Ils s’inscrivent sur le site et on les sélectionne sur la base des expériences qu’ils ont déjà et de leur motivation. Nous avons beaucoup de cinéastes avérés aujourd’hui qui sont sortis de ces activités.

Une innovation pour cette 27e édition : Les Assises de la production nationale, de quoi est-il question ?

Nous avons pensé qu’il faut des structures pour soutenir la production. Et pour cela il faudrait que les producteurs soient organisés. Qu’on sache qui est producteur, quelle est sa responsabilité, ce à quoi il se destine.

Le gouvernement a voté dernièrement une loi à l’assemblée pour créer un fond de production de projets mais les privés n’y ont pas encore droit. C’est pour cela que ces assises vont aider à structurer les choses

Qu’en est-il du concours Miss Ecrans Noirs ?

Il va falloir le repenser et le relancer. Que ce ne soit pas qu’un concours de miss mais qu’il y ait surtout un rapport avec le cinéma.

En résumé, que sera la 27ème édition du Festival Ecrans Noirs ? 

Ce sera une édition où Sembene Ousmane, de là où il est sera fier. Une édition qui nous amènera à être heureux de ce que nous faisons. Et surtout qui nous laissera sans dette. Un public nombreux est attendu. D’ailleurs il y’aura encore le prix du meilleur spectateur. Les billets électroniques sont déjà disponibles, il suffit d’aller sur le site.

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Osiera Mebounou

Je suis Osiera Mebounou, animatrice radio/Tv/ et rédactrice

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