Dans une interview accordée à Brut Afrique, le grand journaliste camerounais Alain Foka est revenu sur 5 moments qui ont changé sa vie. Selon le maestra des médias, ces moments sont :
- Son arrivé en France
Arrivé en France le 11 septembre 1979 alors qu’il n’était encore qu’un gamin, il est abandonné à lui-même à l’aéroport. « J’arrive en France le 11 septembre. Le 11 septembre à l’époque, ne signifie rien. Le 11 septembre 1979 et je suis un gamin, un gamin qui n’est pas attendu. Et à l’aéroport, je sors, et celui qui devait m’attendre n’est pas venu. Et je demande à un taximan : Je vais en ville, puisque pour nous, en Afrique, il y a toujours un coin ou c’est le centre-ville. Et puis il me dit : ‘’Eh Mamadou, on ne me la fait pas celle-là’’.
Il me prend quand même, il me dépose Place de Clichy. Et il va falloir se démerder à l’âge de seize ans. Je ferme les yeux sur une carte que je prends dans une station BP, à l’époque. Je ferme les yeux, je mets la main sur une ville, et ça tombe sur Reims. Et je vais à Reims, pour m’inscrire à la fac. Voilà comment commence l’aventure de façon très douloureuse pour un enfant de 16 ans. Donc quand je regarde les enfants de 16 ans, je me dis : ‘’comment ça a pu être possible ? La douleur des parents, l’inquiétude des parents, mais le drame de l’enfant. »
- Son premier Job de journaliste de guerre
Selon le journaliste camerounais, la frayeur, le drame qu’il a vécu dans un pays ‘africain’, l’a marqué à vie. « Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, j’ai toujours voulu être journaliste. Et vouloir etre journaliste pour moi ça signifiait aussi aller sur les terrains les plus chauds. Donc étant en France, j’entendais parler des guerres en Afrique, avec à peu près la même tonalité. Et je me suis dit : ‘et si j’allais moi-même voir ça ?’
Voilà comment je débarque en Somalie, avec une caméra à l’époque, jeune JRI, je me dis : ‘je vais aller voir ça, de près’. Et je vois l’horreur. Je vois quelque chose que je n’imaginais pas. Le petit gamin qui a grandi au Cameroun, à Douala et à Bafoussam, qui voit qu’on peut tuer aussi facilement, qui n’imaginait pas que c’était croyable. Je dis je vais montrer ça au monde. Sauf que je m’intéresse plus aux causes d la guerre, qu’à la guerre elle-même. Parce que j’ai la faiblesse de penser que généralement dans les médias hard news, on parle des faits de guerre. Mais personne ne dit ceux qui manipulent derrière. Je ne fais pas le reproche aux autres, je me dis c’est à nous, de la presse africaine, de dire les causes réelles de ces guerre-là. Ce n’est pas aux autres d’aller chercher à notre place. »
- L’entrée à RFI
« Alors quand j’entre à RFI, c’est parce que je viens d’un média qui ne parle pas aux africains. Et je me dis : ‘qu’est-ce que je fais là en réalité ?’, parce que j’étais un peu presque celui qui sert le café. Je vais un plus loin, on ne m’a jamais demandé de servir le café, mais en réalité je ne me sentais pas bien dans cet environnement. Et je sais que j’ai grandi en écoutant RFI.
Le matin, mes parents allumaient RFI et ensuite la voice of America. Et je me suis toujours dit, ‘si je veux travailler dans la presse, je travaillerais soit à RFI, soit à la Voice of America’. Et l’opportunité m’est donné par un ami avec qui je travaillais, qui est Alex Taylor, qui me dit : ‘ce serait bien si tu rejoignais la maison RFI pour apporter un regard africain sur l’Afrique’. Et j’ai mesuré le sens de ses propos par après, parce que quand vous arrivez, vous vous rendez compte que les gens, ce n’est pas par méchanceté, ils ont leur regard sur l’Afrique qui est empreint de beaucoup de clichés, de beaucoup de choses qui vous font hurler. Mais ils ne le font pas méchamment, c’est comme ça qu’on leur a décrit l’Afrique. Et je pensais pouvoir apporter dans cette maison-là, le regard de l’Africain. Sans condescendance mais sans complaisance. »
- Le prix Nelson Mandela
« Alors pour moi c’est un moment important ce prix Nelson Mandela parce que c’était le prix de la fondation Nelson Mandela, et qu’il ne pouvait pas être, on va dire accusé de complaisance ou d’arrangement. Et je ne les connaissais ni d’Adam, ni d’Eve quand j’ai reçu ce mot. J’ai été flatté. Et on m’a dit que c’est parce qu’Archives d’ Afrique était un rendez-vous important, et qu’il fallait faire Archives d’Afrique aussi dans d’autres langues. Je ne savais pas que ceux qui étaient de langue, d’expression anglaise m’écoutaient. Ça m’a touché.
Et puis, qu’ils aient revisité ma carrière, je me suis dit : ‘peut-être que je suis finalement utile, que je ne suis pas le mauvais garçon que certains présentent ‘. Oui ça m’a touché profondément. Et je pense que parmi les prix que j’ai eus, j’en ai eu à peu près douze ou treize, c’est celui qui m’a le plus marqué. »
- Son arrivée sur YouTube est le 5e point qui l’a marqué.
« Alors l’aventure YouTube est une aventure un peu particulière. C’est que j’arrive à un âge ou j’ai envie de parler, ou on arrive au legs. On a envie de parler aux plus jeunes. Et parler aux plus jeunes c’est dire aussi les erreurs qu’on a pu commettre. Et peut-être c’est parce qu’on n’a pas su faire, qu’il faut dire aux jeunes, qu’il faut reconnaitre, auprès des jeunes que nous n’avons pas su faire. Pas parce qu’on était plus mauvais, mais peut-être parce qu’on n’était pas suffisamment équipés. Et le seul endroit pour parler à ces jeunes aujourd’hui, ce n’est pas sur les médias mainstream. Quand j regarde mes enfants, ils n’allument jamais la télé dans la maison. Et quelques-uns même ne savent pas pour qui je travaille. Pour eux, les grands médias-là, ça ne les concerne pas. Et mon fils m’a dit un jour ‘papa, ce que tu fais, tu devrais le mettre sur YouTube. Et il s’est chargé avec quelques-uns de ses amis, de me créer ma chaine YouTube. Et je suis surpris par l’importance de YouTube aujourd’hui.
Et c’est une chance extraordinaire pour l’Afrique, parce que ça évite toutes ces galères ou il fallait créer un média à grands frais pour pouvoir y parler en ligne. »
Rappelons qu’Alain Foka a annoncé mardi 17 octobre qu’il quittera RFI à la fin de ce mois d’octobre.
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