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Ben Decca, le chouchou des jeunes artistes Kamers

Considéré comme l’un des plus grands crooners de la musique camerounaise, Ben Decca contribue à donner ses lettres de noblesse au makossa, ce rythme né dans le littoral camerounais. Après plus de trente-cinq ans d’une carrière riche et intense, sa passion  est intacte. Crooner, adulé, artiste accompli et véritable star de la chanson camerounaise, il n’en demeure pas moins humble. Ben Decca ne manque jamais une occasion de tendre la main aux jeunes artistes. Il a collaboré avec Daphné, Sandrine Nnanga, Seppo, Dynastie, Marty Danak et bien d’autres.

L’ainé de la famille Decca est l’un des rares artistes de l’ancienne génération qui fait l’unanimité auprès des jeunes artistes au Cameroun. C’est le tonton, qui, à chaque fois qu’une occasion se présente, saute dessus pour apporter son soutien aux jeunes qui ont encore du chemin à faire dans la musique. Ils sont nombreux à lui faire confiance, car malgré la différence d’âge, son timbre vocal, dont on reconnaît la particularité, n’a pris aucune ride. Au contraire, comme le vin, il se bonifie avec le temps.

Après Daphné dans le titre « Ndolo »

Sandrine Nnanga dans « Osi Dimbea » ; Cysoul dans «Se Oa Nu »

Dynastie le tigre dans « Doucement »

Marty Danak dans « CRUZANA »

Wax Dey dans «Imbecile »

ou encore Seppo dans « Mama Oh Mba »

l’artiste, la soixantaine révolue,  à la voix suave compte donner jusqu’au dernier souffle de sa vie. Quand vous parlez avec Ben Decca, n’évoquez pas du tout la question liée à la retraite. Parce qu’il n’en veut pas ou du moins il ne pense pas raccrocher de sitôt.

Petite bio du doyen

Issu d’une fratrie de onze enfants, Victor Mouangue Eyoum, dit Ben Decca, naît le 23 février 1958, à Douala, au Cameroun, dans une famille plutôt aisée. Son père, Jems Mouangue Eyoum bien qu’aimant et protecteur, ne transige pas avec ses principes d’éducation plutôt stricts. Il tient à ce que tous ses enfants, et en particulier le petit Victor, l’aîné des garçons, fassent des études.

Figure respectée de la communauté douala de Deïdo, Jems Mouangue Eyoum n’envisage surtout pas que l’un de ses enfants embrasse une carrière d’artiste-musicien. Pourtant, Maximine, son épouse chante et le petit-frère de cette dernière est un excellent guitariste, membre des Los Calvinos, l’un des groupes phares des années 60 et 70 au Cameroun, fondé par Néllè Eyoum, pionnier du makossa.

Alors qu’il n’est encore qu’un enfant, Ben Decca se fait remarquer dans sa famille pour sa belle voix. A l’époque, les soirs de clair de lune, quand sa grand-mère maternelle leur racontait des contes, elle sollicitait leur participation en chanson. Le petit Victor est alors l’un des rares enfants à chanter juste et plutôt très bien. Très tôt, le jeune Victor Mouangue Eyoum est sensible au bouillonnement artistique de ces années postindépendance à Douala. Dès qu’il le peut, il va écouter les Black Styl au Mermoz, le bar à la mode pour la jeunesse d’alors.

L’occasion pour lui, comme les jeunes de sa génération, de montrer leurs plus beaux pas de danse. A l’époque, Ben Decca fait de petits concerts scolaires, et son père lui concède une chose : l’apprentissage de la guitare. A la rentrée 1977-1978, Ben Decca vient poursuivre ses études en France. Il a tous justes vingt ans. Au même moment, sort l’album « Les Black Styl » à Paris. Un énorme succès au Cameroun. Etudiant en mécanique automobile, il envisage de devenir expert automobile. Son père y tient, et il lui en a fait la promesse. Mais très vite, il est rattrapé par son destin.

Tous les week-ends ou presque, il quitte Sarcelles où il habite, pour se rendre chez son cousin, Richard Mboulè Samè, à Clichy-sous-Bois, dans le nord de Paris. Un jour, il s’amuse à chanter une de ses compositions et se fait remarquer par feu Joe Mboulè, chanteur de makossa confirmé, dont l’album « Malabar » a été un succès au Cameroun. Tout va alors très vite. Joe Mboulè décide de faire enregistrer au jeune homme un maxi 45 Tours.

Cependant, il n’est pas question que son nom et sa photo apparaissent sur la pochette de l’album. Il faut donc trouver un pseudonyme. Ce sera Ben Decca. Ben, car c’est le petit nom que lui a donné son père en référence au mot arabe Ben, qui veut dire «fils de ». Et Decca, c’est le diminutif de Deccabiac ; un surnom dont avait hérité son père, qui aimait beaucoup un joueur de football nord-africain du même nom.

Intitulé « Nyong’a Mulema », qui signifie les « désirs ou les envies du cœur » en douala, ce premier album paraît en 1981, avec la photo de celui qui s’appelle désormais Ben Decca. Succès immédiat au Cameroun, qui n’échappe bien sûr pas au père du jeune artiste. Il décroche alors son téléphone et dit à son fils : « L’on m’a toujours dit, tu honoreras ton père et ta mère. Tu n’as pas écouté mes conseils. Je ne t’ai pas envoyé en France pour faire de la musique. Tu es indigne de porter mon nom », rapporte tv5monde.

Conséquence : le père coupe les vivres à Ben Decca, qui se retrouve dans l’obligation de travailler pour vivre. Quelques mois plus tard, père et fils renouent, grâce à une médiation familiale. Dès lors, Ben Decca redouble d’efforts pour finir ses études. Et dans le même temps, il enchaîne les tubes, comme « Ye te na oa », son troisième album. Une chanson qu’il a composée au moment où il a connu celle qui deviendra la mère de ses enfants. Elle lui a été inspirée par l’ambiance assez tendue qui régnait au sein de leurs familles à ce moment-là.

Le succès aidant, Ben Decca décide d’encourager sa sœur Grâce à se lancer dans la musique – depuis, la fratrie compte au total quatre grands artistes, Ben, Grâce, Dora et Isaac Decca. Devenu expert automobile, Ben décide de s’installer à Yaoundé, au Cameroun, où il mène de front vie professionnelle et carrière musicale prolifique. Une façon pour lui aussi de prouver à son père qu’il avait rempli son contrat.

Un engagement citoyen quelque peu méconnu

Arrivent alors les années 90 et le vent de démocratie qui va souffler sur l’ensemble de l’Afrique subsaharienne. Sensible au discours d’ouverture tenu par le président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, Ben Decca se dit qu’il va enfin vivre dans un pays libre et démocratique. Le 27 décembre 1990, Célestin Monga, jeune cadre supérieur de trente ans, publie une lettre ouverte incendiaire à Paul Biya, dans le journal Le Messager.

Immédiatement emprisonné, Célestin Monga reçoit le soutien de nombreux artistes, dont celui de Ben Decca, qui sera arrêté à son tour. Entre temps, il réussit quand même à publier une chanson intitulée « G.M.I », Gros Moyens d’Intervention. C’était aussi un clin d’œil critique à l’égard d’un corps de police redouté, le Groupement Mobile d’Intervention.

Aujourd’hui, quand il repense à cette période, il se dit que les jeunes gens de la Brigade Anti-Sardinards, qui avaient décidé de boycotter ses concerts en France sont à tout le moins amnésiques. Et c’est parce qu’il se sent profondément camerounais, qu’il dit n’avoir ni haine, ni rancœur, à leur endroit. D’ailleurs, envers et contre tout, il a tenu à honorer son public francilien le 24 novembre 2018, à Nanterre, pour célébrer ses trente-cinq ans de carrière.

Quand on parle de légende de la musique au Cameroun, on cite sans hésiter Ben Decca !

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Danielle NGONO

Rédactrice chez Declik Group

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