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DAVY LESSOUGA : « Le désordre dans le secteur musical en Afrique francophone profite aux majors qui sont là pour faire du chiffre »

Manager d’artistes et spécialiste en services de monétisation musicale, Davy Lessouga assure avec brio la gestion de la carrière de l’artiste Franko. Il partage également ses connaissances sur l’industrie musicale en Afrique francophone dans des ateliers et des forums un peu partout à travers le continent.

Davy Lessouga, tu es celui qui se cache derrière le management de la carrière de Franko mais on sait très peu de chose te concernant. Qui est D.L et quel est ton parcours ?

Bonjour, avant toute chose je me sens honoré d’être interviewé par un média comme le vôtre. Vous ne le savez peut-être pas vous faites partir de ceux qui ont participé à ma culture générale sur ce milieu hip-hop 237 sous votre ancien format kamerhiphop.com

Pour revenir à moi, comme vous avez pu le constater certainement je suis un jeune camerounais de moins de 25 ans passionné de Hip Hop et de tout ce qui tourne au tour du marketing qui a pu avoir la chance d’appliqué ces études à sa passion. J’ai un niveau universitaire de master en marketing management que je n’ai pas encore terminé. En dehors d’être manager d’artistes je suis consultant pour plusieurs services de monétisation musicale en Afrique que ce soit pour des partenaires Youtube ou pour le VAS (values added services), il m’arrive aussi d’intervenir à des ateliers et forum sur l’industrie en Afrique francophone etc….

Comment te retrouves-tu à manager des artistes ?

J’ai été très précoce dans ce milieu comme Mbappé dans le football ou comme mon frangin Tenor (rire). Je suis entrée dans ce milieu très tôt étant élève au travers de la street wear via Pol’anhry qui a fini par être le premier artiste pour lequel j’ai officié en tant que manager jusqu’à fin 2014 avec qui j’ai pu faire le tour du pays. Au cours de la même année  j’ai embarqué dans l’aventure du Freaky Fridayz comme Event-manager pour la première saison suite à la rencontre de l’un de ces promoteurs (James lagaz) lors d’un tournage, de là j’ai pu me faire des contacts même si j’étais toujours pas pris au sérieux vu ma jeunesse. Pour la petite anecdote je me rappelle qu’un jour je suis venu vous rencontrez à Yaoundé pour le compte de Pol’anhry et vous l’avez rappelé en lui demandant au téléphone  « ton manager est à quel niveau ? » pourtant j’étais dans vos locaux devant vous (rire).

Par la suite je suis allé vers Franko dont je suis fan depuis mon enfance, je lui ai proposé en production à Sonolive avec qui je travaillais déjà pour le compte du Freaky Fridayz et la suite vous la connaissez ….

Davy Lessouga c’est quoi un manager d’artiste et qui peut prétendre l’être ?

Un manager d’artiste représente l’interface entre les différentes composantes de l’industrie et l’artiste. Il est l’élément central pour la cohésion de l’artiste avec l’univers extérieur de sa corporation, l’artiste fait le travail de création le manager fait le travail de collaboration, de cohésion et de négociation pour mener à la fructification d’où le nom ‘’Show-Bizz’’.

A première vue tout le monde peut être manager d’artiste mais c’est faux ! car c’est un métier qui nécessite des aptitudes en gestion sur toute sa définition, le management d’artiste est encore plus compliqué car il s’agit de la gestion humaine c’est à la limite comme une relation de couple mais ici il y’a une seule personne (le manager) qui se préoccupe perpétuellement de l’autre, qui doit tout faire pour qu’il donne le meilleur de lui.

L’imagerie populaire sur le métier de manager est focalisée sur les voyages, les pass vip à des événements et autres avantages sans savoir ce que s’est réellement, la preuve tous ceux qui s’embarquent dans ce métier avec de tels objectifs abandonne dès qu’ils découvrent l’envers du décor

Quelles sont les qualités d’un bon manager?

Cette question est complexe pourquoi ? Un manager c’est comme un entraineur de football quand son équipe gagne il est le meilleur entraineur, quand elle perd il est qualifié du contraire.  C’est quelqu’un qui doit accepter de prime à bord être sous l’ombre de son artiste car il y’a une seule personne qui doit toujours briller : L’ARTISTE

Il doit développer la patience, savoir être coopératif et bon vendeur mais surtout être extrêmement passionné car c’est une activité très aléatoire où on peut passer du king au Con en très peu de temps, ce qui nécessite être motivé tout le temps pour continuer de travailler avec la même énergie même dans les mauvais  moments

Comment est rémunéré un manager d’artiste ?

Tout dépend déjà du degré de confiance établie entre l’artiste et son manager, ensuite du degré réel d’implication du manager et pour finir les termes de négociations. C’est généralement dans un intervalle de 10 à 20 % des entrées brutes de l’artiste

L’actualité de Franko c’est la sortie de 03 singles (La remontada, danse ta chose et partenaire). Peux-tu nous dire un mot sur ce nouveau projet ?

On a pris du temps (pratiquement 10 mois) pour travailler en studio et on a beaucoup de titres disponibles sous la main du coup. On a choisi quelques-uns pour partager au public tout en continuant de travailler sur son 2e album

On constate que Franko est dans un univers sonore/rythmique différent de ce à quoi il nous a très souvent habitué par le passé. Simple coïncidence ou choix artistique délibéré de votre part ?

Franko est un artiste dans le fond et la forme du terme. Malheureusement le public (ceux qui l’ont connu à travers coller la petite) veut le cantonner à un style car la plupart ne connaissent pas ces faits d’armes, beaucoup ignorent qu’il a 10 ans de carrière avant son hit planétaire.

Comme je l’ai dit, nous avons pris du temps pour travailler, proposer quelque chose de nouveau au public qu’on les servira. Il faut être patient dans ce métier, certaines choses peuvent prendre du temps, d’autres pas du tout mais le plus important c’est laisser l’artiste s’exprimer comme il le sent.

On constate un intérêt de plus en plus accru des majors pour l’Afrique. Doit-on avoir des craintes ou comment peut-on en tirer profit et éviter des pièges éventuels ?

L’arrivée des majors représente l’accomplissement  d’un travail de longue haleine mené par les médias comme le vôtre depuis des années. C’est une aubaine pour l’industrie car qui dit major dit « gros budgets d’investissements  » mais qu’on doit embrasser avec un peu de retenue car c’est du business et nous devons garder ça en tête. Les majors ne viennent pas en balade, ils viennent faire du chiffre car ils ont compris qu’on a une terre fertile. Maintenant c’est aux managers d’artistes d’être intelligent et de beaucoup s’informer sur ce qu’on appelle contrat d’édition, contrat de distribution, contrat de licence, contrat de coédition et contrat 360°.

Le secteur culturel en Afrique francophone est malheureusement non légiféré et les acteurs peu former malheureusement car beaucoup ne considèrent pas encore ce qu’ils font comme un métier. Tout ce désordre est à l’avantage des majors ça leurs donnent la possibilité d’appliquer les méthodes empiriques de l’ère de la dématérialisation de la musique à la fin des années 90 et au début des années 2000 avec les contrats à 360° dont la plupart ignorent les tenant et les aboutissants sur notre marché.

Le business model de la musique a changé, on est pratiquement la seule zone de marché à la traine dessus, ailleurs les artistes et labels indépendants aujourd’hui font des deals directs de licence, d’édition de distribution etc… avec les majors ou les distributeurs.  Je conseille vivement à mes collègues d’appréhender les choses sur ce prisme car comme je l’ai dit le business model de la musique aujourd’hui est orienté vers l’indépendance, les labels distributeurs sont des farouches concurrents des majors aujourd’hui car l’arrivée d’internet a bouleversé tout le marché.

Maintenant la décision revient à chaque team d’artiste, car je reconnais que tout le monde n’est pas fait pour ça.

Quel conseil donnerais-tu aux jeunes qui désire bâtir une carrière et à ceux qui aspirent devenir manager ?

Pour ceux qui désirent bâtir une carrière lancez-vous ! Ecoutez les avis ! Améliorez-vous ! Entourez-vous le plutôt possible d’une équipe de passionnés, ça peut être des potes mais ils doivent accepter apprendre. Pour ceux qui souhaitent devenir manager si vous n’êtes pas passionnés laissez tomber ! Si vous l’êtes alors apprenez à connaitre votre artiste et à travailler même avec ceux qui vous énervent car il n’est pas question de vous mais de l’artiste dont vous êtes le manager. Ne vous laissez pas influencer pas les ainés, n’hésitez pas à demander quand vous ne connaissez pas. Et n’hésitez surtout pas à diversifier votre activité car c’est un métier assez ouvert

Entretien mené par Ebah Essongue Shabba

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