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Booba « Je suis toujours boycotté des grands médias »

Et à Bruxelles, ensuite, pour un happening au Mirano vendredi soir et un concert au Carré de Willebroeck ce samedi. Le Duc, Kopp, B2O, bref, Booba, est hyper busy. Car derrière les tatouages, les biceps, les clashs, les femmes et les grosses voitures dans ses clips, se cache un homme d’affaires, un professionnel de la musique et acharné des textes, classé plusieurs fois numéro 1 du top albums ou des meilleures ventes iTunes comme avec « Futur » son sixième opus sorti en novembre 2012.

D’ailleurs, depuis cette date, il ne s’était toujours pas exprimé dans un média belge francophone. Il a accepté d’accorder une interview, de manière exclusive, à Sudpresse. Une rencontre organisée vendredi soir, dans un hôtel reculé et calme de la périphérie, loin de la frénésie des grands établissements bruxellois. Entouré par la team du WorldEventTour de Fab Faya qui a organisé la venue de la star dans notre pays.

Booba, tout d’abord, comment vas-tu ?

Bien. Avant d’inaugurer mon magasin, je venais de descendre de l’avion. Je revenais du Maroc, de Marrakech, où j’ai donné un concert. Dans une très bonne ambiance.

Chaque sortie d’un nouvel album de Booba s’accompagne toujours d’une certaine frénésie. Comment as-tu ressenti cette excitation, voire cette pression ?

C’est une pression positive, ça veut dire qu’il y a une émulation, qu’il y a des gens qui s’intéressent. Et puis je ne peux pas me plaindre de ma situation. Dur, pas dur, épuisant, pas épuisant : c’est le boulot, il faut le faire. Je pense qu’il y a d’autres tafs plus durs que le mien. Mais sinon, je suis satisfait.

Tu considères ton boulot comme un boulot ou comme un plaisir ?

C’est les deux. C’est un boulot qu’on aime, c’est une passion. Mais avec sa partie boulot, comme faire une interview, une séance-photos, la télé… Mais le vrai moi, c’est faire de la musique, être en studio, faire des concerts… Quand on débute dans le rap, on ne se dit pas : « Je vais faire de la télé ». On ne dit d’abord : « Je vais faire de la musique. » Le boulot, c’est tout ce qui vient après.

« Futur » est sorti dans les bacs il y a environ sept mois, quel bilan en tires-tu ?

Je suis à 150.000 albums vendus. Je prépare une réédition pour la rentrée qui s’appellera « Futur 2.0 », avec des inédits, mais je ne peux pas en dire plus. On a aussi eu une tournée des zéniths très réussie. Après, je reste toujours boycotté des grands médias et des grosses radios. Alors, OK, je fais peut-être « Le Grand Journal » de Canal + ou Direct 8, mais c’est jamais vraiment pour ma musique. C’est davantage pour les à-côtés parce qu’on sait que Booba, c’est des histoires, c’est sulfureux, ça fait vendre. C’est plus pour le personnage et c’est pas vraiment sincère. Quant au boycott, ce sont toujours des grosses radios qui passeront du rap, mais pas celui que je propose.

Comment expliques-tu cela alors que tu vends des milliers de disques ? On ne te voit pas au 20 H de TF1 ou à Taratata par exemple ?

Taratata, j’ai été invité, mais j’ai refusé. J’aime pas Nagui. Quant au refus du passage en radio, c’est une forme de racisme. C’est m’empêcher de véhiculer mon image et ce que je raconte. Ils aiment qu’on les caresse dans le sens du poil. Mais moi je dis ce que j’ai à dire, et visiblement ça plaît pas. Le rap, c’est peut-être vulgaire et violent, mais c’est comme ça. Moi je fais du vrai rap, pas de la musique pour les enfants. Le rap, c’est une musique dure. C’est comme un film de Tarantino. Tu peux rigoler, mais c’est violent. En tout cas, je devrais vendre plus de disques si je n’étais pas boycotté. Le rap n’est pas accepté dans la société comme une musique à part entière. C’est toujours montré du doigt. Mais si ça se trouve, le patron de NRJ a une fille de 12 ans qui kiffe mes morceaux et a des posters de moi dans sa chambre, mais il me joue pas quand même. C’est un blocage, un refus d’intégrer ma musique dans le patrimoine français. Mais hamdoullah (NDLR : louanges à Dieu en arabe), comme on dit, je m’en sors bien.

Tu es un des rares rappeurs français à pouvoir travailler avec les poids lourds américains : P. Diddy, T-Pain, Akon, Rick Ross, 2Chainz… Cela a été plus facile à les convaincre au fil des années ?

C’est plus rapide car du point de vue du business, ça leur parle plus. Quand ils voient que mes clips font 10 ou 15 millions de vues, ils se doutent qu’ils vont pas travailler avec un inconnu. C’est du win-win : ils se font connaître dans mon réseau et moi dans le leur.

Y a-t-il d’autres artistes américains avec lesquels tu voudrais bosser ?

Chris Brown, Rihanna, Future, Young Jeezy, Kanye West…

On loue souvent la qualité de tes textes. Consacres-tu toujours des heures voire des journées entières à une seule phrase dans une chanson ?

C’est souvent le cas. C’est au scalpel. Même si quand on écrit, il n’y a pas de timing précis. Quand j’écris, faut que ça me plaise, tout simplement. Quand je me relis, ou le rappe, faut que ça me plaise. Alors, j’écris tout le temps, dès que j’ai un truc qui me passe par la tête. J’écris par exemple beaucoup dans l’avion, parce que je me fais chier. Sinon, je suis comme un peintre, c’est à l’inspiration.

Les riches français s’exilent en Belgique, alors que toi tu as choisi Miami. Tu n’as pas envie de venir habiter à Bruxelles ou à Liège ?

Non. Cela ne m’est jamais passé par la tête. Je suis pas au niveau d’un Bernard Arnault. Moi, je suis entre la France et les Etats-Unis. Aujourd’hui, je suis à Miami, demain ce sera peut-être ailleurs. Mais à Miami, il se passe beaucoup de choses, la scène rap bouge beaucoup, y’a de l’émulation. J’aime beaucoup. Miami est une ville agréable à vivre.

Le dernier artiste qui a la cote en ce moment, c’est Maître Gims, de Sexion d’Assaut. Ton avis ?

Je suis content de sa réussite. Il a galéré comme moi, Sexion d’assaut a débuté avec des freestyles, de l’internet. Et aujourd’hui, ils vendent des milliers d’albums. C’est peut-être pas forcément la musique que j’écoute mais ils ont travaillé dur. C’est respectable.

Il y a 10 ou 15 ans, à tes débuts, te voyais-tu à ce niveau-ci ?

Comme je le dis dans une de mes chansons, je ne savais même pas si j’allais dépasser la trentaine. Il y a 15 ans, en plus, j’étais en prison. Et je ne me voyais pas en 2013 à ce niveau-ci.

Tu te vois où dans 10 ou 15 ans ?

Pareil, avec encore plus de succès. Dans le rap ou dans d’autres business. Je veux continuer à récolter ce que je sème. Et vivre ma vie comme je l’entends. Car j’ai pas de rêves particuliers, la musique étant venue par hasard. L’important c’est faire ce que j’aime : me lever à l’heure que je veux, être un patron et je suis content.

Johnny Hallyday a 70 ans. Tu vois encore sur scène à 70 ans ?

Non. Sur et certain. Et puis je suis pas admiratif de sa carrière, bien que je n’ai rien contre lui. Je ne trouve pas qu’il a été au top tout au long de sa carrière. Il n’a pas traversé le temps, il n’a réussi que grâce à ses fans. Aujourd’hui, il n’a pas de hits. Et il a eu besoin de compositeurs pour rebondir : Obispo, Goldman… Moi, j’écris mes paroles. On n’a pas le même parcours. Je ne rêve pas de sa carrière.

Est-ce que l’artiste que tu es se sent compris ?

Oui par certaines personnes. Incompris par d’autres. Si je n’étais pas compris, je n’aurais pas autant de fans et ne remplirais pas autant de salles de concert. Et ceux qui me comprennent pas, je m’en fous. Tout le monde n’a pas mon vécu, ma vision des choses, ignore ce que j’ai subi, ce que j’aime… Et je comprends très bien que certaines personnes ne me comprennent pas. Un peu comme moi je ne peux comprendre le Prince rainier de Monaco et sa vie.

Il y a eu des clashs avec La Fouine, Rohff, TLF… Tu as été insulté. Que réponds-tu aujourd’hui ?

Je ne leur pardonnerai jamais qu’ils aient insulté ma mère. Moi, les insultes personnelles, ça m’a pas heurté. Je dors bien la nuit. Moi on peut m’insulter, mais pas ma mère. Moi je ne me permets pas. Je clashe aussi, mais pas la mère. Et si je venais à le faire, ce sera en face de la personne, jamais en musique. Mais eux, c’est de la merde en barre. Et de toute manière, ce n’est pas très important.

Dans ton clip « Caramel », tu portes les fameuses Nike Air Mag que Marty McFly porte dans « Retour vers le Futur 2 ». Comment as-tu fait pour en avoir ?

Je paie. Quand tu paies, tu trouves. À la base, c’est un ami à moi qui y a pensé. Je les ai vues chez lui alors que je pensais que ça n’existait pas, que c’était resté à l’état de prototype. J’ignorais qu’on pouvait les acheter. Je les ai achetées et je ne les ai portées que dans le clip.

Tu dirais quoi à un jeune qui veut débuter dans le rap ?

Le rap, c’est comme le sport, faut s’entraîner et regarder ses performances. Et si c’est vraiment notre branche. Si tu fais du 100 mètres et que tu vois que tu évolues pas, passe au saut en longueur. Et si ça va pas, passe au saut en hauteur. Avant faut se demander si on est fait pour ça et si on a un talent. Y a pas de chance dans ce métier. Si t’es fort, t’es fort. Prenons Internet, si tu mets en ligne un morceau et qu’il est bon, il voyagera. Pas besoin de promo. C’est d’ailleurs comme cela que des carrières se font aujourd’hui.

Tu peux me citer cinq artistes ou morceaux qui sont sur ta playlist actuellement ?

« Work » de Young Scooter, « Stay » de Rihanna, « My » de Future, Mavado, Jacki-O.

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