CamerounHistoire & Patrimoine

A la découverte du peuple Mpo’o

C’est une rencontre qui a lieu une fois tous les ans et ce depuis 64 ans ; l’occasion est donnée ici aux différents fils et filles Mpo’o repartis dans 14 cantons dans les régions du Littoral, du Sud et du Centre de se retrouver et de procéder à des rites et initiations, de façon volontaire, bref, de ne faire qu’un avec leurs us et coutumes.

Le Cameroun est un pays multi culturel où se côtoient près de 300 ethnies. Ayant trouvé refuge sur le rocher de Ngog Litua après avoir été chassé par l’invasion des foulbés au Nord, les Elog Mpoo se seraient éparpillés sur plusieurs provinces du Sud. Au départ se côtoyaient alors adiè, béti, bassa, etc, mais les querelles intestines et familiales finiront par changer  la donne; ce qui nous donne aujourd’hui une configuration avec les Elog Mpoo plus près des côtes et les Bétis plus au Centre :

Historique et migrations

Les Elog Mpoo sont un ensemble de peuples et de clans qui sont dispersés dans la forêt du sud Cameroun et appartiennent au grand groupe de populations Bantoues. Partis, comme tous les bantous de l’Egypte ancienne ils échouent de migrations en migrations sur les bords de la Sanaga avec à leur tête le chef Tu. Celui-ci a deux fils qui se séparent, Tong décide d’aller vers le soleil couchant et Nnanga décide de continuer à longer la Sanaga. Ce dernier poursuivi par les foulbés en pleine expansion trouve refuge dans l’entrée d’une grotte obstruée par une toile d’araignée. Dès lors ce rocher sera baptisé Ngog Litua et l’araignée deviendra le totem des Elog Mpoo.
Le berceau des Elog Mpoo est donc situé à Ngog Litua. Nnanga Tu engendre ensuite deux fils (Nnanga et Njee) qui se séparèrent de la famille. Njee engendre un fils Mban qui veut dire caché et secret. Celui-ci donne naissance à plusieurs fils dont l’un d’eux Nnanga à la mort de son père prit ses jeunes épouses comme le veut la tradition et en eut plusieurs enfants. Il prit aussi sous sa protection ses jeunes frères Njob, Nso’o et Peke. A partir de là, la famille s’élargit et se disperse sur des terres en mesure de les contenir. Dans la querelle de succession après la mort de Mban, la mère de Njob retourne dans sa famille avec son fils et ses coépouses (ses « minkomba » parce que ayant été mise en cuisine par son mari). Celles-ci étaient les mères des Ndogbessol, Badjob et des yabii. C’est pourquoi ces clans parlent le Bassa et non le Bakoko. Les Elog Mpoo durent livrer d’autres batailles avec les Babimbi pour s’approprier du sel, denrée très prisé à l’époque. A cause de toutes ces migrations, les Elog Mpoo sont aujourd’hui éparpillés dans les provinces du littoral, du centre, et du sud. Ils constituent aussi un ensemble de 13 clans. La langue originelle des Elog Mpoo est le Bakoko, tout au moins une forme assez vieille de celle-ci. La forme parlée aujourd’hui par les Elog Mpoo s’est enrichie d’expressions collectées au fil des migrations, mais conserve néanmoins la souche première. Ceci est toutefois inexact pour les Badjob, NdogBessol et Yabii qui parlent le Bassa, langue qu’ils ont empruntée à leur environnement éco-culturel.

Us et Coutumes

S’agissant des usages patronymiques, ils résultent d’une coutume qui jadis avait pour but de préserver la dignité et le respect dus aux hommes. En effet, il était scandaleux, et même outrageant d’appeler un homme par son patronyme réel, son nom de naissance. On préférait à celui-ci un pseudonyme qu’il s’était donné, ou que la société lui avait donné. La violation de cette pratique conduisait à des sanctions sévères pouvant aller jusqu’à la mort. L’exemple le plus frappant est celui du peuple Mpoo qui s’appelle Elog Mpoo alors que le patronyme réel de leur ancêtre était Nnanga Mban (ils devaient donc être les Elog Nnanga). Il en est de même des Yasuk et des Yakalak dont les ancêtres s’appelaient respectivement Ngangohè et Mpam, mais que l’histoire a enregistré sous les appellations de Lisukè et Kalakè. Le conférencier termine cette partie de son exposé en précisant que chaque patronyme avait une signification précise.
Les Elog Mpoo sont un peuple qui se veut libre et autonome, attitude qui les a souvent fait passer pour un peuple d’orgueilleux et de suffisants. En réalité, l’esprit de liberté et d’autonomie des Elog Mpoo se reflète beaucoup plus sur la structure sociopolitique de leur société, et dans son fonctionnement.
Les femmes enceintes ne devaient ni voir un mort, ni assister à un enterrement. Elle était choyée, avait droit aux mets les recherchés. Personne ne doit la bousculer ni la réprimander, y compris son mari. Avant l’arrivée du christianisme, la mère et l’enfant ne pouvaient sortir de la maison avant neuf jours. La première sortie débutait par un rite de purification publique après lequel tout le monde venait voir l’enfant. Si un nouveau-né mourait avant cette sortie, on considérait qu’il n’avait jamais existé. Il existe plusieurs façons d’attribuer un nom à un enfant

Organisation sociétale

C’est une société à structure horizontale, donc à tendance acéphale. Ici le chef, autorité politique toute puissante, est quasiment inexistant. La société fonctionne sur la base d’une égalité tacite (mêmes droits, mêmes devoirs). Ceci n’exclut pour autant pas le fait que certains individus soient responsabilisés, et donc habilités à agir en tant que chef.
Les Elog Mpoo sont à la fois un peuple de pêcheurs, notamment les Yasuk et les Yakalag, clans vivant à proximité de l’eau ; un peuple de chasseurs et d’agriculteurs, tous les autres clans qui ont conservé le contact avec la forêt, et pour certains, le voisinage avec les BAKO (pygmées).
Les Elog Mpoo sont, comme la plupart des peuples bantous, essentiellement animistes. Parler de religion chez eux c’est parler du culte des ancêtres à travers la société du Njéé. Celle-ci est l’affaire exclusive des hommes. Les conditions d’admission y étaient draconiennes et les sanctions en cas de faute très sévères (la mort dans la plupart des cas). Les initiés de haut rang remplissaient les fonctions de gardiens du temple, de la tradition, de juges, etc. Bref, l’autorité religieuse jouissait d’un pouvoir considérable. La société du Njéé était rigoureusement organisée et le secret était de règle.
A côté de l’organisation religieuse de la société, il y avait une organisation classique faite de strates. Celles-ci donnaient la primauté à la noblesse de sang et à la primogéniture. Il y avait d’abord le kundè, pur enfant du pays, c’est-à-dire issu d’un lignage pur (mère et père Elog Mpoo de souche) ; on disait de celui-là qu’il ne pouvait habiter ou rester " derrière la case ".
Les personnes nées de mères issues d’autres souches étaient moins considérées. Il y avait le ntobé (immigré), issu d’une autre souche (non Elog Mpoo) qui était souvent là pour des raisons de survie. Il y avait aussi le nyon (esclave). On l’appelait aussi nkep’a mut (l’homme acheté). Il n’avait rien à dire devant les kundè. Il faut cependant dire pour atténuer cette stratification trop rigide que, en raison de leur caractère pacifique, les Elog Mpoo cohabitaient avec toutes ces catégories sociales sans grands heurts.

Vie et organisation Familiale

La première observation que l’on fait dans cette société est le rôle central du père. Il est la référence centrale. On désigne une famille par le nom du père, le village d’origine de la famille est celui du père. Le fils naît, grandit, s’épanouit et se marie dans la cour de son père. Bref la suprématie de l’homme est consacrée de façon absolue. Cependant, si tous les privilèges semblent aller à l’homme, le rôle de la femme est très discret mais pourtant essentiel. Elle est la soeur, l’épouse et la mère, la gardienne du patrimoine culturel et de l’éducation des enfants.
La femme ne subit pas nécessairement l’initiation comme l’homme, bien qu’il existe des sociétés initiatiques et secrètes strictement féminines. La femme est aussi le lien avec les autres familles et avec les autres clans. Dans le cadre du mariage, elle permet la constitution des alliances. C’est pourquoi sa famille est très attentive à la vie des enfants. Ceux-ci sont plus considérés dans leur lignage maternel que dans le leur propre ( " Mon a nga wele be a bangoo " = le décès d’un enfant ne peut pas provenir de sa famille maternelle). Car l’enfant est la garantie de la survie de leur fille dans ce mariage.
Une autre organisation sociale prévalait chez les Elog Mpoo : les classes d’âge. Celles-ci regroupaient les personnes d’une même génération, nées, mais surtout allaitées à la même époque. Cette organisation avait pour but essentiel la socialisation et l’intégration des individus dans le communauté. L’appartenance à une classe d’âge durait toute la vie.

Célébration  traditionnelle

L’organisation de la fête traditionnelle des Elog Mpoo et des mouvements de regroupement procède d’une prise de conscience des liens de sang qui les unissent. Cette prise de conscience se manifeste à l’origine au sein de l’A.A.S.M.(Association Amicale de la Sanaga Maritime). Ce mouvement regroupait à la fois les Elog Mpoo, les Bassa, les Babimbi etc. Mais les Elog Mpoo, se sentant exploités à l’intérieur de ce mouvement à caractère politique et qui se voulait une force face à la colonisation, vont se retirer pour sauvegarder leur dignité et leurs intérêts. Ils créent alors JEUMPOO (Jeunesse Mpoo) en 1946. Celle-ci deviendra en 1947 l’ACTEM (Assemblée Coutumière et Traditionnelle des Elog Mpoo). L’ACTEM se veut un mouvement culturel, une entité indépendante de l’administration. Elle organise alors en 1949, deux ans après sa création le grand pèlerinage de Ngog-Litua. Celui-ci sera suivi en 1951 par un grande assemblée générale à Solopa chez les Yabii. Malgré quelques vicissitudes, le mouvement, ira se développant jusqu’en 1978, date de son interdiction par l’autorité administrative.
La mesure d’interdiction ayant été levée en 1991, l’ACTEM reprend ses activités en 1992. Les Elog Mpoo sont aujourd’hui une grande famille en pleine renaissance qui essaie de retrouver ses racines culturelles et de les perpétuer à travers de nombreuses manifestations (la fête traditionnelle Mpoo) à caractère initiatique et culturel.
Elle se déroule généralement au cours de la première semaine de décembre à Edéa, dans le littoral camerounais. C’est l’occasion pour tous les clans Mpoo disséminés à travers la vaste forêt du Sud-Cameroun de se retrouver, de fêter leur parenté, de discuter de leurs problèmes, et d’envisager l’avenir. A cette occasion le pagne traditionnel est confectionné et distribué à tous les Mpoo qui le désirent. En principe il n’est pas possible de l’avoir si l’on n’est pas lié d’une façon ou d’une autre à un Mpoo.

Arcanes et culture

Les arcanes sont les signes qui symbolisent l’ensemble des clans Elog Mpoo et qui les différencie par rapport aux autres.

La corde: tressée avec un nœud tourné vers le haut, symbolise l’union et la fraternité indissolubles.

Le palmier : il est le symbole de l’activité agricole et surtout de la fécondité, de la richesse et de la prospérité.
La pirogue et les pêcheurs : symbolise l’origine aquatique des Mpoo, la maîtrise de l’eau et l’aptitude aux activités marines.

La pagaie : constitue un élément moteur dans les différents déplacements, permet de diriger et de stabiliser la pirogue, même entre les vagues. Les vagues chez les Mpoo symbolisent la perversité.

Le chasse-mouche : est le symbole de la paix et de l’autorité d’une part, et d’autre part de la dignité et de la liberté. Dans une course de pirogues par exemple, le chasse-mouche matérialise le pouvoir de neutraliser les forces maléfiques des autres concurrents.
Dans la culture on pourra parler des danses initiatiques qui sont pratiquées chez les elog mpoo et de leur esprit poétique.

Danses diverses :
Dans cette classe on distingue surtout:
le Mbayè, le sèkèlè, l’esèwè, l’asiko, le bolbo et bien d’autres… qui sont des chants rythmés dansés en toutes occasions. Ces danses sont d’ailleurs les plus répandues aujourd’hui.

Danses initiatiques :

Fon et kolochiba :
C’est une danse (ou mieux un rite) pratiquée par les Mpoo de la forêt. Les danseurs sont habillés d’une ceinture de paille qui leur tombe aux genoux. La société du Fon utilisait ce rite pour guérir (en communiquant avec les esprits). Elle était réservée aux hommes dûment initiés. Un fon entre en transe à l’écoute du son du tamtam l’appelant, et n’est libéré qu’une fois arrivé au lieu de la cérémonie.

Bisima :
Ce rite était pratiqué par les peuples de la côte, pour invoquer les esprits de l’eau. C’est une organisation masculine. Les consacrés jouent le rôle d’intermédiaire entre les humains et les hommes de l’eau. On y entre de père en fils dès le jeune âge. Les bisima entrent en transes en communication avec leurs maîtres et parlent un langage incompréhensible aux non initiés. Ces danses rituelles accompagnent des traitements. Certains bisimas ont pu rester jusqu’a douze ans dans l’eau.

Bilemba :
C’est une organisation strictement réservée aux femmes qui ont suivi une longue initiation depuis l’âge de cinq ou six ans, et qui réunissent toutes les qualités de maîtresse femme, en particulier celle de fidélité à leur mari. Particulièrement craintes, les femmes elemba tenaient en respect les hommes contre les abus desquels elles luttaient avec efficacité.

Pour la poésie l’on peut citer :

Ngoso :
C’était une poésie chantée, généralement sans instrument de musique, qui servait à louer, ou à manifester sa créativité par l’improvisation. Les poésies du ngoso ont servi et servent encore dans beaucoup d’autres rythmes mondains.

Ondende :
C’était aussi une poésie chantée, cette fois avec un instrument à corde semblable au mvet chez les béti.

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